Lancée en 2019, la PropTech Gridky a levé 4 millions d’euros en mars dernier pour accélérer le développement de sa plate-forme digitale de comparaison et d’agrégation de biens immobiliers neufs, à destination des professionnels de l’immobilier. Son ambition:devenir l’outil de référence pour les particuliers, les gestionnaires de patrimoine, les banques ou les courtiers, et continuer à mettre le Big Data au service de l’investissement dans la pierre. Entretien avec Mathieu Morio, CEO et cofondateur de Gridky.
Investissement Conseils : La start-up Gridky allie la technologie, et notamment le Big Data, à l’immobilier. Comment cette idée est-elle née ? Mathieu Morio : Avec mon associé Tristan Seguin, nous avions identifié, depuis plusieurs années, un certain nombre de problématiques et de besoins des professionnels de l’immobilier auxquels la technologie pouvait répondre. Nous avons décidé de créer une plate-forme digitale de référence qui soit au service des CGP, mais également des banquiers, des vendeurs et des courtiers, et qui travaille main dans la main avec les promoteurs immobiliers. Avant le lancement de Gridky, nous avons élaboré une phase d’écoconception avec les gestionnaires de patrimoine afin de les impliquer dans cette démarche. Nous voulions produire un outil, avec et pour eux, en tenant compte de leurs contraintes et de leurs attentes. Dès le départ, nous avons investi massivement sur la technologie en recrutant une équipe d’une vingtaine de personnes expertes en Big Data. Notre objectif n’était pas de fournir une solution cosmétique pour seulement améliorer l’expérience client, mais un vrai outil qui simplifie les actions au quotidien.
Quelles étaient les failles à combler ?Il y avait, d’abord, une étroitesse de l’offre sur les plates-formes digitales existantes qui pénalisait les opérateurs, assortie d’un manque de fiabilité des stocks présentés sur Internet. Ensuite, les solutions de simulations financières nécessitaient d’être simplifiées afin de faciliter la prise en main des CGP et des clients finaux. Les professionnels ont besoin d’outils efficaces et ergonomiques pour fournir des présentations commerciales élaborées, sur lesquelles repose leur argumentaire de vente auprès des particuliers. Il fallait, en outre, améliorer leur capacité à choisir les biens les plus intéressants et répondant parfaitement à la stratégie d’investissement de chacun.
Comment répondez-vous à tous ces points de tension ?Premièrement, pour élargir l’offre de biens, nous incluons au maximum les promoteurs. Ils sont plus de cent trente à collaborer aujourd’hui avec Gridky et bientôt cent cinquante, nous permettant de proposer plus de trente-cinq mille biens référencés, couvrant toutes les typologies d’investissement:résidences principales, investissement locatif, Pinel, résidences gérées LMNP, nue-propriété, monuments historiques, Malraux ou déficit foncier.Deuxièmement, afin d’assurer la qualité et la fiabilité de l’offre sur notre plate-forme, nous avons fait le choix de ne pas nous appuyer uniquement sur le flux des promoteurs, mais de le recouper avec les informations diffusées sur leur extranet, où sont mis à jour les lots promotionnés. Grâce à cela, nous avons développé une capacité unique sur le marché de mise à jour des stocks en temps réel. Ce grand chantier technologique mobilise une dizaine de personnes depuis deux ans.Troisièmement, la sélection des biens s’appuie sur un scoring agrégeant huit millions de données qui permettent d’évaluer l’emplacement du bien sur la base de données de géolocalisation publiques. Toutes ces données sont exploitées selon les critères d’évaluation propres à chaque type d’investissement. Pour un Pinel, la rentabilité locative, l’attractivité du quartier et la plus-value à la revente seront ainsi mises en valeur quand la qualité du gestionnaire et la capacité à remplir la résidence seront privilégiées pour un LMNP en résidence gérée. Hiérarchisés dans un système de pondération croissante, ces critères donnent lieu à une note globale qui donne aux CGP une idée précise et complète de la qualité d’un lot, tout en tenant compte des préférences de leurs clients.Quatrièmement, nous avons produit en interne notre propre simulateur financier qui limite le nombre de saisies manuelles. Celui-ci est intégré dans les stocks, donc disponible en un seul clic. La restitution du travail de projection financière et fiscale généré par cet outil a été pensée pour être la plus claire et lisible possible. Elle comprend un bilan patrimonial, l’analyse du bien immobilier selon les critères définis et les informations financières relatives à l’investissement. Ce document, qui assoit le professionnalisme du vendeur, comporte son logo et sa charte graphique, à l’image de sa société.
Qui dit data, dit nécessité de transparence : comment abordez-vous cette question ? En effet. Nous plaçons au coeur de notre solution l’intérêt de l’investisseur final et nous lui fournissons, en toute transparence, des textes explicatifs sur chacun des critères de sélection d’un bien. Nos outils ont été conçus pour sécuriser les choix opérés par le CGP et appuyer son discours de vente. A partir de cette base de données objectives et lisibles, il n’est guère possible de se tromper sur la qualité des lots proposés et sur le scoring affiché. C’est un gage de confiance pour les professionnels qui apportent aux investisseurs une photographie du bien totalement en phase avec la réalité du marché. Notre plate-forme possède, par ailleurs, une version ouverte au grand public, mais anonymisée, où les noms des promoteurs et des programmes ne figurent pas. Cet espace a vocation à générer du lead auprès de nos abonnés et d’enrichir leur portefeuille de clients. Enfin, et cela mérite d’être souligné, nous ne prélevons aucun frais d’implémentation aux promoteurs pour la mise en ligne de leurs offres sur notre plateforme… Quant aux CGP, l’abonnement est au tarif de 50 euros par mois. Notre modèle économique s’appuie également sur d’autres sources de revenus, telles que les commissions perçues sur les ventes réalisées et la vente de leads.
Quelles ambitions servira votre première levée de fonds ?Le tour de table de 4 millions d’euros, orchestré par la banque d’affaires de Pax Corporate Finance, a été bouclé auprès du groupe Vilavi, en mars dernier, pour accélérer le développement de notre panel de promoteurs, continuer à améliorer le scoring des biens présentés et concevoir de nouvelles fonctionnalités liées à la recherche cartographique ou au paramétrage de notre simulateur financier. Nous allons également affiner et inventer d’autres outils de productivité pour les CGP. Pour mener à bien ces chantiers, nous prévoyons de recruter une dizaine de personnes supplémentaires. En 2021, nous avons multiplié par douze le nombre d’utilisateurs et par six notre revenu récurrent. En 2022, nous avons atteint le millier d’abonnés. D’ici à trois ans, nous visons un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros. Dans cinq ans, nous nous voyons comme la plate-forme de référence du marché, s’adressant à tous les opérateurs de l’immobilier neuf.
Qu’est-ce qui fait votre valeur ajoutée ?Notre positionnement clair sur le marché:servir les intérêts du marché en respectant les objectifs des investisseurs. L’immobilier neuf a produit beaucoup de programmes de qualité, mais a connu aussi des déboires par le passé, avec de mauvaises opérations mal calibrées. Pour le bien de tous, il faut faire en sorte que cela ne se reproduise plus et que chaque acteur y trouve son compte. Nous voulons avoir un impact sur la revalorisation globale du marché et faire en sorte qu’il propose des opérations saines, basées sur des fondamentaux solides. D’autre part, notre expertise technologique et notre maîtrise des nouvelles technologies font notre principale force.
Comment voyez-vous évoluer le marché du neuf ?C’est un marché qui se situe à la croisée de deux mouvements opposés qui convergent, à la fois sous l’effet cumulé de toutes les crises – Covid, guerre en Ukraine, pénurie de maind’oeuvre et de matières premières – d’un contexte électoral propice à l’attentisme et à la montée de la conscience écologique qui contraint, notamment à travers la non-artificialisation des sols, les projets immobiliers et les complexifient. Les volumes de la construction ont chuté de 20 % en 2021, tandis que les besoins en logements neufs sont massifs et que les pouvoirs publics cherchent des solutions pour accélérer la production de solutions d’habitation. Cette pression va nécessairement contribuer à une poussée de l’offre en logements neufs, mais le contexte actuel rend difficile à anticiper l’avenir. Raison de plus pour que les promoteurs s’adossent à un partenaire comme nous, qui facilite et fluidifie les transactions immobilières, contribuant de cette façon au dynamisme du marché.