Face aux opérations de croissance externe menées par Harvest, les acteurs du marché ont dû se positionner. La récente fusion entre PLPSoft et ManyMore devrait à nouveau faire bouger les lignes, alors que l’importance des outils dans le quotidien des CGP ne cesse de grandir.
Historiquement dominé par Harvest, avec quelques challengers de longue date, le marché des logiciels de gestion de patrimoine a pris un tournant avec les acquisitions réalisées par le leader du marché. En effet, en novembre 2020, la société présidée par Virginie Fauvel intégrait Fidroit, puis Quantalys en juin dernier. Deux opérations sources de synergies fortes pour chacune des entités.
En position de leader
«Chez Harvest, nous assumons notre objectif : apporter le meilleur aux professionnels du patrimoine et de la finance en permettant de construire une suite logicielle et servicielle qui permette au conseiller de choisir les différentes composantes utiles à son développement commercial, affirme Delphine Asseraf, directrice générale d’Harvest. Pour atteindre ce but, cela devait nécessairement passer par l’intégration des meilleurs savoir-faire sur le marché. En intégrant tous ces outils, les CGP n’ont plus à jongler entre différents outils alors qu’ils officient dans un univers réglementaire complexe, que la taille de leurs portefeuilles s’accroît et que les besoins de leurs clients évoluent. Réaliser ce projet avec toutes les équipes de Fidroit et Quantalys va nous permettre d’aller plus loin, ensemble, en respectant l’ADN de chacun. Et ces évolutions ne pourront se faire sans concerter nos clients, utilisateurs de nos solutions, pour mieux répondre à leurs attentes. Pour autant, nous restons ouverts à d’autres solutions logicielles dès lors que nous détections des synergies porteuses de valeurs pour les clients, qu’elles sont portées par des acteurs robustes, comme nous avons pu le faire récemment avec Cegid (cf.encadré ci-dessous).» L’autre objectif d’Harvest est de devenir un acteur européen, avec déjà un premier pied en Italie, en Suisse et au Luxembourg. «Nous sommes prêts à accompagner nos clients français dans la gestion de leurs clients qui ont de plus en plus des intérêts internationaux» , poursuit la directrice générale.
Des logiques de partenariat
Face à cette consolidation, les réactions de la concurrence ont conduit à davantage d’alliances entre les éditeurs, une réponse attendue par certains utilisateurs soucieux des conséquences de la position ultra-dominante d’Harvest.
FVI, éditeur de logiciels patrimoniaux, s’est rapproché d’Upsideo, mais reste ouvert à d’autres partenariats. «Nous avons toujours travaillé avec les autres acteurs du marché, rappelle Anne-Fleur Malbos, directrice commerciale et marketing. La mise en place de liens entre les outils utilisés par nos clients est une de leurs principales demandes.» La société montpelliéraine qui compte environ huit cents clients CGP et experts-comptables reste ainsi concentrée sur ses expertises. Elle finalise cette année la bascule de ses logiciels en mode Web. «Après Systela l’an passé (désormais UpSys), nos modules sur le patrimoine professionnel et la transmission d’entreprise, qui sont nos expertises fortes, vont être accessibles en mode SaaS. D’ailleurs, nous recevons de plus en plus de demandes de la part des experts-comptables. En revanche, il est clair que nous n’irons pas développer des solutions qui ne sont pas dans notre coeur d’activité, comme l’agrégation par exemple.» La société a récemment renforcé son offre d’un module Objectif Retraite. Avec cet outil, le conseiller peut bâtir le projet de ses clients selon leurs objectifs de vie future. Courant 2022, les rapports patrimoniaux édités pour les clients finaux seront enrichis par l’identification automatique de points de mise en garde et des pistes de solutions.
Les liens les plus aboutis sont donc mis en place avec Upsideo par une réelle complémentarité des outils. En effet, Upsideo, qui a récemment levé 5 millions d’euros, a développé, de son côté, l’Upsideo Store dont l’objectif est d’interconnecter son outil Juliette aux autres outils utilisés par les CGP (CRM, bilans patrimoniaux, outils de simulation, d’analyse de portefeuille, etc.). Ainsi, avec un seul accès (sans nouvelle saisie des mots de passe) et un transfert des données, l’utilisateur dispose d’une solution interconnectée à ses autres besoins. «C’est un sujet fondamental plébiscité par les conseillers» , note Alexandre Peschet, directeur général d’Upsideo. Outre FVI, Juliette est aussi connecté à l’outil de CRM Youday. D’autres accords avec des FinTechs sont en cours. Rappelons que Juliette est une application dédiée à la relation client, «une solution BtoC qui a vocation d’assister le conseiller en clientèle, tout en intégrant les règles métiers et les dispositions réglementaires, précise Alexandre Peschet. Il s’agit d’un parcours client complet intégrant les documents des associations professionnelles, la signature électronique et un archivage légal. Les CGP sont en effet très demandeurs d’une application pouvant être utilisée en clientèle, avec une dimension commerciale forte.» En septembre dernier, Fractal International et Allocation & Conseil, davantage présent sur le marché du courtage, ont annoncé leur partenariat avec, pour débuter, un interfaçage de leurs outils. .
«Nos offres sont complémentaires, ce qui nous permet de proposer à nos clients respectifs une offre globale» , se réjouit Thierry Sabourin, le dirigeant de Fractal. Ainsi, Fractal apporte ses solutions d’agrégation, de simulation et audit patrimonial ou encore de CRM, tandis qu’Allocation & Conseil dispose d’outils d’allocation (fonction des supports éligibles dans un contrat) et de suivi d’actifs, ainsi que d’un outil complet de parcours client intégrant les fonctions de conformité à la réglementation. AMC (cent-quatre-vingt-dix clients CGP et une dizaine de grands comptes) reste, quant à lui, concentré sur ses outils. «Nos vingt-cinq années de présence sur le marché nous permettent de proposer une offre complète aux conseillers en gestion de patrimoine, avec plus de cinquante fonctionnalités de calcul, la digitalisation de la relation client, un CRM, un parcours réglementaire, un agrégateur… Nous n’avons besoin d’aucun partenariat sur les fonctions métiers car elles sont toutes déjà développées en interne, ce qui sécurise nos clients» , assure Jean-Pascal Amigues, son président-fondateur, qui ne cache pas, en revanche, la recherche active d’un «partenariat sur un plan commercial et capitalistique» . Chez FundShop, qui édite le logiciel SmartInvest, la démarche diffère. La société présidée par Léonard de Tilly s’adresse à la fois aux distributeurs et aux fournisseurs de produits, via des travaux sur les parcours clients de l’entrée en relation jusqu’à la souscription. «Nous collaborons avec des platesformes, des fournisseurs de SCPI ou de produits structurés. L’objectif est de fluidifier le parcours des conseillers et d’apporter du service pour la construction et le suivi de leurs allocations d’actifs.»
Une fusion pour donner naissance au n° 2 du marché
De leur côté, ManyMore (CRM, agrégation, gestion de cabinet, conformité réglementaire, etc.) et PLPsoft (éditeur de solutions d’aide à la vente et au conseil patrimonial) ont dépassé cette étape de partenariat en fusionnant leurs sociétés en janvier dernier. «Les rapproche-ments opérés par Harvest constituent un ensemble puissant qui couvre l’ensemble de la chaîne de valeur des CGP, souligne Gilles Artaud, dirigeant de PLP-Soft. Cela a appelé une réponse de notre part qui s’est concrétisée en septembre dernier par un partenariat structurant avec Manymore. Après quelques mois de travaux communs très fructueux, nous avons décidé de fusionner pour créer le numéro 2 du marché capable d’apporter une réponse globale, pérenne et efficace à nos clients.» Pierre-Laurent Fleury, président-fondateur de Manymore, confirme : «Face au regroupement Harvest, Fidroit, Quantalys, il convenait d’être en capacité de proposer une offre à 360° et que l’ensemble des outils communiquent ensemble de manière fluide. Nos deux sociétés travaillent depuis plusieurs mois à l’unification de notre modèle de données. Mais nos deux structures voulaient aller plus loin et garantir à nos clients la pérennité de la relation et la parfaite adéquation des solutions. C’est pourquoi PLPSoft et Manymore ont décidé de fusionner. Ainsi dès cette année, nous pourrons proposer à nos clients des solutions 100 % compatibles et sans coutures.» Gilles Artaud poursuit : «Notre stratégie reste d’être ouverts à des partenariats s’ils sont utiles à nos clients, sans pour autant nous éparpiller. Les API ne résolvent pas tout : il faut que le partenariat soit solide et que les évolutions des outils se fassent de façon concertée.» Et les ambitions sont fortes. «Gilles Artaud et moi-même ne souhaitons pas nous arrêter là, renchérit Pierre-Laurent Fleury. Des discussions sont déjà en cours pour compléter notre offre de services par croissance externe et nous n’hésiterons pas à effectuer une levée de fonds, dès lors que cela s’avérera utile à notre développement. Nous avons longtemps été CGP, nous aimons ce métier et nous mobiliserons les talents et les moyens nécessaires pour qu’il existe un deuxième acteur crédible qui continuera à respecter notre ADN commun : l’innovation au service de la productivité et de la qualité des prestations de nos clients.» D’autres mouvements d’envergure devraient donc suivre dans les prochains mois…
Répondre aux attentes des CGP
S’agissant des évolutions récemment apportées par les éditeurs et attendues par les CGP, tout semble pousser à une plus intense connexion des systèmes entre eux. «Les attentes des professionnels sont fortes pour que les outils communiquent entre eux, d’autant plus que le renforcement de la réglementation nécessite un usage de plus en plus intensif des données clients. C’est dans cet esprit aussi que nous avons développé une plateforme d’import de données permettant de s’interfacer facilement avec des systèmes tiers ou de récupérer l’ensemble des données patrimoniales lors d’une reprise à la concurrence» , note Gilles Artaud.
Dans le même sens, les éditeurs de logiciels affichent davantage leur volonté de connecter leurs outils avec ceux des fournisseurs de produits. Par exemple, SmartInvest compte cette année simplifier les opérations d’arbitrage, avec prise en compte des règles spécifiques à chaque instrument ou contrat en architecture ouverte. «La demande des conseillers en gestion de patrimoine est forte en ce qui concerne la conformité et la dématérialisation. L’objectif est de leur faire gagner du temps et d’apporter de la valeur ajoutée dans les étapes de sélection, construction et suivi des portefeuilles.» Pour sa part, Upsideo a développé Upsideo Connect. «Le conseiller en gestion de patrimoine peut se connecter à ses fournisseurs de produits (contrat d’assurance, SCPI, produits non cotés…) ayant digitalisé leur parcours de souscription, sans nouvelle saisie des mots de passe et avec transferts des données clients. Notre stratégie est ainsi d’établir des partenariats pour proposer une solution SaaS (full Web), interconnectée aux outils et partenaires dont les conseillers ont besoin, uniquement.» Jean-Pascal Amigues affirme que «pour 2022, AMC va parfaire son offre dans le prolongement de son agrégateur, en intégrant des outils de souscription en ligne des produits. Des API vont être mises en place avec les fournisseurs qui auraient digitalisé leur process de souscription.» La digitalisation a également été renforcée par les éditeurs, à l’image d’AMC dont les outils sont accessibles en ligne et qui accompagne les conseillers en gestion de patrimoine sur leur présence sur la Toile : «l’ensemble de nos modules sont accessibles via le Web, ce qui favorise le travail à distance, mais aussi la capacité des CGP à prospecter sur la Toile via des outils de simulation simplifiés ou pour leur communication sur Internet et les réseaux sociaux pour capter des leads.» Chez Fractal International, tous les outils sont aussi accessibles à distance. La demande est actuellement forte pour l’intégration la plus poussée des clients dans leurs destinées patrimoniales, en lien avec le CGP. «Nous avons sorti un outil Front d’acquisition des données clients Advisor, dont l’UX et l’ergonomie ont été particulièrement travaillés» , complète Pierre-Laurent Fleury.
«Notre développement repose aussi sur l’avancée du digital dans le métier, note Delphine Asseraf. Nous accompagnons nos clients dans la façon dont ils ont dû réinventer leurs rapports avec leurs clients, à la fois pour avoir des contacts – sécurisés – plus fréquents et plus personnalisés. Dans ce sens, nos ambitions sont fortes pour MoneyPitch, l’extension digitale du CGP, qui est une application utilisée chaque semaine par les deux-tiers des clients équipés. Elle joue également un rôle majeur dans la façon dont le client peut devenir acteur de son épargne, mais aussi avoir une vision éclairée de son patrimoine.» Par ailleurs, Harvest poursuit le développement des synergies avec Fidroit et Quantalys, tout en faisant également évoluer ses produits historiques. «L’an passé, nous avons fait évoluer notre offre, notamment en revisitant l’ergonomie de nos outils et en créant des passerelles entre O2S, l’outil du quotidien pour piloter son activité avec un CRM patrimonial puissant, et Fidnet qui permet de renforcer son expertise et de valoriser son conseil patrimonial (qui a récemment évolué, cf.page 78, ndla). Ces synergies entre outils vont se poursuivre. Des développements sont également en cours avec Quantalys, dont les données financières et extra-financières sur les fonds vont enrichir nos outils O2S et le portail patrimonial et collaboratif client MoneyPitch.» Bien des besoins des CGP restent donc encore à satisfaire pour que l’exercice de leur profession soit fluidifié, ainsi que leurs rapports avec leurs partenaires et clients. Il est certain que les rapprochements entre acteurs et la crise sanitaire ont donné un coup d’accélérateur à l’ensemble du marché.
Sur le marché des experts-comptables
Le groupe Harvest-Fidroit-Quantalys a créé une offre spécialement dédiée auxexperts-comptables clients de Cegid. Celle-ci permet d’accompagner les clients des experts-comptables dans l’optimisation de leur patrimoine. L’offre comprend plusieurs types de prestations (calculs, contenus, formations), comme les bilans retraite, l’aide à la réduction d’impôt, l’optimisation de la répartition entre les dividendes et la rémunération, les conseils prévoyance ou encore la transmission d’entreprise. Ce partenariat répond à l’ambition affichée du groupe, dans le cadre de sa «Stratégie 2025, l’esprit de conquête» , de s’adresser à tous les métiers du patrimoine et de la finance et de développer l’interprofessionnalité.