Tikehau Capital - Macroéconomie et marchés : l'année de l'inflexion

13/01/2023 - source : Patrimoine 24

L’année 2022 a marqué le pire millésime depuis la crise financière de 2008 : phénomène très rare sur les marchés financiers, les marchés actions et obligataires ont respectivement clôturé largement dans le rouge.

Les thématiques de l’inflation et de récession en 2023 resteront sur le devant de la scène.

L’inflation semble s’installer sur la durée, soutenue par des mutations structurelles liées à la démographie (vieillissement de la population mondiale en âge de travailler), au changement du mix énergétique (la transition énergétique est inflationniste tout comme le non redémarrage des investissements dans le gaz et le pétrole de schiste et le moindre accès au gaz russe bon marché) et la démondialisation (la mondialisation a été un facteur de déflation et l’optimisation moindre de la production de biens et services est aujourd’hui  inflationniste).

Des facteurs cycliques liés à la crise énergétique et aux différents plans de relance des gouvernements post pandémie de la COVID-19 sont venus s’ajouter à ces mutations structurelles. Pour répondre à la dimension cyclique de l’inflation, les banques centrales doivent détruire de la demande en ralentissant la croissance. Lorsqu’elles y parviendront, une inflation structurelle moins prononcée mais plus durable maintiendra l’économie mondiale dans un régime de taux d’intérêts élevés. Nous pensons ainsi que l’inflation restera structurellement importante même une fois que sa composante cyclique se sera atténuée.

En parallèle, la récession commence à se dessiner petit à petit notamment en Europe. A l’heure où de nombreux indicateurs macroéconomiques ont amorcé une décélération, il est important de garder à l’esprit que la récession est traditionnellement un phénomène que l’on pourrait qualifier de non-linéaire. Lorsqu’elle se confirme, des trous d’air sur l’activité, l’investissement, la consommation, l’emploi ou l’immobilier peuvent se produire, qui handicapent la dynamique de croissance. Les modèles actuels qui semblent suggérer une perspective de récession de courte durée, de faible ampleur, voire évitée, ignorent pour beaucoup ce risque de non-linéarité.

Nous assistons donc à un changement de régime sur les marchés financiers marqué par une inflation plus structurelle couplée à un risque de récession, qui pourrait avoir des répercussions à long terme. Les marchés doivent donc s’ajuster à cette nouvelle dynamique. Ce changement de régime entrainera de la volatilité et de la dispersion, deux facteurs de fortes dislocations de marché. Avec cette nouvelle réalité, la sélection l’emportera sur l’allocation : il faudra selon nous favoriser le travail d’analyse fondamentale et de sélection de valeurs. Nous sommes en effet probablement passés d’un marché d’allocation d’actifs à un marché où la sélection de valeur devrait porter la performance.

Un rebond est-il envisageable ?

Parler d'un potentiel rebond peut être encore prématuré à ce stade. En effet, quatre facteurs doivent selon nous être réunis pour créer un point d’inflexion sur les marchés financiers :

Une dépréciation des valorisations : bien que les valorisations se soient réajustées en 2022, elles demeurent toujours à des niveaux relativement élevés. En effet, la baisse de valorisation sur les marchés actions et sur les marchés obligataires a principalement eu lieu par compression de multiples sur les actions et remontée des taux d’intérêts sur le crédit, mais pas encore par baisse des attentes des résultats des entreprises. Les conditions actuelles incitent donc à la prudence, même si des poches d’opportunités ont émergé. Des indicateurs macroéconomiques proches d’un point bas : pour pouvoir envisager un rebond durable, les indicateurs macroéconomiques doivent se rapprocher d’un point bas. Aujourd’hui, bien que certains facteurs se dégradent, les économies ne sont pas encore en récession, les anticipations de croissance des bénéfices des entreprises restent solidement positives aux Etats-Unis et en Europe, et le marché de l’emploi n’a pas encore manifesté de fébrilité. L’anticipation d’un point bas semble prématurée. Une stabilisation des taux et de l’inflation : la hausse marquée des taux en 2022 semble déjà prendre en compte un grand nombre de facteurs. Néanmoins, la résilience de l’inflation, couplée avec la détermination affichée par les banquiers centraux à se montrer patients dans l’ajustement de leurs politiques monétaires, incitent à la prudence et suggèrent un potentiel de hausse important.

Un positionnement défensif du marché : bien que difficiles à analyser, de nombreux indicateurs de positionnement et de sentiments pointent vers un consensus de plus en plus pessimiste, développement intéressant dans le cadre d’un éventuel rebond.

Ces quatre conditions, une fois réunies, suggèrent historiquement la possibilité d’un rebond durable. Les circonstances actuelles exigent donc d’être patients et prudents, car en cette « année de l’inflexion », le temps viendra d’adopter un positionnement plus offensif.

Quelles opportunités dans ce contexte ?

Face à ces marchés disloqués, des opportunités d’investissement émergent, à condition de savoir les identifier : ici, la sélectivité sera essentielle. En ce sens, voici nos principales convictions pour 2023.

Un maitre mot : la qualité

Au sein de notre gestion, nous privilégions des sociétés que nous estimons de haute qualité sur le long terme. Celles-ci ont tendance à afficher une rentabilité et des flux de trésorerie importants qui, lorsqu’ils sont réinvestis dans l’entreprise, peuvent générer selon nous une performance significative pour les investisseurs patients.

Ce segment dit de la « qualité » fait historiquement preuve de résilience en période de stress de marché, grâce à des fondamentaux solides et une trajectoire opérationnelle souvent moins sensible aux cycles. De manière contre-intuitive néanmoins, ces entreprises de qualité ont globalement sous-performé en 2022, tant sur les marchés actions que crédit.

Une classe d’actifs à privilégier : l’obligataire

Dans cet environnement inflationniste et de hausse de taux d’intérêt, la valeur relative entre les actifs risqués a évolué. L’effet « TINA » (There Is No Alternative) semble s’estomper – la prime de risque actions se situant à son plus bas niveau depuis 10 ans (1).

Le marché obligataire semble donc de plus en plus attractif.

Sur ce segment, nous privilégions pour l’instant une sensibilité limitée aux taux et au crédit : l’incertitude actuelle sur la dynamique des taux d’intérêt ne permet pas encore selon nous d’aller chercher des durations plus longues ; par ailleurs, la faible pente de la courbe de crédit(2) réduit l’attractivité des maturités éloignées ; enfin, dans un environnement où le risque de récession est important, il semble préférable de financer les émetteurs sur des horizons plus courts pour lesquels la visibilité sur leur structure de liquidités et leur capacité de remboursement sont meilleures.

En parallèle, les émetteurs Investment Grade présentent, selon nous, des profils intéressants dans un contexte de marché incertain. La hausse des taux d'intérêt en 2022 a fait passer le rendement des émetteurs Investment Grade (IG) en territoire positif après des années de rendements faibles ou négatifs : ils s’affichent désormais au plus haut de ces 10 dernières années(3). En parallèle, l’écartement des primes de risque en 2022 a étiré les spreads IG à des niveaux supérieurs à 150bps, un niveau historiquement compatible avec une période de récession(4). En ce sens, nous pensons que ce risque de récession est en partie intégré dans les niveaux actuels de spreads IG. Enfin, le réajustement des spreads a été selon nous ainsi proportionnellement plus important en IG que sur la classe d’actifs HY (haut rendement) (5).

Zoom sur un secteur : les financières

En 2022, les banques ont une fois de plus joué leur rôle de proxy du sentiment macroéconomique général en sous performant le reste du marché du crédit. Pourtant, l’année 2022 a été un bon millésime pour les banques européennes et il n’y a pas eu de signe de détérioration de la qualité des actifs. Nous estimons que l’année 2023 devrait se poursuivre sur cette même dynamique. Les tendances fondamentales du secteur bancaire européen restent donc positives et résilientes selon nous.

Dans ce secteur, nous nous concentrerons sur le segment du crédit, en particulier des subordonnées financières, où nous trouvons les valorisations attrayantes à ces niveaux, notamment sur le segment des AT1. 

Une zone géographique : l’Europe vs les Etats-Unis

La guerre en Ukraine, la flambée des prix de l'énergie et le resserrement des politiques monétaires ont mis les marchés financiers européens à rude épreuve. Alors que l’Europe entre doucement en récession, l’économie américaine semble quant à elle plus résiliente. Cependant, il n’est pas certain que les Etats-Unis soient à l’abri d’une récession.

En ce sens, le réajustement des valorisations a été proportionnellement plus marqué sur les actifs européens qu’américains. Sur les marchés actions par exemple, les multiples de valorisation américains s’affichent largement au-dessus de leur médiane sur les 20 dernières années, tandis qu’en Europe, les niveaux de P/E sont particulièrement bas(6). Pour autant, une fois de plus, le travail fondamental restera clé car les opportunités existent des deux côtés de l’Atlantique.

En conclusion, nous restons optimistes : le monde entre certes dans une phase de croissance plus faible mais plus durable. La dispersion des rendements des actifs financiers favorise une sélection de valeurs disciplinée et basée sur une recherche fondamentale approfondie, tant sur le plan financier qu’extra-financier. La relocalisation des écosystèmes économiques favorisera les investisseurs pouvant s’appuyer sur des équipes locales, ancrées dans ces écosystèmes locaux. Tout cela reflète bien le positionnement de Tikehau Capital avec des investissements réalisés à partir d’une analyse fondamentale propriétaire, et s’appuyant sur des équipes locales pour contribuer au financement de l’économie réelle et de la transition énergétique sur le long terme.

1 Source : Goldman Sachs Global Investment Research

2 Source : Tikehau IM, Bloomberg

3 Source : Tikehau IM, Bloomberg

4 Source : Tikehau IM, Bloomberg

5 Source : Tikehau IM, Bloomberg

6 Source : Factset, Goldman Sachs

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