Instituée par l'ONU en 1970, la Journée mondiale de la Terre, sera célébrée jeudi 22 avril dans le but de sensibiliser l'ensemble de la population mondiale (gouvernements, citoyens, opinion publique) à la préservation de la planète. Le président américain Joe Biden organise le même jour une conférence internationale virtuelle sur le climat. Nous nous attendons à ce que de nouveaux engagements financiers soient pris en 2021 pour favoriser la transition vers la neutralité carbone.
2020 a été une année faste pour les fonds axés sur l’investissement responsable (IR), dont la collecte a fortement augmenté. Même si cet engouement pour les fonds qui appliquent les principes de l’IR a été stimulé par la pandémie de Covid-19, la collecte augmente toujours et la tendance devrait perdurer bien après le déclin du virus. Selon Calastone, rien qu’en décembre 2020, les investisseurs ont injecté 1,1 milliard de livres sterling dans les fonds IR en actions à gestion active domiciliés au Royaume-Uni, soit à peu près autant que la collecte totale de ce type de stratégies entre 2015 et 2018. Tous aussi notable, cette collecte de 1,1 milliard représentait près des deux tiers des capitaux investis dans toutes les stratégies actives et la collecte totale de 1,7 milliard de livres en décembre 2020 était déjà, en soi, la plus élevée depuis juillet 2015.1
L’essor des fonds d’investissement responsable et durable est impressionnant. Toutefois, les chiffres globaux occultent des tendances sous-jacentes significatives. Le label IR englobe une multitude de stratégies qui ont un rapport avec le développement durable. Une bonne partie des capitaux investis en 2020 se sont dirigés vers des fonds commercialisés sous le label ESG (environnement, social, gouvernance), qui s’efforce de mesurer la performance des entreprises à l’aune de ces indicateurs.
Les enjeux ESG sont un thème d’investissement qui existe depuis longtemps et qui est désormais largement reconnu et compris. Néanmoins, parmi les fonds IR qui enregistrent une collecte en forte hausse, il y a une famille de stratégies moins connues qui est plus récente et encore loin de la maturité : les fonds durables. Une bonne partie de ces fonds investissent spécifiquement dans des entreprises qui facilitent la transition vers la neutralité carbone à l’horizon 2050, notamment dans les secteurs de la production d’électricité et du transport.
Par conséquent, les chiffres globaux des flux de collecte des fonds en 2020 occultent une tendance majeure qui n’en est encore qu’à ses débuts : la vague d’investissements dans les entreprises et les technologies qui permettront à l’économie mondiale d’atteindre la neutralité carbone de notre vivant. Un bon nombre de ces entreprises ont un lien avec des thématiques durables étroitement liées aux Objectifs de développement durable des Nations unies. Nous pensons que ces entreprises, fortes d’un avantage concurrentiel durable, sont susceptibles d’enregistrer une croissance plus forte et une meilleure rentabilité que les entreprises sans lien avec ces thématiques.
La transition vers la neutralité carbone au cœur des préoccupations en 2020
Les investisseurs confondent souvent les fonds ESG et les fonds durables et en concluent qu’ils ont peut-être raté le train de l’investissement durable. Ils ont tort. La gestion ESG connaît un essor depuis plusieurs années, mais ce n’est qu’en 2020 que les investisseurs ont commencé à se pencher véritablement sur les opportunités d’une transition vers la neutralité carbone.
L’engouement grandissant pour les fonds durables en 2020 tient notamment à la succession d’annonce par les gouvernements du monde entier de politiques et de plans de relance censés permettre aux économies d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, ou 2060 pour la Chine. Des pays comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud, ainsi que les Etats membres de l’Union européenne et le Royaume-Uni se sont engagés à atteindre la neutralité carbone. Au 1er novembre 2020, les sommes promises pour financer la relance verte et accompagner les secteurs à forte intensité carbone dépassaient les 1.000 milliards de dollars et l’UE envisage une rallonge de 644 milliards de dollars (Figure 1).
Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, les Etats-Unis devraient lancer leur propre plan de relance verte de grande envergure. La décision du nouveau président américain de faire revenir son pays dans l’Accord de Paris sur le climat témoigne de la nouvelle orientation prise par les Etats-Unis.2
Les engagements ambitieux pris en 2020 sont essentiels, mais l’année 2021 s’annonce comme la plus décisive jusqu’ici pour la transition vers la neutralité carbone.
L’amorce d’une tendance d’investissement qui s’inscrit sur plusieurs décennies
En 2021, les financements pour la transition vers la neutralité carbone commenceront à être débloqués. On devine déjà que les sommes annoncées jusqu’ici par les gouvernements pour transformer la façon dont le monde produit son énergie – une activité qui représente les trois quarts des émissions mondiales – sont loin d’être suffisantes. Par exemple, pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la part des voitures électriques dans le total des ventes doit passer de 3% à plus de 50% d’ici la fin de cette décennie, la production d’« hydrogène vert » devra passer de 450.000 tonnes à 40 millions de tonnes par an et les investissements dans l’électricité propre devront passer de 380 à 1.600 milliards de dollars par an.3
Les implications pour les investisseurs sont claires. Il faudra canaliser des sommes sans précédent vers la transition énergétique mondiale dans les décennies à venir. Compte tenu du montant faramineux des investissements requis, cette tendance d’investissement s’inscrira nécessairement sur plusieurs décennies et constitue une opportunité d’une ampleur inédite. Une bonne partie des technologies nécessaires à la transition ne sont pas encore commercialisées. Les entreprises qui développent ces technologies auront besoin du soutien constant de l’Etat au travers des plans de relance dans les années à venir.
Par conséquent, l’investissement durable en est encore à ses débuts. Il est tout à fait compréhensible que les investisseurs ne mesurent pas encore pleinement l’ampleur et la durée de cette opportunité.
Accélérer la transition
Toutefois, dans les mois à venir, deux événements majeurs devraient accélérer la transition vers la neutralité carbone et donner une impulsion davantage coordonnée au niveau international pour atteindre cet objectif à l’horizon 2050. Premièrement, au mois de mai, l’Agence internationale de l’énergie publiera sa première feuille de route censée permettre au secteur de l’énergie au niveau mondial d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour les entreprises du monde entier, ce document devra servir de cadre de référence pour évaluer leurs efforts de transition. Cela est primordial car les objectifs des différentes entreprises en matière de neutralité carbone sont très variables du point de vue de leur qualité et de leur ambition. Certaines entreprises visent la neutralité carbone dès 2030 tandis que d’autres s’y sont engagées, mais pas avant 2060. La coordination au niveau mondial permettra aux investisseurs de comparer plus facilement les entreprises avec leurs concurrentes et de déterminer l’orientation des flux d’investissement.
Le deuxième événement majeur de l’année 2021 est la 26e Conférence sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra en novembre à Glasgow, au Royaume-Uni. A cette occasion, les gouvernements s’efforceront de coordonner leurs programmes en matière de lutte contre le changement climatique. Cette conférence est également de nature à accentuer la pression sur les gouvernements pour qu’ils tiennent les engagements déjà pris et en prennent de nouveaux plus ambitieux pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2050.
L’impulsion donnée à la transition vers la neutralité carbone aura un impact sur l’ensemble des entreprises et des investisseurs dans les prochaines décennies. Pour certaines entreprises comme les majors pétrolières, qui possèdent d’énormes actifs appelés à devenir obsolètes, le défi s’annonce considérable. D’autres entreprises investissent depuis des années dans les technologies plus vertes et, de ce fait, sont bien positionnées dans l’optique de la transition énergétique.
En définitive, les capitaux publics et privés afflueront vers ces entreprises qui mènent des actions concertées pour atteindre la neutralité carbone. Elles deviendront plus durables, plus résistantes et donc plus précieuses à long terme. Par conséquent, elles jouiront de coûts de financement inférieurs à ceux de leurs concurrentes moins vertueuses. La transition de l’économie mondiale vers la neutralité carbone ne fait que commencer : elle dictera les priorités d’investissement dans les décennies à venir.
Source : 1 Calastone, janvier 2021. 2 FT.com, What the US rejoining the Paris accord means for climate policy, 22 janvier 2021. 3 Columbia Threadneedle Investments, janvier 2021.
Andrea Carzana, gérant actions européennes, Columbia Threadneedle Investments
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