Pour se constituer, progressivement, du patrimoine ou pour préparer sa retraite, la nue-propriété et le viager offrent deux solutions pérennes, en phase avec l’évolution de la société. Fiscalement avantageuses, sans souci de gestion, favorisant le maintien à domicile des seniors et facilitant l’accès à la propriété, ces deux alternatives à l’investissement immobilier sont de plus en plus regardées par les épargnants.
Il a le vent en poupe. Le démembrement, qui consiste à décomposer le droit de propriété en deux éléments distincts, l’usufruit (usus et fructus) et la nue-propriété (abusus), séduit de plus en plus d’investisseurs.
Et pour cause. Sur un marché immobilier tourmenté, ce produit contracyclique revêt de nombreux avantages. « Quand le marché se durcit, que les acquéreurs s’interrogent sur le prix de référence et la revalorisation des biens, l’immobilier démembré fonctionne d’autant mieux, sur un horizon de placement à long terme », constate Alban Gautier, directeur général délégué de Fidexi. L’entreprise spécialisée dans la nue-propriété enregistre, en effet, une volumétrie d’affaires en forte progression, dépassant, dès le mois de juillet, le chiffre d’affaires réalisé en 2022.
Définies par la loi (acte notarié) ou par une convention (rédigée par un spécialiste), les conditions du démembrement de propriété déterminent les droits et les devoirs des deux parties. Le nu-propriétaire dispose de la faculté de disposer d’un bien mobilier ou immobilier (il peut le vendre, le donner, le léguer, le conserver, etc.), tandis que l’usufruitier n’en possède que l’usage, mais peut en tirer les fruits (revenus locatifs, rente, etc.). La nue-propriété, comme l’usufruit, peuvent être partagés entre plusieurs personnes, notamment dans le cadre d’une succession. Selon l’article 606 du Code civil, la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit est déterminée par un barème fiscal établi en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment du démembrement (cf.tableau sur le barème fiscal).
L’usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit. Répondant à de multiples objectifs (complément de retraite, constitution de patrimoine, transmission d’un bien, succession, etc.), l’investissement en nue-propriété ou en viager s’impose ainsi comme une alternative sérieuse aux placements immobiliers et une réponse à des sujets sociétaux d’avenir, tels que le maintien à domicile des seniors, la difficulté d’accession à la propriété, les problématiques de financement ou encore le pouvoir d’achat… Reste à choisir l’option la plus adaptée aux projets et à la stratégie patrimoniale des particuliers.
Une fiscalité avantageuse
Point fort du démembrement de propriété:la fiscalité, dont le nu-propriétaire est exempté, puisque durant toute la durée de l’usufruit, il ne touche aucun revenu foncier. Aussi, l’opération permet de réduire l’assiette fiscale des contribuables soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de réduire leur niveau d’imposition. Pour l’usufruitier, le calcul est aussi avantageux, puisque la base fiscale est calculée sur la valeur de l’usufruit et la part du bien dont il dispose.
L’impôt foncier (taxe foncière) est à la charge de l’usufruitier. Ce dernier peut, en contrepartie, bénéficier d’une baisse de l’impôt sur le revenu s’il met le bien immobilier démembré en location nue. Les loyers perçus seront imputés à son barème fiscal et donneront lieu à un abattement de 30 % sur les impôts fonciers, si les revenus locatifs sont inférieurs à 15 000 euros. A cela s’ajoutent la déduction des charges et des frais d’entretien (travaux éventuels) de l’assiette de l’impôt foncier.
Dans le cas d’une mise en location par l’usufruitier (location nue, d’une durée minimale de trois ans), le nu-propriétaire pourra déduire certaines dépenses effectuées pour la réparation et la conservation du bien (voir article 606 du Code civil) au titre du déficit foncier (soit une économie d’impôt allant jusqu’à 10 700 euros par an, reportable pendant dix ans sur les revenus fonciers). A noter que le droit de location de l’usufruitier ne peut excéder neuf années.
Les avantages fiscaux d’un dispositif de défiscalisation ne sont pas applicables dans le cadre d’un démembrement. En revanche, rien n’empêche le propriétaire, à l’extinction de la période d’usufruit, de basculer sur une location meublée non professionnelle (LMNP), un Pinel ou un Malraux si le bien est éligible, et d’en tirer avantage.
Puissant outil de transmission
Autre atout du démembrement, la faible taxation sur la succession. Lors du décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient l’unique propriétaire du bien à nouveau et n’a aucun droit de succession à payer. Si le nu-propriétaire décède avant d’être devenu plein propriétaire, la nue-propriété sera transmise aux héritiers et entrera, de ce fait, dans le cadre de la succession. L’impôt sur la succession sera bien plus faible que dans un cas de propriété pleine. De même, les droits de donations seront également moindre.
Pour rappel, les donations font l’objet d’un abattement fiscal de 100 000 euros par enfant, tous les quinze ans. Ici encore, les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété et non sur la pleine propriété, ce qui réduit d’autant les frais de succession.
Si le propriétaire décède après une donation datant d’il y a plus de quinze ans, les héritiers repartiront à zéro dans le barème fiscal. « Dans le cas contraire, la donation sera taxée au barème, là où l’on s’était arrêté à la dernière donation », précise Benoît Berchebru, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Nortia. Il conseille, toutefois, « d’anticiper le plus tôt possible la transmission pour pratiquer la purge fiscale ». La création d’une société civile immobilière (SCI) peut avoir un intérêt dans le cas d’héritiers multiples. « La structure en société civile immobilière, dont les titres sont démembrés, permet de donner les pleins pouvoirs aux gérants, souvent associés, et de prévoir leur inamovibilité. C’est un schéma adapté aux familles nombreuses ou qui détiennent plusieurs biens immobiliers, permettant de compartimenter chaque actif dans une SCI bien distincte », explique l’ingénieur patrimonial de Nortia.
Un montage en quasi-usufruit sur le prix de cession peut aussi être mis en place lors de la vente d’un/des bien(s). « Quand l’usufruitier et le nu-propriétaire vont vendre un bien immobilier, cela permettra aux parents de récupérer la totalité du prix de cession et de redevenir quasi plein-propriétaire au titre du quasi-usufruit automatique. Les enfants, quant à eux, reçoivent en contrepartie, une créance de restitution, qui constitue le passif de la succession du montant des sommes remises entre les mains du quasi-usufruitier. Au décès du quasi-usufruitier, les héritiers pourront ainsi se faire rembourser le montant de cette créance et diminuer ainsi l’assiette de taxation des droits de succession », poursuit Benoît Berchebru. Un montage complexe, nécessitant l’intervention d’un expert (notaire, avocat, CGP chevronné), mais ultra-efficace.
Nue-propriété, une solution en vogue
Produit tendance, la nue-propriété vole aujourd’hui la vedette au viager, notamment plébiscitée par les investisseurs institutionnels qui représentent environ 80 % des acquéreurs. « Il s’agit d’une solution en vogue qui s’inscrit dans l’air du temps. D’un côté, nos parents vivent en bonne santé de plus en plus longtemps, et aspirent encore à financer des projets et à améliorer leur confort de vie, ou, encore, à anticiper des donations pour un/des proche(s). De l’autre, il y a des jeunes adultes qui ont besoin de liquidités pour s’acheter un premier bien immobilier, créer une entreprise ou parer un accident de la vie », observe Fabrice d’Halloy, codirecteur de l’agence Junot Nue-Propriété & Viager. Le groupe travaille sur cinq grands piliers:le maintien à domicile des seniors, l’amélioration du niveau de vie, la protection du conjoint restant, le gain en pouvoir d’achat des propriétaires et l’organisation d’une succession. « La résidence principale reste l’investissement le plus important des particuliers. La nue-propriété permet de rendre liquide cette épargne immobilisée », ajoute-t-il.
L’épargnant nu-propriétaire bénéficie d’une décote calculée en fonction de la valeur vénale du bien à un instant T : « la décote correspond au montant de l’ensemble des loyers que le nu-propriétaire percevra une seule fois à l’acquisition », résume Isabelle Peene-Dupont, directrice générale d’Inter Invest Immobilier. Pour exemple, une décote de 60 à 70 % ramènera à 3 000 euros du mètre carré un bien situé dans l’une des cinq plus grandes métropoles françaises, où le prix moyen de l’immobilier s’affiche à 4 500 euros le mètre carré. En outre, la plus-value à la revente est calculée sur la valeur de la pleine propriété (base 100).
Un produit résilient
Ce mécanisme de reconstitution de la valeur dans le temps – la durée d’un démembrement s’élève, en moyenne, entre quinze et vingt ans – fait de la nue-propriété un produit très résilient, sécurisé et sans contrainte. « La gestion du bien est confiée à un bailleur exploitant et la nue-propriété est vendue lot par lot aux particuliers », rappelle Isabelle Peene-Dupont.
En période de crise, la nue-propriété représente une valeur-refuge face aux variations de taux et à l’inflation, préservant le capital investi quels que soient les aléas du marché. Les biens achetés neufs en nue-propriété offrent un potentiel de valorisation intéressant pour les investisseurs, à des prix décotés par rapport aux prix du marché. Inter Invest cible ainsi exclusivement le marché du neuf et des logements aux dernières normes (RE2020, RT2012 ou RT2020). « Au regard des évolutions réglementaires, nous nous attachons à acheter des biens en Vefa auprès des promoteurs nationaux, qui répondent à tous les critères RSE. Notre mission est de loger les classes moyennes dans les territoires attractifs », indique la directrice. Le groupe investit dans tous les territoires où les fonciers sont en tension et trop chers, sauf à mobiliser trop de fonds propres pour les bailleurs sociaux, à l’image des stations balnéaires cotées ou des grandes métropoles.
Pour Isabelle Peene-Dupont, ce schéma de partage de l’usage et de la propriété, adossé au démembrement de propriété, consiste en « la réunion d’une communauté d’intérêts au service de tous-de la collectivité, des bailleurs comme des épargnants », et se présente comme un outil complémentaire aux logements classiques et intermédiaires, pour les communes. Localisée dans les zones touristiques, elle représente, également, un produit retraite idéal, à l’image des récentes opérations de démembrement lancées par Inter Invest à Saint-Malo et à Mougins.
Si la nue-propriété retrouve, depuis une dizaine d’années, ses lettres de noblesse, c’est aussi parce qu’elle est plébiscitée par les collectivités locales en quête d’opérations de promotion immobilière à loyers abordables. « Les produits démembrés se positionnent aussi bien dans l’usufruit locatif social (ULS) que l’usufruit locatif intermédiaire (ULI):un champ élargi des possibles qui convainc les élus locaux car il leur permet de proposer à leurs administrés un éventail large de typologie de logements », note Alban Gautier.
Appuyé par l’Etat, l’immobilier à loyer intermédiaire s’est beaucoup développé. Une évolution du marché attendue par les collectivités. « La création de solutions alternatives est fondamentale, tant le besoin de logements est grand. Les initiatives se multiplient pour démocratiser la nue-propriété sur de nouveaux secteurs, tels que les résidences de tourisme pour y installer les saisonniers en incapacité de se loger décemment dans des zones touristiques de premier plan. Signe que le marché se réinvente et s’accélère », analyse le directeur.
Rajeunissement de la cible
Marché confidentiel, la nue-propriété représente quelque deux mille cinq cents à trois mille lots vendus par an.
Néanmoins, le schéma évolue, s’adapte aux petites surfaces et sort des centres-villes pour se développer dans les périphéries, sur le littoral ou encore dans l’immobilier spécifique, notamment les résidences étudiantes qui affichent un ticket d’entrée faible en nue-propriété (80 000 euros). « Alors que le marché traverse une grave crise de l’offre, avec un sous-jacent dramatique pour les locataires, les résidences étudiantes répondent aux besoins des territoires. Le démembrement offre une belle solution pour loger les jeunes actifs et étudiants à des loyers abordables, dès lors que ces résidences sont gérées par un bailleur institutionnel », assure Alban Gautier. Fidexi a ainsi lancé deux opérations de démembrement dans des résidences étudiantes situées à Lyon et à Nantes, pour un ticket d’entrée à moins de 100 000 euros. Le directeur observe, par ailleurs, un rajeunissement de la cible des investisseurs en nue-propriété. « Cette offre de niche qui était historiquement et, jusqu’en 2013, rattachée aux contribuables imposés à l’ISF, s’est ouverte à une cible beaucoup plus large, par exemple aux jeunes actifs en mobilité, désireux d’investir dans l’immobilier et de conserver un pied-à-terre en France qu’ils récupéreront à leur retour », indique-t-il.
Le contexte social a, par ailleurs, fixé de nouveaux objectifs patrimoniaux aux salariés. « La durée moyenne de détention d’un bien immobilier s’élève à vingt ans. Cela laisse le temps de préparer une forme de retraite par capitalisation, même s’il reste toujours possible de sortir de l’opération au bout de cinq à dix ans », assure Alban Gautier, ajoutant, cependant, « que les investisseurs qui goûtent à la nue-propriété y restent ». Il est, en effet, possible de paramétrer la durée du démembrement entre l’âge de souscription à l’opération et celui du départ à la retraite, de façon à faire coïncider la fin de la période d’activité et la perception des revenus fonciers à l’extinction de l’usufruit. « Pour un démembrement programmé sur dix ans entre cinquante-cinq et soixante-cinq ans, l’investisseur, durant sa période d’activité, profitera d’une décote de 25 % et, une fois la pleine propriété reconstituée, des revenus complémentaires pour sa retraite », explique Benoît Berchebru. Enfin, la nue-propriété attire aussi les jeunes investisseurs (moins de quarante-cinq ans) qui n’ont pas les moyens d’acheter leur résidence principale en pleine propriété, mais qui souhaitent tout de même se constituer un capital et sécuriser leur épargne.
Usufruit locatif social, la voie de l’engagement
Spécialiste de l’investissement en nue-propriété adossé à de l’usufruit locatif social, devenue entreprise à mission en 2023, la société Perl propose une solution d’investissement socialement responsable et économiquement performante qui répond aux intérêts de toutes les parties prenantes.
Selon Nicolas de Bucy, directeur général de Perl, le démembrement est comparable à un « cent-dix mètres haies » :
« il faut accorder les promoteurs, les pouvoirs publics, les usufruitiers et les nus-propriétaires pour qu’ils aient, ensemble, une conviction sur le produit et les bénéfices d’un tel dispositif ». Des critères et des intérêts multiples, parfois divergent, dont la société doit tenir compte, pour satisfaire des collectivités qui souhaitent proposer des logements de qualité à leurs administrés, à des prix accessibles. Si 80 à 85 % de ses opérations sont en Vefa, Perl ne s’interdit pas de regarder l’ancien rénové. « Il faut avoir une offre diversifiée, susceptible d’intéresser aussi bien les acquéreurs qui veulent investir à Paris qu’en région, dans les villes moyennes ou dans des résidences familiales ou de services », ajoute le directeur. Les biens proposés par Perl oscillent de 65 000 à plus de 500 000 euros, selon leur emplacement et les prestations proposées. Le groupe vient, notamment, de lancer la commercialisation de vingt-six appartements en nue-propriété, situés au 107 rue de Tocqueville, en plein cœur du XVIIe arrondissement de Paris.
Au sein de la résidence Esprit Monceau, ces appartements, de 27 à 61 m2, seront loués par la RIVP qui en assurera la gestion locative et l’entretien pendant une durée d’usufruit de quinze ans et de vingt ans. La nue-propriété des biens sera acquise par des investisseurs particuliers, moyennant une décote de 28 à 37 % dès l’acquisition du logement.
Préparer une future dépendance
Alors que 90 % des seniors souhaitent pouvoir vieillir chez eux, la vente en nue-propriété leur permet de tirer parti de la valeur de leur résidence principale et la monétiser, tout en en conservant l’usage. Selon Amaury de Calonne, président et cofondateur de Monetivia, anticiper une future dépendance est l’un des moteurs du marché. « Tous les retraités veulent rester chez eux le plus longtemps possible. En vendant la nue-propriété de leur logement, ils peuvent autofinancer leur retraite auprès d’investisseurs privés », affirme-t-il. Un sujet d’actualité, avec l’entrée en vigueur de la réforme des retraites.
Pour sécuriser l’opération en nue-propriété et neutraliser les aléas du viager, Monetivia propose, depuis 2016, le Contrat Monetivia qui assure une vente au prix ajusté à l’usage réel du bien et vient corriger les inefficiences du système. « Si jamais, pour un usufruit d’une durée fixée à quinze ans, le propriétaire décède prématurément au bout de cinq ans, les ayants droit recevront un complément de prix versé par l’investisseur compensant les dix années d’usufruit perdues », explique le président. A contrario, si le vendeur vit au-delà de la durée d’usufruit prévue, une indemnité sous forme de rente est versée à l’investisseur grâce à une assurance souscrite auprès d’Allianz.
Autre particularité dans l’offre proposée par Monetivia, l’usufruit/le démembrement temporaire, dont la durée de détention du bien est déterminée en amont avec le vendeur, est une solution adaptée, par exemple, aux résidences secondaires. « Le vendeur en a l’usage pendant dix ans, puis la pleine propriété revient à l’investisseur. Le démembrement temporaire convient à des vendeurs de tous âges qui peuvent définir la durée souhaitée d’occupation du bien pour qu’elle corresponde au montant du capital dont ils ont besoin pour concrétiser leurs projets », note Amaury de Calonne, précisant que la vente en nue-propriété est un « excellent outil de collecte pour les conseillers en gestion de patrimoine, qui transforme un actif tangible en liquidités qu’ils peuvent réallouer dans d’autres placements ».
Points de vigilance
Si les avantages de la nue-propriété sont réels, il existe quelques points de vigilance à respecter. La qualité des locataires, tout d’abord, qui pousse à se tourner vers des bailleurs professionnels pour éviter les risques de dégradations et d’impayés. L’emplacement du bien, ensuite, et la tension locative, nécessaire au succès de l’opération.
La société Fidexi a ainsi orienté sa stratégie d’acquisition exclusivement vers les zones tendues. « Toute notre offre est basée sur les quinze premières métropoles de France, dans les régions qui rencontrent une pénurie de construction de logements et où le déséquilibre entre l’offre et la demande est fort », indique Alban Gautier. A titre d’exemple, l’entreprise a lancé une opération à Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux, une commune en plein essor économique et démographique.
Outre les fondamentaux de l’immobilier, l’accompagnement des investisseurs est une condition sine qua non de la réussite d’un démembrement.
Perl qui, après vingt ans d’activité, est un acteur ayant suivi un cycle complet d’investissement en nue-propriété met un point d’honneur à épauler les particuliers dans leurs démarches et à faire preuve de pédagogie. « Le choix du bailleur et la rédaction de la convention de services sont les points névralgiques du démembrement », souligne Nicolas de Bucy.
S’assurer que l’usufruitier entretienne bien le logement, encadrer la signature du bail et respecter les dernières échéances en fonction du choix du nu-propriétaire sont autant d’étapes cruciales au bon déroulement de l’opération. « Nous sommes le tiers de confiance qui s’assure que les obligations des uns et des autres soient respectées », précise-t-il. La relocation du bien, à l’extinction de l’usufruit et le relogement du locataire sont également des sujets délicats, qui nécessitent des relations soutenues avec des bailleurs disposant d’un parc locatif significatif. Et pour les investisseurs qui souhaiteraient lâcher une opération en cours de route, un marché de la seconde main existe. « La nue-propriété est un produit liquide, dont on peut se défaire avant l’échéance fixée au départ », rappelle Nicolas de Bucy. Le marché secondaire connaît, aujourd’hui, un certain rebond, porté par des particuliers qui ont du mal à se projeter à très long terme, mais privilégient des investissements de cinq à huit ans. « Depuis la création de Perl, nous avons réalisé onze mille logements, dont nous revendons cinquante à quatre-vingts lots sur le marché secondaire », indique le directeur. Une niche en cours de développement.
Et pourquoi pas… les SCPI ?
Pour les petits portefeuilles, ou dans le cadre d’une diversification de patrimoine, acheter des parts de sociétés civiles en placement immobilier (SCPI) dans l’immobilier démembré est une option à étudier.
La SCPI Novaxia Neo (400 millions d’euros de capitalisation), commercialisée par Novaxia Investissement, qui propose de moduler son investissement à partir de 187 euros, est accessible en nue-propriété. « Ce que recherche l’investisseur en nue-propriété, ce sont les prix d’acquisition les plus bas, atteints par des produits qui ont les taux de distribution les plus élevés et qui attribuent des parts importantes à l’usufruitier », observe Laurent Boissin, président du directoire de Novaxia Investissement. Pour exemple, un particulier qui souhaiterait démembrer des parts de SCPI sur dix ans, obtiendrait une nue-propriété intéressante, pour un rendement potentiel récurrent d’environ 6 % (non garanti). « Pour cette SCPI de distribution, nous avons fait le pari de proposer à nos clients des objectifs de taux de distribution élevés par rapport au marché », précise le président. Pour délivrer ces performances, Novaxia a réparti son portefeuille d’actifs en France (50 %) et à l’international (50 %), dont les conventions fiscales sont intéressantes. Par ailleurs, la société axe sa stratégie immobilière sur des immeubles pouvant faire l’objet de transformation, dans le cadre d’opérations de recyclage urbain. « Cette réversibilité de l’immobilier est une option pour préserver la valeur du patrimoine », soutient Laurent Boissin. Le véhicule a acquis, en 2023, un immeuble de bureaux loué à Valéo, au pied du RER A, dans la commune de Cergy-Pontoise. Cet actif pourrait être transformé en logements s’il venait à ne plus trouver de locataires. Novaxia Neo a collecté plus de 50 millions d’euros sur les neuf premiers mois de l’année.
« Nous n’enregistrons aucune décollecte sur ce produit, en dépit d’un contexte peu favorable aux SCPI. Cela nous permet d’être actifs sur un marché où d’autres, moins agiles, restent bloqués », annonce le président. Novaxia Investissement a, en outre, confirmé le prix de part de Novaxia Neo, démontrant la robustesse de sa SCPI… Et l’engouement des souscripteurs pour ce produit. « Cette SCPI leur donne un accès direct à des actifs immobiliers en Europe et accroît la granularité de leur patrimoine, de façon progressive et en toute tranquillité. Ils peuvent enclencher une stratégie patrimoniale et travailler sur une opération de démembrement », rappelle Laurent Boissin.
Qui plus est, la revente de parts de SCPI est généralement plus simple que l’immobilier direct, même si les bénéfices restent moindres.
Nouveaux visages du viager
Depuis longtemps connu du grand public, le viager – et son lot de fantasmes et préjugés – est une solution qui connaît, ces dernières années, des évolutions. Composé d’un bouquet (représentant la valeur vénale du bien) et de rentes mensuelles déterminées par rapport à l’espérance de vie de l’usufruitier (table de mortalité), l’investissement en viager s’oriente principalement vers les seniors de plus de quatre-vingts ans.
Dans le cas d’une vente en viager habité, le vendeur continue à vivre dans son logement, et sa rente à vie (mensuelle ou trimestrielle) augmente et diversifie ses revenus. L’amélioration de son confort de vie lui permet ainsi de protéger ses proches et de se prémunir contre les aléas de la vie. Une situation devenue de plus en plus familière dans une société où l’espérance de vie en bonne santé n’a cessé de progresser entre 2008 et 2021. « Le viager a eu longtemps mauvaise presse. Actuellement, nous n’avons quasiment plus d’investisseurs particuliers. Depuis à peine dix ans, sociétés et institutionnels lèvent des fonds pour répondre à une demande croissante de la part de personnes âgées, impactées par l’inflation et par la problématique des retraites, pour augmenter leur pouvoir d’achat ou acquérir une résidence secondaire. Il s’agit d’un système vertueux, avec des sociétés qui investissent sur le très long terme », affirme Fabrice d’Halloy.
Clauses contractuelles
Si la nue-propriété demeure principalement du ressort des institutionnels, le marché viager reste dominé par les transactions entre particuliers. « Il existe de nombreuses clauses contractuelles et non légales qu’il convient de ne pas oublier. D’où la nécessité de se faire accompagner un expert viagériste dans son investissement en viager », mentionne Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo. Par exemple, l’aliénation du bien, qui autorise la revente du viager, se prévoit dès la rédaction du contrat.
De la même façon, il est de bon ton d’informer l’acquéreur qu’en cas de problème financier, la possibilité d’une vente est à envisager sur le marché de la seconde main. Côté fiscalité, la rente viagère est fiscalisée à hauteur de 30 % et bénéficie d’un abattement de 70 % au-delà de soixante-dix ans.
Le crédirentier et le débirentier doivent chacun, de leur côté, déclarer la valeur de leurs droits auprès de l’administration fiscale. En viager, la taxe foncière est à la charge de l’acquéreur débirentier. L’imposition sur la plus-value de revente est calculée sur la valeur occupée du bien. Si le versement de la rente viagère excède la durée initiale fixée au contrat de vente, le fisc accepte que le débirentier retienne l’hypothèse financière qui lui est le plus favorable.
L’attrait du viager libre
La crise sanitaire a marqué un tournant pour le viager. « Les enfants des vendeurs s’y sont intéressés plus largement pour protéger leurs parents de l’isolement et retarder, le plus longtemps possible, le séjour en Ehpad. Le viager s’est imposé à eux comme une évidence pour financer la dépendance de leurs parents et favoriser les aides à domicile, plutôt que le placement en résidences seniors », affirme Sophie Richard. Cette dernière a même constaté une hausse de 30 % du téléchargement de son guide pratique sur le viager, disponible gratuitement sur son site Internet. « L’intérêt est partagé par les acquéreurs qui ne veulent pas laisser dormir leur épargne dans un climat financier international incertain », ajoute-t-elle.
La paupérisation des retraités et les différents épisodes de la réforme des retraites ont été des accélérateurs du marché. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt, qui plombent le pouvoir d’achat immobilier, participent, également, à l’attrait du viager qui reste, selon Sophie Richard, « une bonne alternative pour se constituer du patrimoine immobilier à moindre coût ou une retraite complémentaire pour les professions libérales et indépendantes ». Comme pour la nue-propriété, les candidats à l’achat en viager rajeunissent. « De plus en plus de jeunes, âgés de vingt à trente ans, veulent acheter leur premier logement en viager libre », assure celle qui n’hésite pas à destiner sa communication sur les réseaux sociaux à cette cible. « Beaucoup de parents investissent dans un viager libre pour leurs enfants étudiants ou qui viennent de rentrer dans la vie active. Ils peuvent ainsi donner jusqu’à 100 000 euros par enfant et par parent, exonérés de taxes, pour financer le bouquet et devenir propriétaire le plus tôt possible », ajoute-t-elle.
L’intérêt du viager libre repose sur sa simplicité : il n’y a pas de décote d’occupation. « Les propriétaires sont partis vivre en maison de retraite, dans un lieu plus proche de leurs enfants ou dans leur résidence secondaire. Le bien peut être occupé par le jeune actif ou l’étudiant qui lui verse alors une rente mensuelle… Exit l’argent jeté par les fenêtres avec un loyer », décrit Sophie Richard. Pour un bien valorisé à 300 000 euros et un bouquet fixé à 80 000 euros, les 220 000 euros restants seront convertis en rente viagère de 1 448 euros par mois pour un couple de vendeurs de quatre-vingts ans.
Viager occupé, pour les seniors
Le viager occupé concerne plutôt les seniors et retraités en mal de liquidités. « L’on observe de plus en plus de jeunes décomplexés par rapport à la notion d’héritage, qui incitent leurs grands-parents à souscrire un viager occupé, par exemple pour financer des travaux, leur taxe foncière ou une nouvelle voiture. Cette génération sera les investisseurs en viager de demain », assure Sophie Richard.
Le viager occupé s’intègre dans une stratégie patrimoniale et consiste à acheter un bien décoté à un vendeur âgé qui l’occupe. Pour un bien estimé à 300 000 euros, occupé par une femme âgée de soixante-quinze ans, la valeur occupée est fixée à 150 000 euros. L’investisseur a deux choix : acheter le bien en 100 % bouquet, soit 150 000 euros et « attendre » le décès de la propriétaire ou lui verser un bouquet, par exemple, de 50 000 euros au comptant et 100 000 euros convertis en rentes viagères de 573 euros par mois jusqu’au décès de cette dernière.
Comme pour la nue-propriété, les frais de mutation sont calculés sur la valeur occupée et non la valeur du bien. « Le viager s’inscrit véritablement dans l’économie circulaire, dans le sens où il va libérer des liquidités, côté acquéreur, qui seront réinjectées dans l’économie réelle, et rendre mobile l’argent immobilisé dans la pierre, côté vendeur », soutient Sophie Richard.
Grâce à cette rente, les propriétaires de logements anciens, voire vétustes, pourront réaliser les travaux de rénovation énergétiques recommandés par la loi climat et résilience qui fait la chasse aux passoires énergétiques. Ces améliorations de leur habitat valoriseront le bien dans la durée et le maintiendront apte à demeurer sur le marché locatif.
Mutualiser son investissement
Preuve que le marché du viager n’a rien de démodé, les néo-foncières s’y intéressent de très près.
Créée en 2021, la société Dillan propose une vision « mutualisée et géographiquement diversifiée de l’épargne investie ». La foncière a ouvert son capital aux investisseurs qui peuvent devenir actionnaires d’un portefeuille entier de biens, pour un rendement cible de 5 % et un ticket d’entrée minimal de 1 000 euros. « Sur le marché, il manquait, une granularité et une mutualisation de l’investissement en viager », affirme Stéphane Revault, président de Dillan. Le fonds cible les biens de plus de 200 000 euros, dans toutes les grandes villes. Il propose désormais deux offres, qu’il a récemment refondues, Reverso et Reverso Flex, qui permettent aux propriétaires de revendre soit l’intégralité de la nue-propriété de leur bien, soit seulement un pourcentage. « Nous sommes les seuls acteurs du marché à proposer de la nue-propriété partielle », souligne le fondateur. A travers l’offre Reverso, la société Dillan acquiert la totalité de la nue-propriété et laisse l’usufruit aux vendeurs. Ces derniers conservent la possibilité de louer tout ou partie de leur bien. Quant à Reverso Flex, le fonds acquiert une quote-part de la nue-propriété et signe une convention d’indivision avec le vendeur, qui permet d’anticiper la sortie à la succession. « Cette convention est cosignée avec les héritiers qui auront le choix entre racheter les parts détenues par Dillan ou demander la vente du bien pour libérer des liquidités ou s’acquitter des droits de succession », poursuit Stéphane Revault. Affirmant son rôle d’« indiviseur silencieux », la société n’intervient qu’en cas de gros travaux sur la structure, à hauteur de la quote-part détenue. Les travaux d’amélioration et d’entretien restent à la charge de l’usufruitier. En 2022, Dillan a démembré cinq biens immobiliers et prévoit d’atteindre la cinquantaine d’actifs en portefeuille d’ici 2024. Sa dernière acquisition porte sur un appartement de 65 m2, situé à Nogent-sur-Marne. A ce jour, la foncière compte une trentaine de souscripteurs pour un peu moins de 2 millions d’euros. Elle s’est fixée pour objectif de dépasser les 8 millions d’euros en 2024 pour s’ouvrir à une souscription plus large.
Et toujours la pierre papier
Comme pour la nue-propriété, il est possible d’opter pour la pierre-papier afin d’investir en viager.
La SCI ViaGénérations, dédiée à l’investissement en immobilier viager, distribuée par Turgot AM, est ouverte aux particuliers via des contrats d’assurance-vie et de capitalisation, et des plans d’épargne-retraite (PER). Au regard des performances et des volumes d’acquisition réalisés par la SCI en 2022 (évalués à 320 millions d’euros), le plafond de capitalisation a été remonté de 1,2 milliard d’euros à 1,6 milliard d’euros cette année.
Au premier trimestre 2023, ViaGénérations affiche un encours de 1,095 milliard d’euros. Sur la même période, la performance nette de l’unité de compte ressort à + 1,6 %. Les cinquante-sept nouvelles acquisitions réalisées sur cette même période s’élèvent à un montant de 62 millions d’euros. Cette dynamique permet d’envisager pour le second trimestre la réouverture de la collecte auprès des assureurs qui distribuent l’unité de compte.
Nouveau-née sur le marché, la société de gestion Etxea Capital s’apprête à lancer sa première SCI, Novalife. Ce véhicule élargirait la cible des vendeurs en offrant une nouvelle solution de financement à des profils plus jeunes et permettant, ainsi, de soutenir la collecte sur un marché en plein essor. La SCI espère atteindre 200 millions d’euros de collecte, d’ici fin 2024, et table sur un objectif de rentabilité annuelle de 5 à 6 %, net de frais de gestion.
Ciblant des actifs à partir de 200 000 euros, Novalife aura vocation à soutenir le maintien à domicile des seniors dans de bonnes conditions, grâce au viager occupé sans rente. Le capital non fiscalisé, correspondant au 100 % bouquet, sera versé immédiatement et intégralement au propriétaire. Le dispositif pourrait, de plus, être étendu aux divorcés, en permettant au conjoint qui souhaite continuer à vivre au domicile commun de verser la soulte à celui qui part : un « viager » d’une durée capée de huit à dix ans, après laquelle la SCI devient pleinement propriétaire du bien. Un élément de diversification qui ouvrira les bénéfices du viager à d’autres populations.