Question issue de Fidnet, la base documentaire du groupe Harvest
Le compte-courant d’associé (CCA) est un prêt consenti par un associé à une société : c’est donc une créance que détient l’associé contre la société. L’associé d’une société peut donner ses titres, en pleine propriété ou en démembrement, mais qu’en est-il de son compte- courant d’associé ? Quel est son sort en cas de décès ?
Le compte-courant d’associé est indépendant des titres que détient cet associé. Ainsi en cas de transmission (donation, par exemple) des titres, le compte-courant d’associé reste la propriété du donateur, ce qui, en définitive, ne permet pas d’optimiser la transmission. Le compte-courant doit être donné (ou légué) en plus des titres pour permettre une efficacité totale.
Pourquoi transmettre le CCA ?L’une des stratégies courantes en termes de transmission est de donner (en pleine propriété ou, plus souvent, en nue-propriété) les titres d’une société endettée. La dette peut résulter d’un prêt bancaire ou de la présence d’un compte-courant d’associé au nom du donateur (ce compte-courant est généralement créé lors de la constitution de la société par apport d’un bien ou de liquidités importantes).
La valeur des titres est donc réduite du montant de la dette : les droits de donation sont donc, eux aussi, réduits. Si le compte-courant d’associé n’est pas remboursé au décès, le nu-propriétaire devient plein propriétaire des titres au décès du donateur, sans taxation complémentaire. Cependant, le compte-courant d’associé appartient toujours au défunt et constitue une créance détenue par sa succession contre la société.
Dit autrement, la société est débitrice envers la succession. Cette créance est donc un actif de la succession et est taxable aux droits de succession : la transmission de titres n’a donc aucun effet fiscal bénéfique si le compte-courant d’associé n’est pas remboursé (en totalité ou en partie) au décès du donateur.
Exemple
Monsieur M. crée une société avec un capital de 1 000 €. Il y « apporte » un bien immobilier qu’il détient contre inscription de la valeur de l’immeuble en compte-courant d’associé (200 000 €). Cet apport n’est pas rémunéré par des titres de la société, mais s’apparente plutôt à une vente : le prix de vente n’étant pas payé immédiatement, mais constaté par l’inscription d’une dette que la société a envers son associé en compte courant d’associé…
Monsieur M. donne la nue-propriété des titres de sa société à ses fils. A la date de la donation, la société est évaluée à 0 € :
- actif : bien immobilier de 200 000 € ;
- passif : compte courant d’associé de 200 000 €.
Aucun droit de donation n’est dû.
Hypothèse 1 : le compte-courant d’associé n’est pas remboursé au décès de Monsieur M.
Le compte-courant d’associé est taxé aux droits de succession pour 200 000 €. Les fils de Monsieur M. sont bien propriétaires des titres, mais devront finalement (et indirectement) s’acquitter des droits sur la valeur du bien détenu par la société.
Hypothèse 2 : le compte-courant d’associé est remboursé au décès de Monsieur M.
Le compte-courant d’associé n’existe plus au décès et n’est donc pas taxé aux droits de succession. Les fils de Monsieur M. sont bien propriétaires des titres et n’ont payé ni droits de donation ni droits de succession. Cette hypothèse suppose que la société génère suffisamment de trésorerie pour rembourser le compte courant d’associé, ce qui sera le cas si la société détient un bien locatif procurant des revenus.
Hypothèse 3 : le compte-courant d’associé est donné.
En parallèle de la donation des titres, ou à une date ultérieure, Monsieur M. peut donner son compte-courant d’associé. Le défunt n’est donc plus propriétaire du compte courant d’associé à son décès et aucun droit de succession n’est donc dû sur le compte-courant d’associé. Les fils de Monsieur M. sont bien propriétaires des titres et ont optimisé la transmission grâce :
- à la donation en démembrement : seule une fraction est taxée en application de l’article 669 du CGI ;
- et à l’anticipation : en espaçant les donations, il est possible de donner 100 000 € tous les quinze ans à chaque enfant, sans taxation.
Cette hypothèse suppose que la société ne génère pas ou peu de trésorerie pour rembourser le compte-courant d’associé, ce qui sera le cas si la société détient un bien de jouissance (résidence principale ou secondaire).
Comment transmettre le CCA ?Le CCA est une créance totalement indépendante des titres de l’associé. La transmission des titres (par vente ou donation) par un associé n’entraîne pas automatiquement la transmission de son compte-courant d’associé : la transmission du compte-courant doit être expressément prévue.
En pratique, le CCA peut être donné ou légué (par testament) en pleine propriété, voire en nue-propriété. Le compte-courant d’associé étant une créance, la donation du compte courant doit impérativement être réalisée par acte notarié (un don manuel n’est pas possible).
Les droits de donation ou de succession sont dus sur la valeur du compte-courant au jour de la donation ou au jour du décès (un bilan et une tenue de comptabilité scrupuleuse sont donc nécessaires). En cas de démembrement, l’évaluation est réalisée en application de l’article 669 du CGI, selon l’âge de l’usufruitier au jour de la transmission.
Attention : le démembrement d’un compte-courant d’associé fait l’objet de peu de commentaires, et les règles de fonctionnement ne sont pas encadrées en pratique, ce qui peut poser des difficultés. L’incorporation du compte-courant d’associé au capital social, puis la donation en nue-propriété sont un schéma plus simple et sécurisé.
Si un démembrement est réalisé : pendant la durée du démembrement, seul l’usufruitier a le droit de demander le remboursement du compte-courant d’associé (à tout moment, sous réserve de la convention de blocage négociée entre l’usufruitier et la société).
Si le compte-courant est remboursé (en tout ou partie), le démembrement du compte-courant d’associé se transforme en démembrement sur une somme d’argent, et donc en quasi-usufruit. L’usufruitier encaisse le remboursement et le nu-propriétaire a droit à une créance de restitution à valoir au décès de l’usufruitier.
Si le compte-courant n’est pas remboursé au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire du compte-courant d’associé : il détient donc une créance contre la société et non une créance de restitution contre la succession de l’usufruitier. En effet, pour certains auteurs, le démembrement sur un compte-courant constitue un démembrement sur une créance, et non sur une somme d’argent : ainsi, il n’y a pas de quasi-usufruit en cas de démembrement d’un compte-courant d’associé (sauf démembrement prévu conventionnellement) et donc pas de créance de restitution contre la succession de l’usufruitier. L’augmentation du compte-courant d’associé après la donation (notamment si le donateur, usufruitier, réalise des apports en compte-courant après la donation) pose un problème, car ces sommes n’ont pas été données ni taxées. Ces « nouveaux » apports devraient être identifiés en constituant comptablement une seconde ligne « compte-courant d’associé ». A défaut, une requalification en donation indirecte serait encourue.
Références
Cass. civ. 3, 18 nov. 2009, n° 08-18740 ; Cass. com., 11 janv. 2017 n° 15-14064 ; Cass. civ. 1, 4 oct. 1989, n° 87-11142 ; Cass. com., 12 juill. 1993, n° 91-15667 ; C. civ. art. 587.