Par Didier Kling, président du groupe CNCEF et de la CNCEF Immobilier
Les enquêtes d’opinion et les baromètres professionnels se succèdent et confirment au gré des derniers mois, une appétence toujours aussi prononcée des Français pour la pierre. Si l’immobilier patrimonial reste une classe d’actifs appréciée des investisseurs, elle n’en connaît pas moins une évolution notable, mais aussi des épisodes conjoncturels contrastés.
Les professionnels et les experts financiers que nous sommes, observons beaucoup d’injonctions contradictoires pour parvenir à satisfaire aux exigences de notre époque. Tout d’abord, l’immobilier dans son ensemble, n’est plus pensé sur le moyen/long terme ; ce qui en affecte sa stabilité. Il en est de même pour la législation du secteur où le PTZ+ et le dispositif Pinel ont fait naître de nombreuses inquiétudes. Ajoutons à cela que nous, experts en immobilier patrimonial, avons vu les honoraires plafonnés. Enfin, le Logement en France est morcelé dans plusieurs Ministères même s’il relève d’un Ministère de tutelle, ce qui rend parfois l’efficacité des politiques publiques discutable. Sans oublier le débat ouvert par la Ministre, qui a remis en cause l’habitat individuel, pourtant largement plébiscité par les Français.
Il est temps de remettre à plat la politique de l’Immobilier pour renouer avec la croissance et répondre aux défis des années à venir. Donc de penser à nouveau sur le long terme et d’inscrire des dispositifs incitatifs dans la durée. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’une dynamique européenne et française existe. On le voit notamment dans le résidentiel où les rendements défensifs affichent une moyenne de 8% par an depuis 2008 et attirent les investisseurs comme vient de le révéler le rapport du spécialiste du real estate AEW début novembre. Dotée d’une faible volatilité, cette typologie d’actif fait désormais office d’investissement obligataire par ses revenus prévisibles et stables.
Perspectives paneuropéennesDe même, la pandémie n’a pas arrêté la demande de logements dans les métropoles. S’il est vrai que les chantiers ont été retardés du fait des conditions d’adaptation aux exigences sanitaires et d’approvisionnement des matériaux, la dynamique va se poursuivre. Au sein des pays membres de l’Union européenne, la rentabilité du résidentiel est estimée à 5,1% par an à l’horizon 2026. Il y a donc matière à repenser notre politique franco-française en veillant aux équilibres du marché. Il faut tout d’abord prendre en compte le fait que le plafonnement des loyers aux locataires va limiter en moyenne la hausse des valeurs locatives autour de 2,6%. Dans le même temps, il va falloir construire des logements, des magasins, des bureaux en intégrant les normes environnementales et sociales dont nous savons qu’elles ne sont pas neutres financièrement pour le secteur. Les récentes législations vont en effet nous imposer une réglementation énergétique aussi bien pour le résidentiel que pour le tertiaire. Mais nous pensons d’abord aux clients de nos professionnels qui vont devoir soit effectuer les travaux pour conserver leurs biens sur le marché, soit se voir écarter du marché de la location au motif que leur diagnostic se classe en F ou G. On observera donc que les risques de transition pour répondre aux accords de Paris ne sont pas anodins. Pour autant, ils ne découragent pas les investisseurs institutionnels dont les montants engagés sont en croissance pour répondre à un immobilier plus vert et plus durable. Ils se montrent les mieux placés d’ailleurs.
L’influence de la présidentielle ?Par ailleurs, pour investir, il faut croire en l’avenir, ce qui suppose après les temps troublés que nous venons de vivre, un vrai regain de confiance vis-à-vis du pouvoir politique. Mais il faut également que les conditions soient réunies. En effet, la remontée des taux d’intérêt est à surveiller. Elle affecterait la valeur des actifs si elle venait à se prolonger. Ensuite, il faut que les établissements bancaires favorisent les projets ; ce qui est conjoncturellement très variable en ce moment. De nombreux dossiers sont en effet soumis à un apport personnel beaucoup plus important qu’avant la crise sanitaire. L’épargne de précaution placée durant les confinements successifs et la nécessité de maintenir une politique monétaire la plus souple possible l’expliquent en partie. La campagne présidentielle en France ne pourra faire l’économie de ces débats. Elle pourrait même placer les Français dans une posture d’attente s’agissant de leurs projets, selon l’institut Louis Harris (enquête sur les Français et l’immobilier - octobre 2021).
Nos compatriotes déclarent avoir l’intention d’investir dans l’immobilier mais attendent l’issue de la présidentielle pour se décider. 42% d’entre eux indiquent aujourd’hui qu’ils comptent attendre de connaître le résultat de l’élection avant de concrétiser leurs projets. Des données à interpréter avec précaution, puisque les motivations encourageant cette posture d’attente sont multiples et pas nécessairement uniquement liées au scrutin présidentiel. Toutefois, les conseils-experts en immobilier patrimonial en tiennent compte car ce sont bien les consommateurs qui suscitent l’offre et la demande tout comme les politiques publiques incitent à investir. C’est pourquoi, nous serons attentifs à ce que le « monde d’après » puisse voir advenir un new-deal pour l’immobilier. Pour y parvenir, il faut que les différents acteurs se mobilisent et se rassemblent. L’appel est lancé !