Une gestion mesurée et durable

09/07/2024 - source : Gestion de Fortune

sienna

Interview de François Dossou, Directeur Gestion Actions Listed Asset, du fonds Sienna Actions Bas Carbone ISR, chez Sienna IM

Quelle approche de gestion avez-vous retenue pour le fonds Sienna Actions Bas Carbone ISR ?

Le fonds, qui a été créé il y a quatre ans, est investi sur des valeurs de la zone euro. Il répond à un double objectif de performance financière et extra-financière sur une durée de placement de cinq ans. Il s’agit d’une gestion de conviction engagée vers la décarbonation de l’économie. Plus spécifiquement, l’objectif extra financier est de réduire d’au moins 40 % l’intensité carbone moyenne pondérée du portefeuille par rapport à notre indice de référence, le MSCI EMU NET RETURN. Cette trajectoire de l’évolution de l’intensité carbone du fonds est en adéquation avec le rythme de décarbonation des économies voulu par l’Accord de Paris, soit le constat d’une réduction de 7 % par an de l’intensité carbone du fonds. Bien sûr,ces objectifs extra-financiers sont pris en considération sans compromis sur la recherche de performance du fonds.

Qu’est-ce que l’intensité carbone ?

L’intensité carbone se définit comme le résultat, pour chaque émetteur, du rapport entre ses émissions annuelles de tonnes d’équivalent en dioxyde de carbone et ses revenus annuels consolidés. Ce calcul se fait sur la base des données collectées annuellement par Trucost, l’un de nos fournisseurs de données.

Comment est structurée votre équipe et quelle est l’approche de gestion financière que vous avezretenue ?

L’équipe de gestion, que je dirige, est composée de quatre personnes. Nous mettons en œuvre une gestion de conviction fondamentale en combinant analyses top down et bottom up et en appliquant une approche GARP. Autrement dit, nous recherchons la croissance à un prix raisonnable (growth at reasonnable price). En nous appuyant sur plusieurs ressources externes d’analyse et de recherche, nous nous répartissons les différents secteurs d’activité de telle sorte que chaque membre de l’équipe puisse développer une expertise forte. Nous prenons ensuite nos décisions d’investissement de manière collégiale.

Pour chaque entreprise, comment appréhendez-vous l’intensité carbone ?

Nous l’appréhendons à la fois de manière statique et dynamique. Nous analysons bien entendu l’intensité carbone des entreprises au moment où nous traitons un dossier mais nous accordons également beaucoup d’importance à la trajectoire qu’empruntent les entreprises sur la durée. Depuis son lancement, Sienna Actions Bas Carbone ISR a réalisé à fin décembre 2023, une réduction moyenne annualisée de près de 10 %, au-delà des normes de place (Indices Paris Aligned Benchmark). Pour bien comprendre chaque dynamique, nous sommes attentifs à l’évolution de la règlementation mais aussi aux types d’innovations déployées et à leurs mises en œuvre par les entreprises, ce qui leur permet de faire évoluer les systèmes de production dans le bon sens.

Quelle place occupent les critères ESG dans votre processus de sélection de valeurs ?

L’idée est de sélectionner les entreprises les plus vertueuses d’un point de vue ESG. Pour ce faire, nous nous concentrons, comme évoqué, sur les aspects environnementaux et climatiques, mais aussi sur les critères sociaux et de gouvernance. Ces derniers ne peuvent en effet pas être occultés car nous avons l’ambition d’accompagner une transition environnementale empreinte de justice sociale. Notre univers d’investissement est d’ailleurs défini, au moyen d’une approche best in class, avec l’aide de l’équipe ISR de Sienna IM.

Qu’implique le choix de l’approche best in class sur le portefeuille ?

Cela signifie que nous sélectionnons les entreprises qui font le plus d’effort pour s’engager dans la transition sans exclure aucun secteur, y compris les plus carbo-intensifs. Bien sûr, nous procédons en amont à des exclusions normatives, conformément à nos engagements et à notre labélisation. Sont ainsi, par exemple, exclues les entreprises qui sont actives dans les domaines des énergies fossiles non conventionnelles, de l’armement controversé, du tabac ou encore du charbon. Dans la mesure où nous combinons analyses top down et bottom up, nous sommes en mesure de calibrer au plus juste l’équilibre sectoriel du portefeuille et d’ajuster l’allocation d’actifs lorsque cela est nécessaire. En retenant tous les secteurs, nous appréhendons le monde tel qu’il est sans occulter la réalité économique. Nous reconnaissons à chaque entreprise retenue pour figurer dans le portefeuille son utilité sociale et sa capacité à s’inscrire dans une dynamique favorable à tous. Chacune d’elles contribue à la réduction de l’intensité carbone de l’économie en fonction des efforts qu’elle fournit. Il est donc important pour nous de mesurer au plus juste l’étendue de ces efforts, ce qui est rendu possible grâce aux données fournies par plusieurs organismes partenaires tels que Trucost, le CDP ou encore Sustainalytics.

Quel est le profil du portefeuille qui résulte de toutes ces démarches ?

Il résulte de ces exclusions et analyses un univers investissable d’environ 400 valeurs de la zone euro au sein desquelles nous sélectionnons les 60 à 80 titres qui composent le portefeuille. Celui-ci est géré activement par rapport à notre indice de référence en visant une performance robuste. Le fait de ne pas exclure certains secteurs nous permet d’éviter d’éventuels biais de gestion potentiellement pénalisants. En quatre ans, nous sommes ainsi parvenus à délivrer une surperformance régulière par rapport à notre indice de référence, le parcours du fonds étant en parfaite cohérence avec la gestion mesurée que nous avons déployée.

Quel regard portez-vous sur le contexte de marché actuel ? Quel impact a-t-il sur votre gestion ?

L’environnement économique européen, qui a tendance à s’améliorer, milite pour un retour en grâce des valeurs cycliques avec, notamment, le secteur de la chimie et, plus globalement, ceux de l’industrie et des services aux collectivités. Or, nos objectifs, en matière d’intensité carbone, sont plus faciles à atteindre lorsque les sociétés de service et, d’une manière générale, celles à faible intensité carbone ont le vent en poupe. En termes de valorisations, nous estimons que le marché européen peut continuer à bien se comporter, du fait de la perspective de baisse des taux. Celle-ci aura un impact positif, les entreprises pouvant se financer dans de meilleures conditions. Les investisseurs, quant à eux, arbitreront leurs positions monétaires vers les marchés actions, d’autant que l’attrait pour les entreprises européennes augmente avec les perspectives d’une amélioration macroéconomique. Nous privilégions ainsi les valeurs en retard de valorisations comme la chimie après une période de déstockage et les valeurs technologiques, tels que les semis conducteurs exposées à l’industrie et aux biens de consommation, à l’instar d’Infineon ou de STM.

  

TB