Dans l’attente de la future co-régulation pour les statuts d’intermédiaires en assurance et d’IOBSP, les sujets purement relatifs à la profession restent nombreux, en particulier sur leurs rapports avec leurs « partenaires » banques et assureurs. Les présidents des associations s’inquiètent également de la hausse du nombre d’usurpations d’identité dont sont victimes leurs membres.
La co-régulation pour les IOBSP et IAS mise entre parenthèses, l’actualité des associations professionnelle est marquée par les rapports de leurs membres avec leurs fournisseurs de solutions d’assurance, notamment depuis le communiqué de presse de l’UCGP (Union des conseils en gestion de patrimoine) du 26 octobre 2020 demandant l’uniformisation des conventions de partenariat, et de crédit. Autre sujet, la hausse du nombre d’usurpations d’identité dont sont victimes les cabinets.
La co-régulation au point mortSi elle ne semble pas avoir de plomb dans l’aile, la co-régulation des professions d’intermédiaires en assurances (IAS) et d’intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) est à l’arrêt, crise sanitaire oblige.Ce que déplore Stéphane Fantuz, président de la CNCEF Patrimoine : « A notre grand regret, la proposition de loi n’est toujours pas à l’ordre du jour du calendrier de l’Assemblée nationale. Et pourtant nos interlocuteurs, tant à Bercy qu’à l’hémicycle, y sont toujours favorables. La relance de l’économie à venir devrait inciter les pouvoirs publics à se saisir au plus vite de ce texte visant à redonner de la confiance aux épargnants, qui en ont grand besoin. Certes le contexte est difficile, il faudrait cependant que le texte soit abordé au premier semestre 2021, au plus tard. » Une mise en place est donc espérée d’ici la fin de l’année 2021, voire en 2022, le texte pouvant être voté à n’importe quel moment. « Les services du Trésor ont toujours pour objectif de faire passer le texte avant la fin du quinquennat », relève Julien Seraqui, le président de la CNCGP.
Les associations de CIF dans les starting-blocksToujours est-il que les quatre associations de CIF sont toutes prêtes à accueillir de nouveaux membres. Hormis la CNCGP qui n’est ouverte qu’aux adhérents dont l’activité est liée à la gestion de patrimoine, les autres associations professionnelles (CNCEF, Anacofi et La Compagnie des CGP) ont toutes créé des structures distinctes et dédiées, d’une part, aux IOBSP et, d’autre part, aux IAS, tout comme elles disposent d’associations regroupant les CIF et les intermédiaires en immobilier.
L’ANCDGP s’oppose toujours au texteEn revanche, à l’ANCDGP, on reste clairement opposé au projet de co-régulation concernant les intermédiaires en assurance et IOBSP. « Si les motivations du texte sont légitimes, notamment la protection des courtiers et l’encadrement de la libre prestation de services, dans la réalité, le texte se cantonne de suppléer au défaut de contrôle effectif des intermédiaires par l’ACPR en transférant cette mission à des associations agréées, affirme son président, Philippe Loizelet. Nous considérons que cela entraîne un surcoût pour les professionnels, alors qu’un organisme, en l’occurrence l’Orias, pourrait remplir facilement, efficacement et très économiquement – cette mission : il suffirait que la vérification du quota d’heures de formation continue fasse partie des conditions annuelles de réinscription. La réelle mission des associations serait finalement que d’accompagner les professionnels dans leurs missions en les “pré-contrôlant” car l’ACPR ne peut déléguer son pouvoir de contrôle. » Par ailleurs, Philippe Loizelet relève que si le texte annonce renforcer la protection des courtiers, notamment des plus petits, aucun élément dans le texte ne vient rééquilibrer leur position vis-à-vis de leurs fournisseurs. « Dans les faits, les compagnies ont le droit de vie ou de mort sur les courtiers. Elles peuvent unilatéralement décider de supprimer des conventions au motif que le courtier ne serait pas suffisamment productif. Avec une telle pression, leur indépendance devient toute relative. Et que dire de la protection des intérêts des consommateurs dont le courtier ne peut accéder à l’ensemble des solutions du marché ? » Un autre point interpelle le président de l’ANCDGP : « Nous regrettons également qu’en matière de libre prestation de service, les établissements n’aient pas l’obligation de s’immatriculer en France ou d’y assurer une représentativité. Une simple attestation du pays d’origine suffit. Or les règles sont bien moins protectrices dans certains pays qu’en France… »Crédit, vers la mort des IOBSP spécialisés en crédit?Depuis quelque temps, l’univers du courtage du crédit dénonce un moindre accès au crédit… Et les tensions sont de plus en plus vives. Ici encore, le rapport de force – déséquilibré – avec les banques joue en défaveur de la profession. En octobre dernier, les associations professionnelles représentatives des IOBSP (Afib, AnacofiIOBSP, Apic, CNCEF Crédit, CNCGP et La Compagnie des IOB) ont été reçues, via téléréunion, par la direction du contrôle et des pratiques commerciales de l’ACPR pour s’entretenir sur les pratiques anticoncurrentielles des établissements bancaires constatées.« Le problème dure depuis plusieurs années et s’est réellement envenimé depuis deux ans, note David Charlet, président de l’Anacofi. Des discussions sont en cours, mais certaines pratiques, notamment dire au client que le courtier a un coût supplémentaire pour le client et que ce dernier n’en a pas besoin, sont inacceptables. Une action commune est menée avec les autres associations professionnelles. Ce moindre accès au crédit pour les IOBSP est d’autant plus à déplorer que le crédit est un levier pour relancer notre économie. » « Les établissements bancaires résilient actuellement de nombreuses conventions, même pour des acteurs importants du marché, constate Julien Seraqui. Une disparation des IOB irait à l’encontre de l’intérêt des emprunteurs car ils leur permettent d’avoir accès à des taux très compétitifs, tout en leur assurant un conseil personnalisé. Nous nous concertons avec les autres associations d’IOB et avons alerté l’ACPR, cependant ce sujet est délicat car les banques restent libres de décider leurs pratiques commerciales. » Philippe Feuille, le président de La Compagnie des CGP, se montre plus offensif : « Les positions des banques sont inadmissibles. Elles exercent une forme de chantage et de concurrence déloyale envers notre profession. Notre conseil indépendant et autonome ne peut se calquer à leurs logiques industrielles.Nos clients nous accordent leur confiance pour notre accompagnement sur la durée, notre empathie, nos compétences et notre pédagogie; et non pas pour une question de coût. L’intérêt du client doit être remis au centre du jeu, afin de ramener les banques à la raison ».Convention de distribution en assurance, des tensions réellesDans un communiqué en date du 26 octobre, l’UCGP (trois cents entreprises, 35 milliards d’euros d’encours et plus de 2 milliards d’euros de collecte annuelle) indique avoir « initié des travaux d’analyses exhaustives de dix-sept conventions de distribution de produits d’investissements assurantiels qui lient les entités membres de l’UCGP avec les principales compagnies d’assurances ou plates-formes de la place » et que pour « six items majeurs […] a rédigé des propositions de rédaction de clauses conformes avec les exigences réglementaires post-DDA » qui ont été soumises aux fournisseurs, dont seulement deux (Primonial et Axa) ont accepté de modifier leurs conventions, les autres n’ayant, à l’heure de la publication du communiqué, pas répondu à cette sollicitation. Sur le site Internet de Profession CGP, Hélène Barraud-Ousset, présidente du Club des entrepreneurs CGP en charge du dossier au sein de l’UCGP, détaillait : « D’un assureur à l’autre, ces différents points ne sont pas toujours abordés de la bonne manière ou sont totalement absents des conventions.Il s’agit pour :- l’obligation d’information et de conseil : nos partenaires doivent s’engager à mettre à notre disposition l’ensemble des informations nécessaires en amont de la commercialisation des produits et sur un support papier ou durable. Or, cela n’est pas toujours le cas;- la rémunération du courtier : cela concerne le troisième usage du courtage et uniquement les nouvelles conventions. Il s’agit d’inscrire un principe commun applicable à l’ensemble des assureurs en cas de changement de courtier;- la gouvernance produit : notre volonté est que nos partenaires s’engagent à nous fournir l’ensemble des informations nécessaires pour que nous puissions réaliser notre obligation; et que ces informations soient automatisées pour que nous puissions les intégrer à nos agrégateurs de données; - le traitement des conflits d’intérêts:l’objectif est de formaliser le fait qu’en cas d’un conflit d’intérêts avéré la dénonciation du partenariat soit réalisée de manière concertée entre les deux parties et que ce ne soit donc plus une décision unilatérale de l’assureur;- le devoir de conseil : il s’agit d’une obligation du courtier et de lui seul, ce qui n’est pas toujours notifié dans les conventions; - enfin la formation professionnelle : cela est notre obligation également issue de DDA et l’objectif est d’écrire que le courtier s’engage à la respecter. »Pour David Charlet, ces modifications des conventions de distribution faisant suite à la mise en oeuvre de la DDA sont un sujet récurrent, faisant l’objet d’un dialogue continu avec les partenaires de la profession. « En tant qu’organisation professionnelle, nous discutons régulièrement sur ce sujet avec les partenaires de nos adhérents. C’est notre travail au quotidien. Ensuite, libre au CGP d’accepter ou non les modifications des conventions : c’est la liberté contractuelle, même si on connaît le déséquilibre de poids entre les parties. Dans tous les cas, nous alertons nos membres sur les points de vigilance et si c’est illégal, nous le dénonçons. Nous obtenons régulièrement des évolutions de la part de partenaires de nos membres, mais vouloir uniformiser les conventions apparaît impossible, parfois d’ailleurs car certains membres ne le souhaitent pas ». Julien Seraqui ajoute également : « Nous rencontrons régulièrement nos partenaires assureurs. Récemment, nous avons obtenu de leur part le fait qu’ils mettent en avant de manière claire les changements qu’ils opèrent dans les modifications des conventions ». Pour Philippe Feuille, la nécessité reste avant tout de clarifier le troisième usage du courtage pour sécuriser les professionnels du patrimoine : « Pour notre profession, il serait judicieux de tenir un langage cohérent afin de défendre nos modalités de rémunération et les indemnités de transfert des clients. S’agissant de l’indemnisation en cas de vente de portefeuilles, La Compagnie défend une indemnisation du courtier de trente-six mois de commissions. En ce qui concerne les indemnisations en cas de transfert de contrat à la demande du client, il s’agit de déterminer une fois pour toutes une position de place et de distinguer un courtier qui exerce de bonne manière de celui qui ne serait pas professionnel:soit, ce qui est préférable, les deux courtiers parviennent à se mettre d’accord, soit la règle déterminée par la compagnie d’assurance s’applique avec le respect d’un minimum d’indemnisation déterminé par la place. » « S’agissant du troisième usage du courtage, notre position est assise sur une indemnité compensatrice représentant douze à vingt-quatre mois de commis-sions, rappelle Julien Seraqui. Je suis toujours surpris que l’on associe cette indemnité à la valeur des cabinets, rappelons que ce qui détermine la valeur d’un cabinet ce sont un ensemble de facteurs:encours, qualité de sa clientèle, numérisation des process, etc. »Contrôler ses fournisseurs sur leurs process de LCB-FT, une hérésie !Un autre point a récemment conduit les associations professionnelles à agir de concert. En effet, l’Anacofi-CIF, la CNCEF Patrimoine, la CNCGP et La Compagnie des CGP-CIF ont adressé un courrier commun à l’AMF protestant contre l’extension du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme aux partenaires des CIF. Une nouvelle définition de la clientèle cible, retenue par l’Autorité, que les associations jugent disproportionnée. « Les réflexions menées autour des prochaines règles LAB intègrent nos fournisseurs dans la définition du terme “client”, ce qui est déjà surprenant d’un strict point de vue lexical mais, surtout, nos fournisseurs sont agréés par nos tutelles et répondent donc déjà aux obligations LCB-FT, observe Julien Seraqui. Pourquoi devrions-nous vérifier ce qui a déjà été contrôlé par nos tutelles ? Pour un CGP qui a souvent trente, quarante ou cinquante fournisseurs, c’est un travail très chronophage et tout à fait inutile. » « Qu’on nous demande de vérifier que nos fournisseurs, eux-mêmes déjà contrôlés, s’ils sont bien en adéquation avec le dispositif est tout à fait ahurissant! s’insurge le président de la Compagnie des CGP. On marche sur la tête ! Nous travaillons sur ce sujet avec l’AFG et les autres associations. » Usurpation d’identité, le phénomène s’amplifieSur un autre terrain, les présidents des associations professionnelles s’inquiètent du nombre croissant de cas d’usurpation d’identité dont sont victimes leurs membres. « Comme dans toutes les périodes de crises, des escrocs s’affairent : cela peut prendre la forme de proposition de produits aux rendements incroyables ou d’usurpation d’identité de CGP, note Philippe Feuille. Nous avons dénoncé ces pratiques auprès de nos différentes autorités de tutelle qui prennent ces dossiers en main. » « Nous constatons que de plus en plus, les CGP sont concernés par des usurpations de leur identité professionnelle par des escrocs aux propositions d’investissement farfelues : parking à très forte rentabilité, comptes rémunérés par la BCE, obtention de crédit après le versement d’un apport personnel… Nous alertons, mais sommes peu entendus. Aucun procureur ne s’est encore saisi du dossier malgré les plaintes déposées », déplore le président de l’Anacofi. Un constat que partage sans contexte Julien Seraqui : « Ces deux dernières années, les cas d’usurpation d’identité se sont multipliés et nous travaillons avec l’Orias et nos tutelles pour endiguer ce problème. » Mais le président de la CNCGP se veut pédagogue vis-à-vis des clients qui seraient approchés par ces escrocs : « Il convient de rappeler quelques bonnes pratiques et règles de bon sens : vérifier l’existence du cabinet sur le site de l’Orias, appeler le cabinet pour vérifier s’il y a un interlocuteur et ne pas faire de chèque ou virement à l’ordre du cabinet en cas de souscription d’un produit d’investissement. »
❚ Benoît Descamps
Deuxième vague : les CGP sur le pontAlors que le confinement a été mis en place en novembre dernier, les CGP ont pu, cette fois-ci poursuivre leur activité. « Nos membres exerçant une activité “essentielle”, ils peuvent et doivent continuer d’exercer, hormis pour l’immobilier qui fort étonnement n’est pas jugé essentiel, note David Charlet. Nous avons su apprendre du premier confinement ce qu’il était possible de faire, creuser des relations, relancer des clients…, et impossible de faire, notamment pour certains de générer de nouveaux clients. Sachant que les nouveaux clients représentent en moyenne 25 % du chiffre d’affaires de nos adhérents, espérons que la “sur-activité” sur les clients existants leur permettra de combler ce manque à gagner… Autre différence avec le premier confinement, les clients semblent moins accepter les relations digitales, quelle que soit la tranche d’âge. » Pour Julien Seraqui, ce deuxième confinement est géré de manière sereine par ses membres, sans cacher son inquiétude à moyen terme pour leur santé. « Ils ont su se réorganiser rapidement comme lors de la première vague. A court terme, notre profession n’est pas la plus à plaindre, mais la question de l’impact économique général se pose à moyen terme, car nos chiffres d’affaires dépendent de la santé financière de nos clients. »A La Compagnie des CGP, ce reconfinement est une nouvelle occasion pour les CGP et l’association de faire preuve de leurs qualités : « Ils sont présents pour leurs clients dans l’accompagnement et la proximité. Le mental du CGP reste celui d’un conquérant. Notre association, dont l’échange et la proximité font partie de l’ADN, a mis tout en oeuvre pour les accompagner en créant une commission Résilience et une cellule Aide et Ecoute à laquelle répondent cinq de nos administrateurs. »
« Nous ferons preuve de pédagogie »Pour Daisy Facchinetti, secrétaire général de l’Orias, « En pratique pour le registre unique, il s’agira d’une condition d’immatriculation supplémentaire pour les intermédiaires entrants dans le périmètre de cette réforme. Dès lors que le texte sera voté, nous ferons preuve de pédagogie. Nous informerons les intermédiaires faisant partie du périmètre de la loi des modalités de mise en oeuvre de la réforme, notamment la date d’entrée en vigueur et les noms des associations qui seraient agréées par l’ACPR. Pour nous, les conséquences seraient minimes, puisqu’adhérer à une association sera une nouvelle condition d’immatriculation ».