Anciens fondateurs d’Assurea, qu’ils ont ensuite cédé en décembre 2017 à un fond de Goldman Sachs qui avait également acquis Meilleurtaux, Agnès et Hervé Brasseur viennent de lancer Révéa, société qui met en relation des propriétaires bailleurs privés avec des particuliers désireux d’acquérir l’usufruit viager d’un bien immobilier.
Profession CGP : Sur quels constats avez-vous décidé de lancer Révéa ?
Hervé Brasseur : Durant notre précédente expérience, nous avons pu constater les difficultés des personnes âgées de plus de 60 ans d’accéder au crédit immobilier pour réaliser leur projet d’acquisition de leur résidence. L’acquisition de l’usufruit d’un bien constitue pour eux une alternative à l’achat traditionnel, mais aussi à la location d’un bien qui reste une situation précaire. Cette pratique correspond aux attentes des jeunes seniors, que nous appelons les jeuniors, qui recherchent de la sérénité vis-à-vis de leur lieu de vie. Ils représentent un poids non-négligeable des potentiels acheteurs, environ 1/6 du marché.
Agnès Brasseur : De leur côté, les bailleurs – qui sont environ 2 millions pour 5 millions de biens loués - peuvent être intéressés à céder l’usufruit de leur bien pour différentes raisons. En devenant nus-propriétaires, ils réduisent leur imposition aux revenus fonciers et à l’IFI, n’ont plus la CSG à payer et se déchargent des contraintes locatives ; cela en conservant le bien dans leur patrimoine. Les bailleurs disposent alors d’une somme d’argent pour réaliser d’autres projets ou la transmettre.
Révéa se veut être une solution permettant de fluidifier les échanges entre ces deux parties alors que le marché de l’ancien est aujourd’hui grippé par la réglementation de la loi « Climat et Résilience » (DPE, etc.) et que les taxes supportées par les propriétaires ne cessent d’augmenter… Ce marché est nouveau et se distingue singulièrement du démembrement habituellement travaillé par les bailleurs sociaux.
Quels sont les autres avantages pour les bailleurs ?
H. B. : En termes de succession, le bailleur peut transmettre la nue-propriété du bien mais aussi transmettre facilement la somme d’argent issue de la vente de l’usufruit.
Pour ses héritiers, la conservation de la nue-propriété n’est pas un problème : ils n’ont aucun souci locatif, ni charge à payer…, tant que l’usufruitier reste en vie.
Et pour l’usufruitier ?
A. B. : Il jouit d’une belle liberté vis-à-vis du bien. En effet, il peut par exemple le louer lorsqu’il part en maison de retraite et ainsi financer son nouveau logement. Il acquiert également la jouissance d’un bien jusqu’à son décès sans avoir à mobiliser une somme trop importante.
Comment s’assurer que l’usufruitier conservera le bien en bon état ?
H. B. : S’agissant de sa résidence principale, il aura tout intérêt à réaliser les travaux nécessaires. Par ailleurs, la répartition des travaux entre usufruitier et nu-propriétaire est régie depuis plus de 200 ans par les articles 605 et 606 du Code civil.
Pour assurer la tranquillité de chacune des parties, nous avons rédigé une convention de démembrement fixant clairement la répartition des travaux entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Celle-ci prévoit une possibilité de contrôle tous les deux ans.
De quelle façon mettez-vous en relation les deux parties ?
A. B. : Nous allons mener une importante campagne de communication dès le mois de novembre et opérer comme des agents immobiliers classiques, via les plates-formes du marché. Nous allons tout d’abord nous concentrer sur la région PACA, puis progressivement nous déployer sur l’ensemble du territoire.
H. B. : Nous comptons également nouer des partenariats avec les CGP et aussi avec les notaires et les agents immobiliers. Pour les professionnels du patrimoine, notre offre est une solution pour préserver et accroîtree leurs encours : côté usufruitier, les actifs ne sont pas totalement mobilisés pour acquérir un bien ; tandis que côté bailleur, le CGP peut être sollicité pour placer le produit de cession de l’usufruit.
Le vendeur, Nicolas, 45 ans, est propriétaire d’un appartement à Paris estimé à 500.000 €, acquis en mars 2010 au prix de 320.000 € pour en faire sa résidence principale, mais finalement mis en location en 2020. L’appartement était loué 1.360 €/mois (3,20 %). Il dispose de revenus élevés (> 170.000 €/an), avec un taux marginal d’imposition de 45 %.
Sur les 16 320 € de loyers annuels, il lui reste environ 7.600 € nets, (soit 14.000 € de revenus fonciers nets taxés à 62,2 %, sans tenir compte des taxes foncières et de l’IFI éventuels).
En cas de vente en pleine propriété́, il devrait verser un impôt de plus-values estimée à 27.726 €.
Nicolas, qui a soldé son crédit, ne veut ni vendre ce bien, ni le remettre en location en raison des contraintes locatives et du faible rendement.
Pierre, 65 ans, ancien cadre industriel, célibataire et sans enfants, a pris sa retraite et vendu son appartement à Levallois pour 540.000 € nets. Il souhaite vivre dans le centre de Paris et garder un capital pour profiter de sa retraite, sans toucher à ses placements. Un appartement comme celui de Nicolas lui conviendrait, mais le prix de vente de son ancienne résidence principale est tout juste suffisant.
Le barème Daubry 2023, utilisé par Révéa, estime son usufruit à un montant de 50,6 % de la pleine-propriété, soit 253.000 €. Il devra régler également :
- les frais d’acte sur son acquisition d’usufruit, estimés à 19.000 € ;
- les honoraires de Révéa (7,20 % ttc de la valeur de l’usufruit ) : 18.216 € ttc.
Il restera disponible à Pierre sur le prix de vente de son appartement la somme de 250.000 € environ (540.000 € - 253.000 € - 19.000 € – 18.216 €), pour réaliser de nouveaux placements.
Pour Nicolas :
Nicolas encaissera le prix de l’usufruit viager fixé à 253.000 €, diminué des honoraires de vente de Révéa (7,20 % ttc de la valeur de l’usufruit : 18.216 €), soit 234.784 €. Il supportera l’imposition sur les plus-values immobilières, pour un montant estimé à 19.348 €. Soit une rentrée nette d’argent de 215.436 € ce qui correspond à 28 années de loyers nets perçus immédiatement.
Nicolas reste nu-propriétaire de l’appartement, dont il retrouvera la pleine propriété au décès de Pierre (dont l’espérance de vie est de 20,2 années selon le barème Daubry et 18,1 années selon le barème INSEE 2020). Pendant ce temps, la durée de détention de son appartement continuera de courir.
Jacques, 72 ans, et Sylvie, 65 ans, vivent tous les deux dans la campagne de Provence et souhaitent profiter d’un pied à terre à Paris. Ils disposent d’un capital de 600.000 €. Ils ont deux enfants (32 et 40 ans) et souhaiteraient pouvoir les aider via une donation de numéraire immédiate.
L’acquisition d’un appartement de 500.000 €, à laquelle il convient d’ajouter les frais d’acte et les honoraires d’agence consommerait la presque totalité de leur capital disponible.
Le barème Daubry 2023, utilisé par Révéa, estime leur usufruit viager conjoint à un montant de 62 % de la pleine-propriété. Soit, pour l’acquisition de l’usufruit, une valeur calculée à 310.000 €.
Ils devront régler également :
- les frais d’acte sur l’acquisition de l’usufruit (acte notarié), estimés à 17.500 € ;
- et les honoraires de Révéa (7,20 % ttc de la valeur de l’usufruit) : soit 22.320 €.
Il leur restera disponible sur leur capital de départ la somme de 250.200 € (600.000 € - 310.000 € - 17.500 € – 22.300 €), soit 125.100 € à transmettre à chacun de leurs enfants.
L’usufruit viager étant également prévu pour s’éteindre au deuxième décès, Sylvie pourrait mettre cet appartement en location au décès de Jacques pour compléter sa retraite.
Pour Nicolas
Nicolas encaissera le prix de l’usufruit viager fixé à 310.000 €, diminué des honoraires de vente de Révéa (7,20 % ttc de la valeur de l’usufruit : 22.320 €), soit 287.680 €. Il supportera également l’imposition sur les plus-values immobilières, pour environ 38.899 €, soit une rentrée nette de 248.781 €, soit 32 années de loyers net perçus immédiatement et sans risque d’impayés.
Nicolas reste nu-propriétaire de l’appartement, dont il retrouvera la pleine propriété au décès de Jacques et de Sylvie (dont l’espérance de vie est de 15,1 années pour Jacques et 24,7 années pour Sylvie, selon le barème Daubry ; ou respectivement 13,1 années et 22,0 années selon le barème INSEE 2020)
Pendant ce temps, la durée de détention de son appartement continuera de courir.
* Illustrations chiffrées fournies par Révéa