Une expertise forte sur un thème porteur

13/07/2024 - source : Gestion de Fortune

LBP AM tocqueville

Interview de Alvaro Ruiz-Navajas et Pierre Schang, Gérants du fonds Tocqueville Biodiversity ISR, chez La Financière de l’Echiquier – Groupe LBP AM

Vous êtes les co-gérants du fonds Tocqueville Biodiversity ISR. Quelles sont ses principales caractéristiques ?

Il s’agit d’un fonds labellisé ISR investi, au niveau mondial, dans des entreprises responsables. Plus spécifiquement, il s’agit d’entreprises apportant des solutions pour réduire l’impact des activités humaines;sur la biodiversité ou ayant engagé leur transition pour que leurs biens et services aient moins d’impact sur les écosystèmes. Il est géré activement, sans contrainte géographique, sectorielle ou de capitalisation. Notre démarche est basée sur des aspects scientifiques afin d’éviter toute subjectivité.

Que recouvre la notion de biodiversité ?

Selon la définition de l’Office français de la biodiversité, elle recouvre l’ensemble des êtres vivants, les écosystèmes dans lesquels ils vivent, ainsi que les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux.

Comment est structurée l’équipe de gestion ?

Au sein du Pôle impact et environnement de La Financière de l’Echiquier, filiale du groupe LBP AM, notre équipe de six gérants est en charge d’une gamme thématique qui compte six stratégies de finance responsable pour environ 2 Md€ d’encours gérés (au 31 mai 2024). Nous sommes épaulés par l’équipe Solutions ISR qui regroupe dix experts thématiques et fonctionnels, dont notre analyste biodiversité.

Comment identifiez-vous les activités qui nuisent à la biodiversité ?

L’IPBES1, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, a défini cinq points de pressions qui contribuent à l’érosion de la biodiversité, dont quatre sont abordés par Tocqueville Biodiversity ISR : la dégradation et fragmentation des habitats naturels, les enjeux liés aux espèces exotiques invasives, la surexploitation des ressources et, enfin, la pollution. Le 5e facteur, le changement climatique, est adressé par d’autres fonds de notre gamme, Tocqueville Global Climate Change ISR et Tocqueville Environnement ISR. Echiquier Climate & Biodiversity Impact Europe couvre quant à lui les cinq facteurs.

Comment appréhendez-vous ces différents facteurs dans le fonds Tocqueville Biodiversity ISR ?

Nous avons recours à trois leviers complémentaires. Le premier concerne les exclusions. Elles portent sur des secteurs, comme l’extraction minière, dont l’activité exerce des pressions négatives sur la biodiversité, sans moyen de correction possible. Nous excluons aussi les secteurs jugés non pertinents sur ce thème, banque, assurance ou encore télécommunications. Le deuxième levier est la sélection d’entreprises, au moyen d’une méthodologie développée en interne.

Comment s’articule cette méthodologie ?

Nous sélectionnons les entreprises qui proposent des solutions pour réduire l’impact des activités humaines sur la biodiversité et celles ayant engagé leur transition pour réduire l’impact de leurs biens etservices sur les écosystèmes. Pour les premières, issues d’activités telles que le traitement de l’eau, l’agriculture régénératrice, la construction verte ou encore les technologies de dépollution, nous appréhendons leur impact au moyen du chiffre d’affaires – minimum 10 % – qui est dégagé sur ces activités. Pour les secondes, les entreprises de transition, nous les classons au moyen d’un score quenous avons baptisé BIRD pour Biodiversity Impact Reduction Disclosure : il va de 0 à 10, est fondé sur l’analyse des pratiques, des politiques mises en œuvre et des engagements effectifs déployés par les entreprises, et s’appuie sur le Global Biodiversity Score qui est un outil de mesure de l’empreinte biodiversité. Il permet d’établir un lien entre l’activité économique et les pressions sur la biodiversité. Pour les valeurs du portefeuille, nous exigeons une note minimale de 5. Certaines valeurs, environ 20 % de celles détenues en portefeuille, appartiennent bien évidemment aux deux catégories.

Comment identifiez-vous les secteurs qui relèvent de la typologie « transition » ?

En amont de la méthodologie que nous venons de décrire, nous appliquons un premier filtre qui détermine notre univers d’investissement : l’analyse sectorielle. Celle-ci est réalisée à partir des données obtenues via la méthodologie Science Based Targets for nature (SBTn)2. Sur 163 sous-secteurs identifiés sur l’ensemble des marchés cotés, 60 sont jugés pertinents pour la biodiversité.

Qu’en est-il du 3e levier ?

Il s’agit de l’engagement actionnarial, décliné sous deux formes : l’engagement collaboratif sur des enjeux spécifiques de réduction d’une ou plusieurs des cinq pressions définies par l’IPBES, et l’engagement individuel sur les politiques et approches holistiques de gestion de la biodiversité.

Comment est construit le portefeuille ?

Pour sélectionner les valeurs du portefeuille au sein de l’univers investissable, nous avons recours à l’analyse financière et extra-financière. Notre objectif est de bien comprendre le modèle économique de chaque secteur avant d’analyser les spécificités, y compris ESG, de chaque entreprise, ainsi que son potentiel d’appréciation en fonction des catalyseurs identifiés. Il s’agit donc d’un portefeuille de conviction concentré autour d’une quarantaine de lignes. Contrairement aux fonds climat, qui sont souvent composés de petites et moyennes valeurs, ce fonds est essentiellement constitué de grandes capitalisations.

Quelles valeurs y trouve-t-on actuellement ?

Clean Harbors, une valeur industrielle américaine, active dans le traitement des déchets et le recyclage d’huiles automobiles, de déchets dangereux ou électroniques. Xylem, une autre société américaine qui dispose d’une expertise dans le traitement de l’eau est également présente. Parmi les groupes français, citons Saint-Gobain, qui a un engagement fort sur le thème de la biodiversité, ainsi que Véolia Environnement.

Selon vous, quelles sont les perspectives du thème « biodiversité » ?

Pour l’heure, seule une quinzaine de fonds existent pour moins d’un milliard et demi d’euros d’encours. Ce thème émerge, il est encore très peu représenté. Nous continuons à défricher le sujet et avons d’ailleurs conçu le fonds pour qu’il reste en pointe sur les critères et outils à utiliser, confirmer ou développer. Comme d’autres l’ont été par le passé, le thème va progressivement se démocratiser et sa pertinence sera davantage comprise par les investisseurs, ce qui aura un impact sur la valorisation des entreprises les plus vertueuses dans ce domaine.

  

TB