John Taylor est un économiste, rendu célèbre grâce à la règle qui porte son nom, tandis que Taylor Swift vend des millions de disques et remplit les stades à travers le monde. D’apparence tout les opposent, mais leurs actualités se sont entrechoquées, rendant le lien entre les deux plus étroit qu’il n’y paraît. Au départ une boutade sur les réseaux sociaux, nous revenons sur cette analogie, à la lumière des récents développements de politique monétaire.
La règle de Taylor a été développée par l’économiste du même nom au début des années 1990. Son intention était alors de mettre en équation la « fonction de réaction » des banques centrales, afin d’aboutir de manière systématique à la prescription d’un niveau de taux directeur adéquat, au regard de l’évolution de certaines variables économiques. Mathématiquement, cette règle a d’abord pris la forme suivante : r = p + 0,5(y-y*) + 0,5(p-2) + 2. Mise à l’épreuve par les techniques économétriques, elle a ensuite été raffinée, mais les termes les plus importants sont restés les mêmes.
(p-2) représente ainsi l’écart entre le niveau d’inflation observé (p) et la cible de 2 % des banques centrales ;
(y-y*) l’écart de production, ici calculé par le différentiel entre la croissance économique (y) et son potentiel de long-terme (y*).
Théoriquement, les banques centrales devraient donc augmenter – plus que proportionnellement – leurs taux à chaque fois quebla cible d’inflation est dépassée et/ ou lorsque l’économie « surchauffe », et inversement.
Mais alors, quel lien avec Taylor Swift ?
En 2023, l’économie américaine a surpris par sa vigueur, en raison notamment de la transition dans la composition de la demande. Les consommateurs ont favorisé les services, au détriment des biens dits durables. La tournée américaine de la chanteuse Taylor Swift constitue à cet égard l’un des symboles de cette période. Outre les dépenses liées à l’achat des billets, chacun de ses passages a aussi engendré des retombées pour les restaurants, les hôtels...
Les “ Swiftonomics ”, comme il est désormais coutume d’appeler ce phénomène, ont contribué à augmenter le PIB américain, l’aidant à l'amener au-delà de son potentiel, et probablement aussi à la robustesse du marché du travail. C’est ainsi que tout au long de l’année, en plus d’une inflation supérieure à 2 %, la règle de Taylor n’a cessé de prescrire des taux directeurs relativement élevés.
Écrire sur ce sujet n’a rien d’anodin. Quelques jours avant le « pivot » opéré par la Fed lors de sa réunion de décembre 2023, Christopher Waller (membre de la Fed) a explicitement fait référence à la règle de Taylor, en indiquant qu’il serait logique d’abaisser les taux, à mesure que l’inflation décélère. En utilisant différentes mesures d’écarts à la production (croissance –potentiel, taux de chômage – celui d’équilibre…) et d’estimations du taux neutre, les taux prescrits par une règle de Taylor modifiée s’échelonnent actuellement de ~4,5 % à 6,5 %, proches donc des niveaux pratiqués par la Fed aujourd’hui.
Par Florent Wabont, Economiste chez Ecofi.
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