Rencontre avec Jean-François DELCAIRE, Analyste financier CIIA et gérant de portefeuilles, HMG Finance.
1) Fidèle à votre méthode, vous maintenez un bon rythme de rencontres avec les sociétés cotées. Que vous disent-elles et voient-elles des risques particuliers ?En effet, pour suivre et toujours mieux comprendre les résultats des entreprises, la crise sanitaire n’a pas eu que des inconvénients ! Comme les réunions d’analystes financiers et les assemblées d’actionnaires se sont transformées en visio-conférences, nous avons pu les multiplier lors de ce premier semestre : pas moins de 385 contacts ont ainsi été noués !
De manière un peu surprenante, les messages transmis par les sociétés cotées que nous avons rencontrées sont globalement positifs. Les entreprises se sont très bien adaptées aux nouvelles conditions économiques imposées par le Covid, en modifiant parfois leur activité, en réduisant drastiquement tout un tas de charges devenues moins utiles, et, il faut le reconnaître, en bénéficiant de certains dispositifs d’aides publiques. Certaines en ont même profité pour optimiser durablement leur organisation.
Dans ce contexte, dans la plupart des secteurs économiques (hormis celui de la « convivialité ») l’activité est actuellement particulièrement soutenue, sous l’effet d’un rattrapage depuis la période d’arrêt, et peut-être aussi grâce aux premières conséquences des plans de relance. Certains de nos contacts évoquent même une activité en surchauffe, avec des usines qui n’ont que rarement été aussi chargées qu’aujourd’hui.
Les résultats semestriels qui seront publiés à partir de mi-juillet seront donc très bien orientés, et paraitront d’autant meilleurs que la base de comparaison du premier semestre 2020 a été très faible.
A titre anecdotique, le second trimestre sera, au surplus, dopé par un effet « jours ouvrés » car le calendrier 2021 ajoute deux jours de plus d’activité à celle de l’an dernier, soit, dans de nombreux métiers, un surcroit mécanique de 3% de chiffre d’affaires pour une même structure de charges.
Le principal point de vigilance évoqué par les entreprises se trouve naturellement du côté de l’envol des prix de nombreuses matières premières, voire des perturbations d’approvisionnement, comme on l’a entendu par exemple dans le secteur automobile. Pour autant, il est bien plus facile de faire passer des hausses de prix auprès de ses clients quand la demande est très soutenue comme aujourd’hui. Un plus grand risque demeure, celui de la disponibilité des ressources humaines, mais à un horizon sans doute un peu plus éloigné.
2) Depuis Mars ou nous nous étions rencontrés, avez-vous procédé à des modifications dans les portefeuilles ?Au sein des FCP HMG Découvertes et HMG Découvertes PME, nous conservons trois grandes poches de valeurs : des valeurs issues des secteurs technologiques, qui se comportent très correctement dans la plupart les configurations de l’économie, tant nos sociétés en sont devenues si dépendantes ; des valeurs défensives (santé, agro-alimentaire) ayant montré leur grande résistance y compris en cas de fermeture de l’économie ; et enfin une poche d’entreprises plus exposées au cycle économique.
Ces deux derniers mois, en dépit de résultats d’excellente facture, nous avons initié des prises de bénéfices sur certaines valeurs s’étant bien comportées pendant la crise sanitaire, provenant en général de la poche défensive (commeBastide, Trigano ou encore LDLC).
Nous les avons progressivement remplacées par certaines valeurs plus exposées au retour à la normale de nos économies, comme Lagardère (duty free), Aurès Technologies (équipements de magasins) ou de travail temporaire comme Synergie. Nous avons aussi ré-initié deux lignes dans le domaine des semi-conducteurs, Soitec et X-Fab, tant ce secteur devrait voir sa croissance s’accélérer dans tous les cas de figure.
3) Comment imaginez le second semestre 2021 sur le plan boursier ?Après un premier semestre très bien orienté, les valorisations des marchés d’actions sont mécaniquement devenues plus exigeantes, ce qui pourrait conduire les marchés à « reprendre leur souffle ». L’abondance des introductions en bourse (une vingtaine à date) et des augmentations de capital est une indication supplémentaire que certaines entreprises jugent les niveaux de marché propices à des cessions, notamment quand les horizons de rentabilité sont encore éloignés.
En outre, par un effet de référence par rapport au second semestre 2020 qui avait été moins pénalisé que le premier, le second semestre 2021 n’offrira pas un point de comparaison aussi facile.
Pour autant, nous n’arrivons pas à être vraiment très inquiets, car nous entrevoyons plus une consolidation des niveaux actuels qu’une franche baisse des cours. Ce sera encore d’autant plus vrai sur notre classe d’actifs, les petites et moyennes valeurs, qui sont, nous l’avons souligné, particulièrement agiles pour tirer parti du rebond économique.
Par ailleurs, en termes de flux des investisseurs, la situation nous semble aussi plutôt saine : après plusieurs années de franche collecte (2015-2017), les années 2018-2021 ont vu la classe d’actif des valeurs moyennes reprendre son souffle, si bien que les valorisations relatives peuvent encore sembler raisonnables en faveur des plus petites sociétés. L’accélération des offres publiques d’achat et de sorties de cote depuis le début de l’année ne peut que confirmer ce constat, en tout cas sur certains segments de la cote, comme le secteur industriel, à l’instar de notre ligne Tarkett qui a fait l’objet d’une intéressante OPA en avril de cette année.
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