Le 7 décembre dernier, le groupe Cyrus et Maison Herez annonçaient leur fusion, qui devrait être finalisée à la fin du premier trimestre. Leurs dirigeants respectifs, Meyer Azogui et Patrick Ganansia, nous présentent les raisons de ce rapprochement et leur vision du marché, et dévoilent leurs ambitions pour ce nouvel ensemble, indépendant, qui dépasse les 16 milliards d’euros d’encours et plus de cinq cents collaborateurs.
Investissement Conseils : En fin d’année dernière, vous annonciez votre future union. Pour quelles raisons décidez-vous de réunir vos deux sociétés ?Meyer Azogui : Cette fusion est une évidence industrielle qui repose sur des complémentarités fortes des deux entreprises, et sur deux entrepreneurs qui se connaissent et s’apprécient de longue date. Jusqu’à présent, cette fusion n’avait pas pu se concrétiser, pour plusieurs raisons:des sujets de gouvernance, de parité ou d’agenda de fonds d’investissement. Cette fois-ci, toutes les planètes étaient alignées.Cette opération répond à un triple constat:le marché de la gestion privée va poursuivre son développement; le mouvement de consolidation n’en est qu’à ses débuts; et la nécessité de représenter un certain volume est de plus en plus prégnante pour faire face à la complexité des produits, pour mieux servir nos clients et pour des questions réglementaires. Avoir une taille importante permet aussi de sécuriser nos offres, de défendre nos clients face aux fournisseurs, de rendre accessible certaines solutions, notamment en immobilier, en Private Equity, ou pour construire des produits structurés.
Quelle est l’importance de la marque dans votre univers ?Patrick Ganansia : Nous sommes convaincus de l’importance de l’effet «marque»pour la reconnaissance de la profession, mais aussi et surtout pour nos clients. L’absence de plusieurs grandes enseignes importantes est un manque criant, aussi bien auprès des clients que des talents qui pourraient nous rejoindre. Pour l’activité gestion de patrimoine, le «Wealth», nous officierons sous la marque Cyrus-Maison Herez, avant de définir ce que sera notre nouvelle marque.
Que représente l’union de vos deux sociétés d’un point de vue chiffré ?P. G. : L’union de nos deux structures nous permet d’atteindre plus de 16 milliards d’euros de capitaux conseillés (5,5 milliards d’euros d’actifs pour la Maison Herez et plus de 11 milliards d’euros pour Cyrus), un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros et cinq-cent-dix collaborateurs. Parmi ces derniers, cent-cinquante sont des experts de la gestion de patrimoine, en relation quotidienne avec la clientèle. Les trois-cent-soixante collaborateurs restants constituent les fonctions supports:expertises patrimoniales ou d’investissements, équipe digitale, spécialistes immobiliers, actions, obligations, supports réglementaires, administratif, entre autres, afin d’offrir la meilleure qualité de service possible à nos clients. Nous compterons par exemple une vingtaine de personnes à l’ingénierie patrimoniale et vingt-cinq sur la sélection des offres d’investissements.M. A.: Penser satisfaction client nous guide dans nos choix quotidiens. Nous souhaitons rester sur un schéma artisanal dans la relation que nous entretenons avec nos clients, tout en disposant d’expertises fortes sur l’ensemble des classes d’actifs.
Comment se décompose votre capital désormais ?M. A. : Bridgepoint continue de nous accompagner, à hauteur de plus de 20 % du capital – et 7 % pour Allinvest. Ce qui est exceptionnel, c’est que 73 % du capital est détenu par les collaborateurs de notre groupe, avec plus d’un salarié actionnaire sur deux. Par ailleurs, nous disposons toujours d’une ligne de financement octroyée par Ardian. Le calendrier fixé avec Bridgepoint prévoit une sortie du fonds, fin 2025. En revanche, Florac (actionnaire minoritaire de Maison Herez depuis 2020) sortira au moment de notre fusion.P. G. : Il est rare de pouvoir grandir aussi vite, tout en contrôlant la majorité du capital; c’est une de nos grandes satisfactions et notre volonté est de maintenir ce modèle le plus longtemps possible.
Où en êtes-vous de votre maillage territorial ? Comptez-vous internationaliser votre activité ?M. A. : Nous ne raisonnons pas en termes de maillage territorial, mais plutôt en termes de pouvoir d’attraction des talents, qu’il s’agisse de professionnels déjà installés, ou qu’ils proviennent d’autres établissements financiers et souhaitent rejoindre une structure indépendante. Nous avons encore beaucoup de fauteuils libres pour des professionnels motivés qui veulent nous rejoindre. Le sujet de l’international sera peut-être ouvert, mais exclusivement aux pays francophones, comme la Suisse, la Belgique ou le Luxembourg.
Avez-vous une politique RSE ?P. G. : Nos deux sociétés reposent sur le même ADN et nous développons avec nos collaborateurs, dont beaucoup sont actionnaires, une politique RSE, comme Amplegest, qui redistribue chaque année 1 % de son chiffre d’affaires à diverses oeuvres, ou encore des salariés qui donnent de leur temps. Maison Herez est également très impliqué dans le domaine philanthropique et artistique.
Cette opération va-t-elle ralentir le rythme de vos acquisitions ?P. G. : Nous restons toujours en position acheteuse. Maison Herez a récemment acquis un cabinet lillois, groupe Espace, et Cyrus a fait l’acquisition de DLCM Finances, basé à Limoges, Arcachon et Paris. Par ailleurs, nous avons quelques sollicitations, notamment en province. Nous serons très sélectifs quant aux structures qui nous rejoignent. Elles doivent partager notre ADN, nos valeurs et être compatibles avec notre stratégie. Il peut s’agir de dirigeants qui partent à la retraite et qui réalisent la passation de leur clientèle sur six à vingt-quatre mois, de professionnels indépendants qui souhaitent simplement s’adosser ou nous rejoindre, ou encore des professionnels d’établissements financiers en quête d’une aventure entrepreneuriale.
En pesant plus de 16 milliards d’euros d’encours, comptez-vous internaliser davantage vos expertises produits ?M. A. : Nous sommes et resterons des professionnels indépendants du conseil en gestion privée. Disposer d’un tel volume d’actifs conseillés nous permet avant tout d’avoir accès à des solutions d’investissements plus différenciantes, notamment dans le domaine du Private Equity comme avec Cathay Capital qui nous accorde l’exclusivité de commercialisation d’un fonds de capital-investissement.Nos manufactures (Amplegest, Fourpoints, Octo AM, Eternam) n’opèrent qu’à une seule condition : améliorer la qualité de service apportée aux clients ou offrir une opportunité innovante dans la gestion ou l’offre.En matière de gestion d’actifs cotés, Fourpoints IM et Amplegest vont fusionner, tandis qu’Octo Asset Management reste notre société de gestion dédiée à l’obligataire. En immobilier, Eternam est notre structure dédiée à la conception de produits immobiliers (clubs deal et fonds), tandis que Herez Real Estate est notre entité d’administration de biens.
Comptez-vous mettre l’accent sur l’externalisation de la distribution de l’offre de ces sociétés ?M. A. : Nous souhaitons faire croître notre distribution auprès de nos confrères conseillers en gestion de patrimoine et les institutionnels.Les fonds obligataires datés d’Octo Asset Management ont notamment rencontré un franc succès ces derniers mois, ainsi que le fond Pricing Power d’Amplegest. En revanche, la distribution externe reste encore confidentielle pour Eternam, mais est vouée à progresser.
Comment appréhendez-vous la fusion informatique de vos structures ?P. G. : C’est l’un de nos principaux chantiers dans les mois à venir. Un certain nombre d’outils communs sont déjà utilisés par les deux équipes et nous continuerons de nous appuyer sur des partenaires externes.Mais l’informatique est un terme très réducteur, c’est tout l’univers digital que nous devons penser repenser:le CRM [ou gestion de la relation client, Customer Relationship Management, ndlr], l’agrégation, l’expérience client… Des chantiers primordiaux et en même temps sans fin !Comptez-vous lancer une offre «full digital»de gestion de fortune ?M. A. : Le digital est pour nous un moyen d’agir avec plus de rapidité et d’offrir plus d’autonomie au client final, quelle que soit sa taille.Bien évidemment, la technologie prend de plus en plus de place dans la relation client, mais il ne s’agira pas de créer une offre spécifique, même si certains produits sont aujourd’hui accessibles en « full digital ».