Nous abordons trois thèmes qui façonneront la performance des marchés en 2019, ainsi que quatre événements qui pourraient surprendre les investisseurs.
2018 a été une année difficile pour les investisseurs avec des marchés actions et d’obligations d'État américains affichant tous deux un rendement inférieur à celui des liquidités. Deux facteurs ont contribué à ce phénomène : la déception à l'égard de la croissance mondiale et la diminution des flux de trésorerie dans l'économie mondiale (resserrement des liquidités).
Thème 1. La disponibilité réduite d'argent bon marché expose ceux qui dépendent de l'emprunt.
En 2019, nous nous attendons à ce que le volume de monnaie dans le système financier mondial diminue. La principale raison est le changement dans la politique des grandes banques centrales. Après une période d'achat d'obligations d'État, la Réserve fédérale américaine (Fed) prévoit maintenant de revendre une partie de ces investissements et de retirer une partie des liquidités en circulation. La Banque centrale européenne a déclaré qu'elle cesserait d'acheter des obligations. La Banque du Japon reste ainsi la seule grande banque centrale qui contribue encore à l'afflux d'argent frais dans le système financier (par l'achat de ses obligations d'État).
Ceci a son importance car lorsque l'argent est facilement accessible et disponible à moindre frais via l’emprunt, les investisseurs sont prêts à prendre plus de risques. Ces dernières années, cela a permis d'orienter les investissements vers les marchés périphériques de la zone euro (Grèce, Portugal, Espagne et Italie, par exemple), certains marchés émergents et d’obligations d’entreprises de moindre qualité. Au fur et à mesure que les liquidités sont retirées du système, un soutien important pour ces marchés disparaît. Les premiers effets de cette tendance se font déjà sentir dans les marchés émergents en 2018. En 2019, elles devraient s'intensifier.
Thème 2. Le retour des marchés émergents
Cela peut paraître étrange compte tenu de ce qui a été exposé ci-dessus, mais nous pensons que les marchés émergents pourront faire un retour en 2019 - si la politique de hausse des taux d'intérêt de la Fed américaine s'arrête. Si cela se produisait - et nous prévoyons une autre hausse des taux en juin, portant les taux américains à 2,50-2,75 % - il y a de bonnes raisons de croire que le dollar américain perdra une partie de sa vigueur. Ce serait un soulagement bienvenu pour les investisseurs qui empruntent en dollar, dont une forte proportion réside dans les marchés émergents.
Les effets positifs de cette évolution pourraient plus que compenser les pressions exercées par le retrait de capitaux dans le système financier mondial et l'escalade des tensions commerciales. On peut soutenir que les prix des actifs des marchés émergents sont peut-être déjà en train d'escompter le pire, les actions et les devises ayant considérablement chuté dans ces pays. On peut ainsi s’attendre à un rebond en cas de bonnes nouvelles.
L'évolution macroéconomique sera également importante et il faudra peut-être que la Chine augmente ses dépenses publiques et/ou réduise ses impôts avant que la confiance des investisseurs ne soit rétablie plus fermement. L'inquiétude d'une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine demeure une menace imminente, mais il n'y a aucune raison de s'attendre à une contraction pure et simple du commerce global, car l'activité devrait être détournée ailleurs.
Thème 3. Les pressions populistes signifient que les gouvernements se tournent vers des politiques à solution rapide
Sans le moteur de la demande américaine ou chinoise, la croissance mondiale a tendance à ralentir. Les États-Unis ont surperformé, en termes de croissance, en 2018, grâce au programme de réduction des impôts du président Trump. D'autres dirigeants et gouvernements en ont pris note. En France, le président Macron a réagi à la mobilisation des « Gilets Jaunes » en répondant aux demandes populistes de réduction des impôts. En cas de sortie brutale de l'UE, le Royaume-Uni prévoit une relance budgétaire. Le Japon pourrait bien être l'exception, avec une augmentation de la taxe à la consommation prévue pour octobre 2019. Toutefois, même dans ce cas, des mesures sont prises pour compenser l'impact.
Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que les gouvernements en quête de croissance ne procèdent plus à des réformes économiques pour accroître la concurrence ou rendre les marchés du travail plus flexibles. Aujourd'hui, l'approche consiste à apporter une solution rapide par le biais d'une réduction d'impôt, d'une augmentation des dépenses publiques ou du salaire minimum. Certaines de ces mesures sont justifiées et attendues depuis longtemps, mais d'autres sont une réponse des gouvernements aux pressions populistes.
Comment ces thèmes sont-ils susceptibles de façonner la performance du marché en 2019 ?
Une grande partie des mauvaises nouvelles est déjà intégrée par les marchés. Bien sûr, cela ne garantit pas des rendements positifs en 2019, mais cela signifie que les marchés sont mieux positionnés en cas de déception et donc potentiellement plus résistants aux chocs qu'ils ne l'étaient l'an dernier.
Des cygnes noirs : Penser l'impensable
Les thèmes ci-dessus sont raisonnablement bien connus. Les cygnes noirs sont les "inconnues inconnues". Par définition, nous ne pouvons pas les anticiper mais nous avons identifié quatre scénarios plausibles. Nous pensons qu'ils méritent également d'être pris en considération.
1. Une nouvelle crise en zone euro
La première crise de la dette de la zone euro a commencé en 2009 et a vu plusieurs États membres de la zone euro (en particulier la Grèce) devenir incapables de rembourser (ou de refinancer) leurs dettes. Un certain nombre de pays n'ont pas non plus été en mesure de renflouer les banques surendettées. La Banque centrale européenne (BCE) est intervenue, imprimant effectivement de la monnaie pour s'assurer que les marchés continuent d'avoir accès aux liquidités, empêchant ainsi une suspension de l'activité et un éventuel effondrement économique.
Depuis lors, le président Macron, en particulier, a demandé la création d'un fonds central pour soutenir la croissance si de tels événements devaient se reproduire. Cela n'a pas encore été fait. Une nouvelle crise potentielle n'a été évitée de justesse qu'à la fin de 2018 lorsque les plans de dépenses du nouveau gouvernement de coalition populiste italien ont testé les directives strictes de la Commission européenne. Un tel conflit devrait se reproduire en 2019, compte tenu de la montée en puissance de la politique populiste.
2. Pas de Brexit
Cela peut sembler inconcevable compte tenu du temps et de l'énergie actuellement consacrés à la rédaction d'un accord de retrait. Toutefois, "no Brexit" est le seul résultat qui ne nécessitera pas de vote (à l'exception de "no deal"). Comme les députés ont rejeté l'offre actuelle et que l'UE ne fera probablement plus de concession, il est possible que le gouvernement annule l'article 50 et que le Royaume-Uni reste dans l'UE.
3. Action militaire
Malheureusement, il y a beaucoup de points chauds qui pourraient s'enflammer en 2019. La guerre par procuration au Moyen-Orient (en cours au Yémen et en Syrie) pourrait devenir une véritable guerre entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. La Chine a des ambitions concernant Taïwan et toute la région. Le départ récent du secrétaire à la Défense, James Mattis, indique que les États-Unis sont plus isolationnistes, ce qui donne à d'autres l'occasion de combler le vide. Si le président Trump décide d’un retrait de l'ONU conduisant à une réponse internationale moins coordonnée aux escarmouches territoriales, les ambitions russes pourraient s'intensifier à nouveau.
4. Trump ne se présente pas à la réélection en 2020
Bien qu'il soit souvent difficile de lire les intentions du président, il semble constamment faire campagne et se préparer pour un second mandat. Toutefois, il devra d'abord mettre fin à l'enquête du conseiller spécial américain Mueller sur l'ingérence russe présumée dans les élections de 2016. De plus, il est déjà le président élu le plus âgé de l’histoire au moment de sa prise de ses fonctions à 70 ans et il aurait 78 ans en cas de second mandat complet. La santé peut être un facteur. Ou, il pourrait simplement décider de faire autre chose : il a été question qu'il fonde un empire médiatique – Trump TV ?