La classe d’actifs obligataire a fait son retour en force dans les allocations. Les fonds à échéance tirent leur épingle du jeu grâce à leur lisibilité. L’offre actuellement ouverte se veut pléthorique avec une grande diversité d’approches. De quoi satisfaire les investisseurs en quête de rendement !
En plein boom depuis la subite hausse des taux intervenue l’an passé, les fonds obligataires à échéance (également appelés Buy and Hold ou fonds obligataires datés) se sont multipliés ces derniers mois. Et la tendance est toujours à la création de nouveaux fonds, avec récemment des lancements chez Tobam (Anti-Benchmark High Yield Maturity 2027), Schelcher Prince Gestion (Schelcher Global Yield 2028) ou encore LBP AM (LBPAM ISR Obli Février 2029), et chez Sunny AM ou Tikehau dans les mois à venir. Quantalys a dénombré plus d’une trentaine de lancements en France, à fin 2022, et déjà plus d’une vingtaine depuis le début de l’année.
Une promesse lisibleLa promesse de ces fonds est simple:investir dans un panier d’obligations ayant une maturité commune afin d’en percevoir le rendement jusqu’à leur échéance. Le fonds cesse, quant à lui, d’exister à une date prédéfinie, comme une obligation.« Il s’agit d’une stratégie de gestion à part entière, bien différente des fonds obligataires traditionnels pour lesquels on ne connaît pas la performance dans le temps, présente Jean-François Bay, Managing Director chez Quantalys. Comme les fonds obligataires classiques, ils permettent de bénéficier d’une sensibilité aux taux et d’une sensibilité au crédit intéressante, si l’on considère que les taux et les spreads peuvent se stabiliser, voire baisser dans les prochaines années post-dislocation de marché. Mais, contrairement aux fonds obligataires classiques, les fonds obligataires à échéance permettent d’avoir une bonne idée du rendement de l’investissement à la date d’échéance (2026, 2027, 2028, etc.), car les obligations achetées à la création du fonds seront détenues jusqu’à leur maturité. » De son côté, Pierre Bermond, directeur associé d’EOS Allocations, se montre réservé : « D’un point de vue marketing, les fonds Buy and Hold sont attractifs car, à l’image des produits structurés, ils permettent d’afficher une durée d’investissement, un taux et un contrat sous-jacent. Néanmoins, on observe que ces produits, par le passé, n’ont jamais donné le taux de rendement actuariel escompté. En effet, souvent les titres en portefeuilles sont remboursés par anticipation, ce qui vient modifier le rendement final. En effet, si l’obligation est remboursée à deux ans du terme du fonds, les conditions d’investissement ne seront plus les mêmes, et la somme peut alors être investie sur les marchés monétaires… Parfois, ces fonds ne vont pas jusqu’à leur terme et sont transformés en un autre fonds Buy and Hold. »Pas d’alternative aux obligations ?Après des années de baisse des taux, la classe d’actifs avait quasiment disparu des allocations. Elle fait aujourd’hui son retour en force, alors que les indices actions restent à des niveaux élevés. Selon Quantalys, les taux font leur grand retour dans les allocations, et la collecte en Europe est positive sur les fonds monétaires et obligataires, alors que l’on assiste à des sorties nettes depuis le début de l’année sur les actifs risqués (fonds actions, fonds diversifiés, fonds alternatifs, etc.). « Fin 2022, nous sommes entrés dans un scénario “TINA Bond” (“There is no alternative” aux taux), après avoir vécu pendant longtemps le scénario “TINA Equity” lorsque les rendements sur les obligations et sur le monétaire étaient négatifs. Aujourd’hui, le couple rendement/risque des obligations est aujourd’hui difficile à challenger, dans une période où on parle de ralentissement de l’inflation, de récession technique en zone euro et de déception sur le rebond chinois ! », note Jean-François Bay.Chez EOS Allocations, l’obligataire a repris une place de choix dans les portefeuilles en quelques mois. « Nous avons augmenté notre poche de fonds obligataires dans les portefeuilles, jusqu’à 30 à 40 % selon les profils, confie Pierre Bermond. Cette remontée a été rapide, puisque notre exposition se limitait à 5 % au troisième trimestre 2022. Notre duration est limitée à 3, voire moins, car nous considérons que les taux peuvent encore augmenter. Nous privilégions les fonds ouverts qui sont souvent investis avec la philosophie de fonds Buy and Hold, mais avec une touche de gestion active de la duration et du risque de crédit. »Des rendements attractifs Avec la hausse des rendements obligataires, le concept des fonds à échéance attire de nombreux épargnants grâce à des rendements affichés attractifs et un niveau de risque faible.« Les fonds datés sont pour nous aujourd’hui attractifs et constituent une bonne solution pour obtenir un rendement supérieur au fonds en euro, relève Christophe Goudal, gérant du cabinet CG Finance près de Nice. En effet, ils permettent de capter un rendement annuel brut d’environ 6 % pour les cinq à six prochaines années. Cela permet de figer dans la durée un rendement supérieur à celui de l’inflation, alors que la Fed pourrait baisser ces taux en 2024. Ces fonds sont donc complémentaires à des produits structurés que nous utilisons beaucoup : aujourd’hui, nos clients privilégient ces deux formules. » Les fonds datés permettent de s’affranchir du risque de hausse des taux puisque les titres sont portés jusqu’à leur maturité, dès lors que l’investisseur accepte l’illiquidité du produit, le principal facteur de risque étant les éventuels cas de défaut des émetteurs en portefeuille. « Au 15 juin dernier, un fonds sur trois ans, investi sur des émetteurs High Yield BBconstitué de dettes d’entreprises et de dettes financières, délivre un rendement annualisé brut à maturité supérieur à 6 % ! Avec un SRI de 2 sur 7… », indique Jean-François Bay.
Proxy obligataireAutre facteur concourant à aviver l’appétit des investisseurs français : la quasi-impossibilité de détenir des obligations en direct, alors qu’ils sont friands de produits de type fonds euro et des coupons délivrés par les produits structurés. « Les fonds obligataires à échéance permettent à tous les investisseurs qui peuvent difficilement accéder aux marchés obligataires, notamment les particuliers, de s’exposer sur une sorte d’obligation synthétique via un fonds d’investissement, rappelle Jean-François Bay. En effet, les épargnants peuvent déjà accéder à des fonds obligataires classiques, ayant une maturité constante, ou à des “proxy-obligataires”, du type fonds en euros ou produits structurés, mais ils n’ont pas la possibilité d’investir en direct sur des obligations et de les porter jusqu’au remboursement en figeant le taux actuariel, un peu comme un investisseur institutionnel, En effet, en France, contrairement aux actions, ou contrairement à d’autres pays européens comme l’Italie, les obligations ne sont pas accessibles au grand public pour différentes questions de frais, de fonctionnement de marché ou encore de référencement dans les réseaux de distribution. Le seul moyen de profiter d’un krach obligataire, comme à la sortie de la crise financière de 2008 ou suite à la hausse des taux de 2022, et de figer un taux actuariel est d’investir via un fonds à échéance. » Les acteurs du marché ne s’y sont pas trompé : « Pour les sociétés de gestion et les réseaux de distribution, c’est aussi l’occasion de mettre en place des campagnes de commercialisation rapide en mode “commando”, qui ressemblent aux lancements de produits structurés ou de fonds de Private Equity », observe Jean-François Bay.
Comment investirAvant d’investir, il convient de s’assurer que la maturité du fonds coïncide bien avec l’horizon d’investissement au risque de subir le mark-to-market et d’éventuelles pénalités de sortie anticipée. Par ailleurs, l’investisseur doit bien appréhender le niveau de risque pris par l’équipe de gestion. Car le spectre d’investissement varie largement d’un fonds à l’autre entre des maturités plus ou moins longues (jusqu’à 2029 actuellement), des univers d’investissement différents, que ce soit en termes de qualité des émetteurs (Investment Grade, High Yield), zone géographique (zone euro, Europe, pays développés, marchés émergents) et typologie d’émetteur (Etat, corporate…). En effet, le rendement affiché par les sociétés de gestion peut être dégradé en cas de défaut d’un émetteur. Alors que les fonds lancés en 2022 investissaient davantage sur des émetteurs de qualité Investment Grade, on constate actuellement un décalage vers le High Yield et des maturités plus longues, comme le constate Jean-François Bay : « L’an passé, les premiers fonds lancés portaient sur le segment plus prudent Investment Grade, avec des maturités plutôt courtes (généralement trois ans), car les conditions de marché étaient alléchantes et les investisseurs frileux sur la partie longue de la courbe – le risque inflationniste faisait peur. Depuis le début de l’année, les investisseurs et les sociétés de gestion se tournent plus volontiers vers le marché du High Yield sur des maturités allongées (2028-2029). Les sociétés de gestion expliquent que les politiques des banques centrales commencent à produire leurs effets et jouent donc une stabilisation, voire une baisse des taux à venir. Cela s’explique aussi par des investisseurs moins averses aux risques. » Autre composante, certains fonds excluent les titres émis par les établissements financiers de leurs allocations, tandis que d’autres y consacrent une belle part dans leur portefeuille, comme chez Carmignac ou Lazard Frères Gestion.Par ailleurs, l’extra-financier ou la gestion thématique s’invitent de plus en plus dans les approches des sociétés de gestion. « Sur le marché, on observe également l’apparition d’offres ESG ou qui visent à investir pour soutenir la souveraineté et la réindustrialisation de l’Europe. On pourrait très bien imaginer également la création de fonds sur des Green Bonds », note Jean-François Bay. Si la plupart des fonds sont classifiés article 8 SFDR, d’autres sont labellisés, comme La Française Carbon Impact 2026 de La Française AM. Sur le plan des thématiques, notons que, par exemple, le fonds Sanso Objectif Durable 2024 s’expose aux activités facilitant l’atteinte des ODD de façon supérieure à celle de l’indice. Certaines sociétés de gestion excluent les énergies fossiles de leurs portefeuilles, comme Eiffel Rendement 2028 lancé récemment.Pour faire son marché, Jean-François Bay nous livre d’autres conseils : « Attention à bien observer les frais de gestion qui ne doivent pas être trop élevés, car il s’agit d’une gestion obligataire relativement simple et peu coûteuse. N’oubliez pas de regarder la performance du fonds déjà lancé ou de consulter sur Quantalys le track-record de la société de gestion sur les précédents millésimes. Enfin, demander à la société de gestion le portefeuille en ligne à ligne du fonds permet d’avoir une bonne idée du risque porté par le fonds et d’identifier des lignes trop risquées (dettes bancaires ? dettes privées ? entreprises déjà en difficulté “distressed” ? etc.). Attention également à bien regarder si le fonds investit dans des obligations simple “vanille” ou peut investir dans des produits complexes (subordonnées, etc.). Enfin, n’oubliez pas de regarder si le fonds est référencé dans les contrats d’assurance-vie, c’est un gage de qualité et de Due Diligence.Pour terminer, je recommanderai d’investir sur plusieurs fonds ayant des maturités différentes afin de ne pas mettre ses oeufs dans un seul panier ! »Prise de risqueDans le cadre d’une allocation d’actifs globale, le Managing Director de Quantalys invite à la prise de risque sur ce type de fonds. « Pour un particulier qui a déjà accès aux fonds en euro pour sécuriser son allocation, le plus intéressant selon moi est de privilégier en ce moment les fonds obligataires à échéance les plus risqués, sur des émetteurs High Yield, avec des maturités longues, mais sur des grandes entreprises connues (et si possible pas des banques). Si le cycle économique repart à la hausse, la sensibilité faible aux taux sur le High Yield fait que le potentiel de hausse des taux devrait avoir un impact limité et le taux de défaut s’améliorera. Inversement, si le ralentissement de la croissance se confirme, voire si un scénario de “hard landing” apparaît, la baisse des taux compensera le risque sur le crédit et une hausse possible du taux de défaut. Ne sous-estimons pas non plus la capacité des sociétés de gestion à gérer ces risques et mettre en place une gestion Buy & Watch, si besoin. » Pour sa part, Pierre Bermond se montre prudent vis-à-vis du haut rendement : « Actuellement, ces fonds Buy and Hold sont, le plus souvent, investis sur le marché du High Yield. Or nous sommes actuellement réservés sur ce segment de marché, car nous craignons une remontée des taux de défaut. Nous privilégions l’Investment Grade qui offre un rendement attractif (4-4,5 %), voire les subordonnées financières, dont les rendements sont actuellement supérieurs au High Yield sur certains segments. »Vers des produits de campagne ?Ce type de fonds séduit, comme en témoignent les chiffres de collecte (des chiffres que l’on peut retrouver dans les tableaux pages suivantes).Alors que le rendement obligataire a fait son retour et que l’inflation devrait être plus forte dans les prochaines années, l’idée de créer des produits de campagne lancés de façon successive émerge. « On pourrait imaginer que ce type de fonds fassent l’objet de lancements successifs au gré des niveaux de taux qui, comme ils subissent moins le mark-to-market et l’évolution des politiques des banques centrales, permettent de traverser les cycles de marché », conclut Jean-François Bay.
Sur les obligations convertiblesDepuis mai dernier, Montpensier Finance commercialise M International Convertible 2028, un fonds à échéance 2028 sur les obligations convertibles à profil crédit (article 8 SFDR, SRI 3-FR001400DLQ6). « Nous disposons d’une expertise sur la classe d’actifs depuis quinze ans, révèle Benoît Quernin, directeur commercial et du marketing de Montpensier Finance, et nous avons décidé de lancer ce fonds à échéance car les conditions de marché sont actuellement positives, après une année 2022 particulièrement difficile. En effet, les taux actuellement proposés sur le marché primaire sont revenus à des niveaux plus attractifs, et le coût de l’optionalité de l’action est quasi gratuit, ce qui peut améliorer la performance. De plus, les prix de marché sont encore très décotés : 20 % du gisement se traite à un prix inférieur à 80 % du nominal, avec un rendement de 6,6 % pour une maturité moyenne de trois ans et demi ; et 60 % de l’univers se traite à un prix inférieur à 100 % du nominal. Ce fonds permet ainsi de diversifier une poche obligataire, le tout avec des avantages complémentaires à des obligations Investment Grade ou High Yield. »