Vontobel - Agriculture intelligente, production alimentaire durable – des champs ondulants aux portefeuilles

17/06/2021 - source : Patrimoine 24

« Le prix du lait a augmenté » est l’une des premières répliques de Meryl Streep dans le film « La Dame de fer » (2011), où elle incarne Margaret Thatcher. Ce chef-d’œuvre du cinéma réalisé par Phyllida Lloyd capture l’essence même de la pensée de l’ancienne Première ministre britannique, ancrée dans ses origines modestes, et retrace ses combats politiques sur la question des prix, qui étaient alors encadrés par l’Etat. Cette scène du film est empreinte d’humour, mais la hausse des prix des aliments n’a rien de drôle. Elle a d’ailleurs précipité la chute de rois et de gouvernements, depuis la Révolution française de 1789 jusqu’au Printemps arabe de 2010.

Les prix des aliments, notamment ceux des huiles végétales, du sucre et des céréales, ont récemment enregistré leur plus forte hausse depuis plus d’une décennie, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).1 C’est un coup dur pour les consommateurs et les gouvernements. La façon classique de gérer ce problème, en encadrant les prix des produits agricoles, n’est pas une solution à long terme. L’agriculture intelligente peut constituer une solution plus durable pour faire face à la flambée des prix et à la pénurie d’aliments. Cette expression fait référence aux techniques agricoles soucieuses de l’environnement et fondées sur les données qui englobent l’agriculture de précision (surveillance des champs grâce aux données pour détecter au plus tôt les anomalies comme les maladies et épandre de manière ciblée des engrais ou des pesticides), l’agriculture verticale (bacs de végétaux placés sur des étagères superposées) ou encore l’aquaculture (bassins piscicoles, par exemple). De plus, les entreprises à l’origine de ces évolutions peuvent non seulement lutter contre la faim dans les pays pauvres, mais aussi fertiliser les portefeuilles.

Plus de nourriture sans nuire à la biodiversité

En théorie, il y a suffisamment d’aliments pour nourrir tout le monde sur Terre. Et pourtant, la production devrait augmenter de 70% pour faire face à l’augmentation de la demande liée à la croissance démographique. En effet, la population mondiale atteindra 9,7 milliards d’individus à l’horizon 2050, selon une estimation de l’Organisation des Nations Unies (ONU).2 Dans le même temps, les agriculteurs sont confrontés à des obstacles nouveaux, et à d’autres qui ne datent pas d’hier : étendue limitée des terres arables, hausse de la demande d’eau douce, érosion des rendements agricoles et déclin de la biodiversité. Les conditions météorologiques extrêmes engendrées par le changement climatique n’arrangent rien. Outre la mobilisation internationale sur la question de la lutte contre le réchauffement de la planète, des initiatives voient le jour pour rendre l’agriculture plus durable en rompant avec la monoculture et l’utilisation des pesticides tout en réduisant le recours aux antibiotiques dans l’élevage.3 La stratégie « De la ferme à la fourchette » de l’UE, qui vise à porter la part de l’agriculture biologique à 25% d’ici 2030, contre 8% à l’heure actuelle, en est un bon exemple.4

Le marché mondial de l’agriculture intelligente avoisinera 23 milliards de dollars américains en 2022. Depuis 2017, il enregistre un taux de croissance annuel composé vertigineux de 19,3%, selon une estimation de BIS Research (cf. graphique 1). Les solutions de suivi et de gestion du bétail et l’agriculture en intérieur sont les segments de ce secteur qui enregistrent la croissance la plus forte (cf. graphique 2).

L’agriculture et la production alimentaire entrent dans une nouvelle ère

L’innovation dans le domaine de l’agriculture ne date pas d’hier et ne se résume pas aux techniques de production d’aliments. Par exemple, la nécessité de gérer les rendements agricoles et les profits des agriculteurs américains a donné naissance aux contrats à terme négociés au Chicago Board of Trade,5 rebaptisé plus tard Chicago Mercantile Exchange. La conversion en cours de l’agriculture au numérique crée de nouvelles possibilités pour les agriculteurs et les entreprises.

L’alimentation du futur repose notamment sur les cinq piliers suivants.

Agriculture numérique : Des circuits imprimés au soc de leur charrue, les agriculteurs utilisent de plus en plus de données, de capteurs et de robots spécifiques pour améliorer le rendement de leurs terres. Aux Etats-Unis, le recours à la technologie des satellites dans les vastes plaines du Midwest est désormais la norme. Le flux d’informations toujours plus important permet de planter, d’épandre des engrais et d’irriguer avec précision. Science des cultures, des végétaux et des animaux : L’agriculture et l’élevage sont en perpétuelle évolution. Si les cultures, les végétaux et les animaux d’élevage peuvent devenir plus résistants aux maladies ou au changement climatique, par exemple, les hommes en profiteront. Ce processus peut impliquer le recours au génie génétique dans le but de les doter de forces et de faiblesses spécifiques. Les cultures, les végétaux et les animaux sont ensuite sélectionnés soit pour préserver leur diversité génétique, soit pour améliorer leur qualité génétique. Agriculture en milieu contrôlé : Les végétaux sont cultivés dans un milieu fermé où les paramètres comme l’eau, la lumière, la température, l’humidité, le CO2 et la concentration d’éléments nutritifs peuvent être contrôlés. L’agriculture verticale, qui permet de produire des aliments à proximité ou au cœur des villes, en est un bon exemple. Santé animale et bien-être de l’homme: Des animaux d’élevage en bonne santé sont synonymes de consommateurs en meilleure santé. Cela suppose des solutions pour prévenir les maladies, améliorer le traitement des animaux et contrôler les épidémies. Les gens qui consomment moins, voire pas du tout, de viande peuvent opter pour les protéines végétales, dont le goût peut être amélioré au moyen d’ingrédients alimentaires. Les consommateurs qui souhaitent adopter une alimentation plus saine peuvent divulguer des données personnelles pour obtenir des recommandations spécifiques. Améliorer la chaîne d’approvisionnement alimentaire: La FAO estime que 30% de la production mondiale d’aliments destinés à la consommation humaine est perdue ou gaspillée tout au long de la chaîne d’approvisionnement en raison d’une production inefficiente et de problèmes logistiques.6 De plus, de grandes quantités d’aliments encore propres à la consommation sont jetés en raison de leur apparence guère attirante ou d’une mauvaise gestion des stocks. Il est possible de résoudre de tels problèmes grâce à des systèmes de suivi du gaspillage, par exemple.

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L’écosystème de l’agriculture intelligente recèle déjà un large éventail d’entreprises innovantes.

Dans le cadre de notre stratégie Global Impact Equities, nous nous sommes intéressés à Kerry Group, une entreprise basée en Irlande qui fabrique des ingrédients alimentaires et des arômes destinés au secteur de l’alimentation et des boissons. Cette entreprise est spécialisée dans les ingrédients naturels permettant de remplacer les ingrédients artificiels. Elle propose une vaste gamme de produits organiques d’origine végétale sans allergènes.

S’agissant de la stratégie 3-Alpha Megatrends, nous pouvons citer des exemples tels que Deere & Co, le principal fabricant d’engins agricoles au monde, qui détient la célèbre marque John Deere. Il commercialise également des équipements connectés et des logiciels permettant aux agriculteurs d’améliorer leur productivité et leur durabilité. Autre entreprise en portefeuille, peut-être moins connue : Corteva Agriscience, née de la scission de DowDuPont en 2019. Ses recherches consistent en partie à identifier les gènes désirables qui permettent aux végétaux de résister à des maladies ou de s’adapter à des types de climat spécifiques, avec à la clé un recours plus limité aux produits chimiques. Parmi les autres exemples, on trouve notamment DSM, une entreprise basée aux Pays-Bas spécialisée dans l’alimentation animale et humaine, ainsi que les ingrédients utilisés dans la fabrication d’aliments d’origine végétale, et Zoetis, un leader de la santé animale dont les produits s’adressent aux animaux d’élevage ainsi qu’aux animaux de compagnie.

Alimenter la réflexion en matière d’investissement

Que vous deveniez végétarien, que vous preniez goût à la viande sans antibiotiques ou que vous constituiez un portefeuille axé sur l’agriculture intelligente, les sujets de conversation à table ne manqueront pas. Dans tous les cas, les principaux ingrédients d’un plat savoureux seront au centre de votre attention. Et que ces derniers proviennent d’un champ, d’un bioréacteur ou d’un gérant de portefeuilles, vous aurez largement de quoi remplir votre estomac et, avec un peu de chance, vos poches aussi.

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Elena Tedesco, Portfolio Manager

Daniel Maier, Head of Thematic Investing, Senior Portfolio Manager

Pascal Dudle, Head of Listed Impact, Portfolio Manager

 

« Les prix mondiaux des produits alimentaires progressent à un rythme soutenu en mai », FAO, 3 juin 2021 2 « Growing at a slower pace, world population is expected to reach 9.7 billion in 2050 and could peak at nearly 11 billion around 2100 », Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 17 juin 2019 3 Selon l’OMS, le recours excessif aux antibiotiques chez les animaux d’élevage est l’une des principales causes de l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens qui favoriserait les infections résistantes aux médicaments chez l’homme. 4 « La stratégie "De la ferme à la fourchette" de l’Union européenne - pour un système alimentaire équitable, sain et adapté à l’environnement », Plateforme des connaissances sur l’agroécologie de la FAO « From Farm to Fork – controlling the safety of the agri food chain », dans une publication de la Commission européenne consacrée à la sécurité alimentaire https://en.wikipedia.org/wiki/Chicago_Board_of_Trade6 « Initiative mondiale de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires », FAO (2015) Lire également l’article « Food loss and waste in the food supply chain » écrit par les fonctionnaires de la FAO Maryam Rezaei et Bin Liu, Nutfruit, juillet 2017

 

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