Il est fréquent qu’un portefeuille de valeurs mobilières(1) fasse l’objet d’un démembrement de propriété, on parle alors de compte-titre démembré(2). Ce type de situation résulte le plus souvent de l’ouverture d’une succession (choix par le conjoint survivant de l’usufruit légal ou conventionnel) ou d’une donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit au profit du donateur.
1 - Le fonctionnement
L’usufruitier comme le nu-propriétaire disposent de droits distincts :
• l’usus (le droit d’user de la chose) et le fructus (le droit de jouir de la chose) pour l’usufruitier,
• l’abusus (le droit de disposer de la chose) pour le nu-propriétaire.
Auparavant, ni l’usufruitier ni le nu-propriétaire ne pouvaient arbitrer seuls les titres, cette action étant considérée comme un acte de disposition. Cela rendait très difficile une gestion réactive du portefeuille car il fallait leur double consentement à chaque opération.
Afin de prendre en considération cette pratique boursière et d’en simplifier la gestion, l’arrêt Baylet (rendu par la Cour de cassation en 1998) a conféré au portefeuille de valeurs mobilières la nature d’une « universalité de fait ».
De cette manière, elle confère à l’usufruitier la possibilité d’effectuer seul les arbitrages, traités comme de simples actes d’administration, à la double condition de remployer le prix de cession dans d’autres valeurs mobilières tout en conservant la substance du portefeuille.
Le portefeuille de valeurs mobilières peut alors fonctionner sous la seule signature de l’usufruitier qui peut le gérer seul ou mettre en place un mandat de gestion.
2 - La répartition des fruits du portefeuille
L’usufruitier se voit attribuer l’intégralité des revenus liés aux valeurs mobilières. Il s’agit, le plus souvent, des intérêts des obligations(3) et des dividendes des actions. Il convient de veiller à ouvrir un compte spécifique à l’usufruitier qui recevra ces coupons.
3 - La répartition de la fiscalité des plus-values de cession
a - Le nu-propriétaire est le seul imposable au titre de la plus-value constatée à l’occasion des arbitrages réalisés par l’usufruitier. Toutefois, lorsque le démembrement a une origine successorale, sur option expresse et irrévocable formulée conjointement par le nu-propriétaire et l’usufruitier auprès de l’établissement financier teneur du compte, il est possible que cette plus-value soit imposable au nom du seul usufruitier.
b - La cession de valeurs génère une plus-value dont le redevable est selon les cas, soit le nu-propriétaire, soit l’usufruitier, soit les deux.
Trois situations sont à distinguer :
1. La cession conjointe des droits démembrés avec répartition du prix de vente(4). La plus-value alors dégagée est imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés en fonction de leurs droits respectifs(5).
2. La cession avec report du démembrement de propriété sur un autre bien. La plus-value générée est imposable au nom du nu-propriétaire.
3. La cession avec constitution de quasiusufruit. La plus-value générée est imposable au nom de l’usufruitier.
Il peut arriver que les intérêts de chacun divergent en matière de gestion et de paiement de l’impôt. L’usufruitier peut par exemple souhaiter percevoir des revenus afin de les appréhender et les consommer tandis que le nu-propriétaire, dans une optique long terme, souhaiterait capitaliser afin que le portefeuille se valorise.
Conseil : afin de réguler ces différences de points de vue, nous recommandons de mettre en place une convention aménageant les droits de chacun pour éviter tout problème de gestion, de perception des revenus, paiement des plus-values…
(1) obligations / actions / fonds communs de placement. (2) Le PEA est exclu de cette situation puisqu’il ne peut être détenu que par un seul titulaire. (3) Les obligations arrivées à terme au cours du démembrement peuvent faire l’objet d’un quasi-usufruit légal. (4) Ou de cession isolée de l’un des droits démembrés. (5) Au barème légal de l’article 669 du CGI ou au barème économique
Charles-Henry Perennes, Ingénieur patrimonial, COGEFI
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