Vers un marché actions moins directionnel et plus sélectif

21/04/2023 - source : Profession CGP

Par Stéphane Levy, stratégiste-responsable de l’innovation chez Chahine Capital

Après un fort rebond en début d’année, les prochains mois devraient être favorables à la génération d’alpha dans un marché qui a gagné en visibilité.

Le démarrage annuel du marché actions Europe a été très spectaculaire, avec une hausse de 8,5 % en seulement deux mois. Mais ça, c’était il y a un mois, avant que les déboires de la banque américaine SVB, puis de Credit suisse ne viennent provoquer une correction significative des indices, et notamment des valeurs bancaires. Cette correction met donc fin à la hausse quasi ininterrompue des indices depuis fin septembre 2022.

Marque-t-elle un retournement de tendance ou s’agit-il d’une simple consolidation, SVB servant de prétexte pour permettre à des indices « surachetés » de prendre une saine respiration ? C’est ce à quoi nous allons nous efforcer de répondre à travers le prisme des quatre piliers d’analyse de la méthode d’allocation d’actifs top-down de Chahine Capital.

Le redémarrage de la Chine est une bonne nouvelle pour la croissance mondiale

Notre indicateur de momentum économique Europe (cf. encadré) s’est fortement redressé depuis son plus bas de fin septembre. L’abandon soudain de la politique zéro Covid en Chine, la baisse de l’inflation qui semble avoir dépassé son pic, ainsi que la bonne tenue des résultats des entreprises ont eu un impact positif sur les indicateurs de confiance. Le retour d’une certaine visibilité sur le front macroéconomique est une bonne nouvelle, tout comme la résilience surprenante de l’économie. On constate que l’amélioration est généralisée : c’est très spectaculaire en Chine et dans une moindre mesure aux Etats-Unis.

En parallèle, le consensus top-down des économistes a renversé une tendance pesante depuis l’invasion de l’Ukraine et révèle depuis le début de l’année d’importantes révisions à la hausse.

La croissance du PIB attendue en zone euro en 2023 est désormais de +0,4 %, contre - 0,1 % prévu en début d’année, il y a à peine plus de deux mois. Aux Etats-Unis, c’est + 0,8 %, contre + 0,3 % en début d’année. Cette amélioration de l’environnement est évidemment un bon signal pour la classe d’actifs actions à moyen long terme, même si beaucoup a déjà été fait depuis six mois, ce qui réduit l’espérance à court terme. D’autant plus que les récentes turbulences autour des valeurs financières pourraient remettre en cause, au moins pour un certain temps, le scénario vertueux de la reprise économique.

La remontée du momentum économique est également un excellent signal pour l’espérance d’alpha (surperformance) de l’approche active de la gestion actions mise en œuvre par Chahine Capital.

La corrélation entre notre indicateur de momentum économique et l’alpha de la stratégie Digital Stars est manifeste. A cet égard, nous nous trouvons dans le moment a priori idoine pour s’intéresser à la stratégie Digital Stars pour son espérance d’alpha. En effet, si l’on observe historiquement le comportement de la stratégie au moment où le momentum économique touchait un bas on se rend compte que l’alpha généré dans les dix-huit mois qui suivent est plus de trois fois supérieur à l’alpha annualisé généré depuis vingt-cinq ans (+ 3,9 % annualisé, du 13 novembre 1998 au 28 février 2023).

Banques centrales : la ligne rouge à ne pas franchir est désormais connue

Le deuxième de nos piliers d’analyse porte sur la politique monétaire mise en œuvre. Comme anticipé, les banques centrales ont vite réagi à la hausse de l’inflation en montant les taux de manière impressionnante. Et elles ont eu raison de le faire car le seul moyen de contrer une inflation qui s’emballe est de provoquer une récession. C’est ce que l’histoire économique nous enseigne.

La bonne nouvelle, c’est que cela a commencé à porter ses fruits, puisque l’inflation a sensiblement reflué des deux côtés de l’Atlantique, surtout lors du dernier trimestre 2022.

Par ailleurs, et plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine, la contribution à l’inflation des facteurs exogènes que sont l’alimentaire, l’énergie et le transport maritime est désormais négative, ce qui devrait avoir un impact positif sur les prochaines publications. Enfin, les déboires récents de la Silicon Valley Bank, puis de Credit suisse, montrent à quel point le durcissement monétaire a été sévère, et devraient inciter la Fed et la BCE à « calmer le jeu ». A cet égard, la Fed a fait croître son bilan de 300 milliards de dollars (soit près de 278 milliards d’euros, ndlr) depuis début mars, pour faire face aux besoins de liquidités des banques.

La mauvaise nouvelle est que, depuis peu, les chiffres d’inflation déçoivent, notamment pour la composante core (hors alimentaire et énergie). Et là, très clairement, on doit constater un échec relatif des banques centrales face au marché de l’emploi qui se montre trop résilient.

Le plein-emploi est en effet incompatible avec une baisse de l’inflation core, et c’est ce qui se reflète dans la hausse récente du niveau d’inflation anticipé à un an aux Etats-Unis par les investisseurs obligataires, même si cela reste modeste. Les craintes récentes entourant les secteurs financiers devraient, par ailleurs, aider et rendre service aux banques centrales dans leur combat anti-inflation.

Dans ce contexte, la volatilité du marché obligataire a été très élevée depuis le début de l’année.

Jusqu’à début mars, ce sont la fermeté de l’inflation core, la résilience de l’emploi et le rebond du momentum économique qui dominaient les esprits, provoquant un report dans le temps des pivots accommodants des banques centrales, ainsi qu’une hausse des taux, quelle que soit leur duration. En à peine plus de deux mois, le taux terminal anticipé de la BCE et de la Fed avait grimpé de plus de 50 bps, tout en étant reporté d’environ trois mois.

Depuis début mars, et les déboires de SVB, on observe un brutal retour en arrière. La Fed vient de découvrir la ligne rouge à ne pas franchir dans son resserrement monétaire. Ce qui est désormais anticipé est une pause dans la hausse des taux des deux côtés de l’Atlantique pour réduire le stress, voire une première baisse des taux aux Etats-Unis qui serait déclenchée dès cet été. Il est désormais probable que la hausse de 25 points de base de la Fed lors de la réunion du 23 mars soit la dernière. Cette volatilité du marché obligataire a ponctuellement pesé sur les indices boursiers, mais finalement la baisse récente des taux combinée à celle des indices redonne du potentiel en termes de valorisation. C’est ce que nous allons voir à travers notre troisième pilier d’analyse qui est la valorisation.

Un marché actions européen à « Fair Value » fin février pour la première fois depuis 2008

Comme souvent, la valorisation redevient un moteur de performance quand la visibilité générale s’améliore, et c’est exactement ce qu’il s’est passé depuis fin septembre.

La forte décote du marché européen a été résorbée, puisque la prime de risque de l’indice Stoxx Europe a rejoint, fin février, pour la première fois depuis la crise de Lehman, sa moyenne historique de 5 %.

Le marché avait donc atteint sa Fair Value, et la correction observée en mars apparaît ainsi légitime sous l’angle de la valorisation.

La bonne nouvelle, c’est que depuis fin février, la baisse des indices combinée à la baisse des taux longs, en raison des déboires de SVB puis de Credit suisse, reconstitue la prime de risque. Les indices actions européens redeviennent fondamentalement attractifs.

La deuxième bonne nouvelle vient de l’inflexion positive des prévisions de bénéfices par les analystes financiers, dans le sillage des révisions haussières du consensus top-down des économistes que nous avons mis en avant dans le premier de nos piliers d’analyse. Cela devrait également contribuer à rendre la prime de risque plus attractive et la classe d’actif actions Europe stratégiquement incontournable.

Si l’on porte un regard plus granulaire sur le marché, notamment à travers l’observation des différents segments stylistiques, on constate que la Value reste encore sous-valorisée par rapport à ses standards historiques (cf. graphique « Primes de risque par styles : la Value demeure sous-évaluée »). Comme on peut le voir sur le graphique, la prime de risque offerte par notre indice propriétaire Value est encore sensiblement plus généreuse que la moyenne historique, et ce malgré la forte surperformance de ce style de valeurs depuis novembre 2020 et la découverte des vaccins.

Le style « Croissance », quant à lui, propose un surcroît de croissance bénéficiaire au-dessus des niveaux habituellement constatés et profite de la réouverture de l’économie chinoise.

En conclusion, le marché dans son ensemble redevient légèrement sous-évalué et devrait continuer d’être fondamentalement soutenu par des révisions à la hausse du consensus des analystes. La Value et la « croissance » restent les segments les plus attractifs en termes de valorisation à l’inverse du style « visibilité », même si les écarts se sont sensiblement réduits depuis quelques mois.

La tendance reste haussière à ce stade

Abordons maintenant notre quatrième et dernier pilier d’analyse qui traite des aspects comportementaux.

La tendance est haussière pour les indices actions car la majorité d’entre eux évoluent au-dessus de leur moyenne mobile deux cents jours, en particulier en Europe. Le défi à court terme est de rester au-dessus de ce niveau, afin de ne pas briser la tendance haussière d’un point de vue chartiste. Par ailleurs, le support séculaire de l’indice Stoxx Europe a « tenu » fin septembre et la configuration technique reste haussière à long terme.

La bonne nouvelle est que la configuration en « drapeau » suggère qu’à un moment donné la ligne oblique en pointillé du haut sera atteinte, la mauvaise nouvelle est que le support séculaire pourrait à nouveau être testé.

Enfin, un dernier mot sur l’espérance d’alpha de la stratégie Digital Stars. Cette dernière est une mécanique mise en œuvre de manière systématique et qui dispose d’un track-record long de près de vingt-cinq ans, ce qui permet d’avoir un certain recul sur son comportement.

Ainsi si l’on observe la distribution de la surperformance (ou alpha) cinq ans, on constate que, dans 94,7 % des cas, la stratégie devance son indice de référence dividende réinvestis.

Ce qui est intéressant dans le contexte actuel, c’est d’observer cette même distribution de l’alpha cinq ans lorsque l’on investit après que la stratégie ait sous-performé, à l’instar de ce que nous vivons actuellement après un exercice 2022 compliqué.

On se rend compte que la distribution de l’alpha est améliorée dans un tel cas. La probabilité de faire des alphas importants est augmentée, celle de faire des alphas faibles est diminuée. Alors qu’en temps normal, la probabilité de réaliser un alpha cumulé cinq ans supérieur à 30 % est d’environ 50 %, elle s’élève à près de 75 % quand on investit après un drawdown relatif de - 10 % ou pire.

Conclusion

La puissante hausse observée depuis septembre dernier avait ponctuellement mis fin à la sous-évaluation marquée des actions européennes, ce qui justifie pleinement la correction du mois de mars. Cette baisse permet de reconstituer la prime de risque et une réserve de performance future pour les actions européennes. Toutefois, la bataille contre l’inflation n’est pas encore gagnée, et les « permabears » se réveillent d’une longue léthargie, en même temps que les craintes systémiques concernant le secteur financier. Pour autant, la crise de SVB, puis de Credit suisse, a le mérite de faire prendre conscience de la ligne rouge à ne pas franchir pour les banques centrales dans la hausse des taux. C’est pourquoi la dimension court-terme est probablement moins porteuse qu’il y a quelque temps, et il ne serait pas étonnant de voir les indices européens évoluer de manière plus horizontale dans les prochains mois. Dans ce contexte, le principal contributeur à la performance des fonds Digital Stars pourrait être l’alpha dans les prochains mois. Le retour d’une certaine visibilité, combiné au rebond du momentum économique ouvre traditionnellement la voie à une séquence rémunératrice pour l’approche active de la gestion de Chahine Capital via le momentum.