Ne manquez pas le point « Macroéconomie et marchés » du mois d'octobre.
1. Décryptage & perspectives macro et marchés
Une inflation structurelle
L’inflation semble s’installer sur la durée, soutenue par des mutations structurelles liées à la démographie (vieillissement de la population mondiale en âge de travailler), au changement de mix énergétique (la transition énergétique est inflationniste tout comme le non redémarrage des investissement dans le gaz et pétrole de schiste et le moindre accès au gaz russe bon marché) et la démondialisation (la mondialisation fut déflationniste, la moindre optimisation de la production de biens et services est inflationniste). Des facteurs cycliques liés à la crise énergétique et aux différents plans de relance des gouvernements post pandémie du Covid-19 viennent s’ajouter à ces pressions structurelles. Pour contrer l’inflation cyclique (la spirale prix-salaires), les banques centrales doivent détruire la demande en ralentissant la croissance. Lorsqu’elles y parviendront, une inflation structurelle moins impressionnante mais plus durable maintiendra l’économie mondiale dans un régime de taux d’intérêts plus élevés.
Risque de récession
Dans ces conditions, le risque de récession a augmenté. Les marchés financiers doivent s’adapter à une nouvelle configuration marquée par une inflation qui ne cesse de surprendre à la hausse, par des banques centrales qui accélèrent le rythme de resserrement monétaire et par une croissance économique qui confirme sa décélération.
Réajustement des valorisations
Face au risque de récession, les actifs risqués s’affichent en baisse depuis le début 2022, entrainant un réajustement des valorisations tant sur les marchés actions que sur les marchés obligataires. Les valorisations ont fortement corrigé depuis le début d’année principalement par compression de multiple sur les actions et remontée des taux d’intérêts obligataires sur le crédit, mais pas encore par baisse des attentes de résultats des entreprises. En effet, le marché semble encore indécis quant au positionnement à adopter face à une inflation structurelle et à une récession probable, entrainant trois effets distincts :
1) Les marchés restent soutenus par les attentes de résultats des entreprises qui semblent optimistes et qui tardent à s’ajuster. Le potentiel de baisse reste donc substantiel.
2) Dans cet environnement inflationniste et d’augmentation de taux d’intérêt, la valeur relative entre les actifs risqués a évoluée. L’effet « TINA » (There Is No Alternative) semble s’atténuer – la prime de risque sur les actions se situant à son plus bas niveau depuis 10 ans.
3) Enfin, la dispersion - c’est-à-dire les différences de valorisation et de performance d’un actif à l’autre - semble aussi devoir s’inscrire sur le long terme : elle se maintient à des niveaux élevés depuis l’émergence de la pandémie.
Prudence et agilité
Nous assistons donc à un changement de régime sur les marchés financiers, dont les répercussions pourraient se faire ressentir sur le long terme. Les conditions actuelles incitent à la plus grande prudence. Le retour de la volatilité et du phénomène de dispersion provoque de grandes dislocations de marché. Cela doit selon nous, favoriser le travail d’analyse fondamentale et de sélection de valeurs : nous sommes probablement passé d’un marché d’allocation d’actifs à un marché où la sélection de valeur portera la performance.
Nos observations sur les marchésMarché obligataire
Les banques centrales ont acté le caractère plus durable de l‘inflation et ont réajusté leurs politiques monétaires, accélérant fortement le rythme de resserrement monétaire depuis le début 2022.
En outre, l’incertitude relative à l’évolution des niveaux d’inflation reste entière et les chiffres ne cessent de surprendre à la hausse, en Europe comme aux Etats-Unis.
Dans ce contexte, il semble judicieux selon nous de maintenir dans les portefeuilles une sensibilité limitée (1) aux taux, qui restent très volatils compte tenu des incertitudes entourant la trajectoire du resserrement de la politique des banques centrales pour lutter contre l'inflation, et (2) aux spreads compte tenu de la probabilité plus élevée d'une récession dans certaines parties de l'Europe.
De plus, nous pensons que les financières subordonnées (obligations émises par des institutions financières qui répondent notamment aux exigences réglementaires en termes de fonds propres) restent intéressantes. D’une part, les niveaux de spreads sont revenus à des niveaux attractifs avec par exemple des obligations Additional Tier1 (« AT1 ») qui offrent à ce jour un rendement supérieur de 2.0% par rapport au Haut Rendement, à notation équivalente. D’autre part, nous estimons que les tendances fondamentales du secteur bancaire européen restent positives et résilientes. C’est pourquoi nous maintenons une exposition à ce segment dans nos fonds.
Enfin, nous maintenons notre conviction sur le Short Duration High Yield (haut rendement à duration courte). Les émetteurs High Yield continuent, pour certains, d’afficher des fondamentaux solides permettant d’avoir de la visibilité sur leurs capacités de remboursement notamment sur un horizon court. Néanmoins, la sélectivité reste clé : il s’agit pour cela de se concentrer sur les émetteurs capables de faire face à une inflation croissante et privilégier les entreprises aux marges importantes.
Marché actions
Nous privilégions des sociétés que nous estimons de haute qualité sur le long terme, et que nous achetons à des valorisations raisonnables selon nous. Ces sociétés ont tendance à afficher une profitabilité et des flux de trésorerie supérieurs qui, lorsqu'ils sont réinvestis dans l'entreprise, peuvent générer selon nous une performance significative pour les investisseurs à long terme.
Ce segment dit de la « qualité » fait historiquement preuve de résilience en période de stress, grâce à des fondamentaux solides et une trajectoire opérationnelle bien souvent moins sensible aux cycles. De manière contre-intuitive néanmoins, ces entreprises de qualité ont globalement sous-performé cette année, et se présente à des multiples de valorisation attractifs en relatif au reste de marché.
Par exemple, le secteur des biens de consommation courante est un grand pourvoyeur d'entreprises de qualité dans notre univers d'investissement, et affiche une décote similaire à celle observée lors de l’exubérance de la bulle internet. D’autre part, après avoir fortement corrigés cette année, certains segments de la technologie sont redevenus attractifs et offrent une combinaison qualité et valorisation intéressante d’après nos analyses.
En conclusion, le constat reste optimiste : le monde entre dans une phase de croissance plus faible mais plus durable. Les opportunités d’investissement existent déjà dans toutes les classes d’actifs :
Value : certaines valeurs traitent déjà sur des niveaux de valorisation attractifs : crédit short duration, obligations subordonnées financières, actions des secteurs grande consommation et tech profitable. Croissance : se positionner sur les mega-tendances dans un monde de croissance faible permettra de bénéficier d’une croissance forte et durable à la fois.La dispersion dans le rendement des actifs financiers favorise une sélection de valeurs disciplinée et basée sur une recherche fondamentale approfondie financière et extra-financière. La relocalisation des écosystèmes économiques favorisera les investisseurs ayant des équipes locales, proches de ces écosystèmes locaux. Tout cela correspond au positionnement et aux investissements réalisés par Tikehau dans une infrastructure de gestion tournée vers l’analyse fondamentale propriétaire, le financement de l’économie réelle et de la transition énergétique sur le long terme, à partir d’investissements réalisés et financés par des équipes locales.
2. Nos convictions d’investissement
Certaines mega-tendances vont façonner le « monde de demain ». Elles favorisent la dispersion, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités d’investissement qui se matérialisent d’ores et déjà sur les marchés financiers.
La démondialisation
Les conséquences économiques du COVID-19 et de la crise en Ukraine ont mis en évidence les signes de vulnérabilité de notre système économique. Depuis le milieu des années 1980, trois facteurs très favorables à la génération des résultats des entreprises étaient combinés de manière exceptionnelle : la baisse des taux d’intérêts, la baisse continue des taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises et la mondialisation qui s’est accélérée avec le démantèlement de l’Union Soviétique. Ces vents favorables ont permis aux entreprises de suroptimiser leur outil de production, leur fiscalité et même les montants de capitaux propres avec lesquels elles ont opéré de manière à maximiser leur rentabilité.
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, la pandémie du COVID-19 et la guerre en Ukraine ont simultanément inversé ces trois facteurs. En conséquence, des vents contraires à une croissance économique infinie permise par l’optimisation de la génération de résultats apparaissent. La croissance mondiale ralentira dans les prochaines décennies ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle dans la mesure ou la recherche de croissance exponentielle des dernières décennies a eu un impact négatif sur le climat et la biodiversité (E), les inégalités (S) et la mauvaise allocation de capitale induite par des politiques monétaires trop accommodantes (G). Au fond, une croissance plus faible mais tenant compte des critères extra-financiers sera plus durable. Les prochaines décennies prouveront que l’extra-financier génère de la performance financière et c’est une excellente nouvelle puisque l’orientation du capital vers l’investissement vertueux ne pourra se faire de manière significative que si ces investissements sont rentables financièrement.
Face à ce nouveau paradigme qui fait rimer mondialisation avec vulnérabilité, les entreprises doivent générer de la résilience : rapprocher la production du consommateur au lieu de la localiser dans les pays ou les coûts sont les plus bas, payer leurs impôts dans les juridictions où elles opèrent, opérer avec des coussins de capitaux propres plus importants et moins de levier pour faire face à l’incertitude. La « relocalisation » et le retour des écosystèmes locaux permet d’évoluer vers un modèle de croissance plus durable mais moins optimisé. Pour créer cette résilience, les entreprises, les services publics, les Etats doivent investir massivement dans un certain nombre de domaines qui, parce qu’ils vont concentrer des besoins d’investissements massifs constituent des mégatendances de croissance forte dans un monde de croissance faible.
Les dépenses d’investissement sont souvent considérées comme l’ennemi de l’investisseur en capital car seules les meilleures entreprises c’est-à-dire celles qui sont les mieux gérées, qui ont la meilleure gouvernance (G), investissement de manière efficiente le cashflow à leur disposition. La remontée des taux d’intérêts et la démondialisation créent de la dispersion entre la performance des entreprises d’un même secteur ou d’une même géographie. Dans toutes les classes d’actifs, la création de valeur économique pour l’investisseur passe de l’allocation d’actifs à la sélection de valeur. Quand tous les vents soufflaient dans le dos, se positionner sur la bonne classe d’actifs suffisait à générer la performance. Quand ils soufflent de face, seuls les meilleurs éléments s’extirpent du peloton. Les identifier nécessite une analyse fondamentale approfondie aussi bien financière qu’extra-financière. Sur le long-terme, nous sommes convaincus que le financier et l’extra financier sont les deux faces d’une même pièce : pour être profitable, la croissance doit être durable.
L’efficience énergétique
Pour les entreprises partout dans le monde, investir dans la transition énergétique devient, en plus d’adresser le problème climatique, un réel avantage compétitif. La nécessité de relocaliser la production engendre des besoins d’investissement considérables et la prise en compte de couts salariaux plus élevés. Baisser les couts en progressant sur l’efficience énergétiques de bâtiments, des processus de production, des flottes de véhicules représente un élément de compétitivité considérable. Pour atteindre les objectifs fixés par les accords de Paris, 6 000 milliards de dollars par an doivent être investis dans la transition énergétique d’ici 2050. Cette mega-tendance assurera une croissance soutenue aux meilleures entreprises de ce secteur.
Cybersécurité
La nécessité de créer de la résilience transparait également au travers de la cybersécurité. La technologie est partout dans notre quotidien. Les enjeux de la cybersécurité sont considérables. Les risques liés à la cybersécurité comptent probablement, avec les sujets de santé publique et du changement climatique, parmi ceux qui concernent le plus grand nombre d’êtres humains sur la planète. Le Président de la Réserve fédérale américaine citait en avril 2021 les cyberattaques comme le principal risque pour la stabilité du système économique mondial. Du côté européen, l’ajout anticipé de la cybersécurité dans la taxonomie sociale européenne prouve que ce secteur est central dans la construction d’écosystèmes plus résilients. Tous les acteurs de la vie économique doivent s’équiper massivement dans ce domaine pour créer de la résilience.
Industrie 2.0 – Digitalisation des processus industriels
L’émergence massive des nouvelles technologies permettent aux entreprises de digitaliser leurs processus de production et leurs chaines d’approvisionnement. La digitalisation des processus de production de biens et services, de la distribution, de la relation avec clients et fournisseurs ou des chaînes d’approvisionnement est un facteur essentiel de compétitivité. Pour les États, les enjeux de la digitalisation participent également de la nécessité de moderniser le fonctionnement des services publics et de renforcer leur efficacité, que ce soit par exemples des prestations liées à la recherche d’un emploi, à la santé en passant par l’éducation ou le paiement de l’impôt. Pour les entreprises, cette digitalisation est un facteur essentiel de compétitivité. Pour les Etats c’est un facteur de souveraineté et d’attractivité. Les entreprises apportant des solutions de digitalisation industrielle bénéficieront d’une mega-tendance de croissance.
Transformation d’actifs immobiliers
La crise de la COVID a durablement changé le comportement des populations : des centres commerciaux excentrés peinent à attirer des clients, les entreprises préfèrent des bureaux plus petits en centre-ville couplés à du télétravail que des bureaux plus grands dans des zones péri-urbaines, le e-commerce modifie les besoins logistiques, les nouvelles mobilités redessinent les flux urbains. L’acquisition d’actifs non adaptés à ces nouvelles réalités, situés dans des endroits de qualité et leur transformation dans des nouvelles solutions de zones mixtes mêlant bureau, résidentiel, commerce et services publics fait d’autant plus sens que cette transformation contribue à la création d’efficience énergétique des bâtiments, d’espaces verts et représente une solution de désengorgements des flux de circulation et de préservation de la biodiversité dans les zones urbaines. L’impact extra-financier peut être mesuré et documenté. Cette mega-tendance représente une opportunité d’investissement significative.
A propos de Tikehau Capital
Tikehau Capital est un groupe mondial de gestion d’actifs alternatifs qui gère 36,8 milliards d’euros d’actifs (au 30 juin 2022). Tikehau Capital a développé un large éventail d’expertises dans quatre classes d’actifs (dette privée, actifs réels, private equity, capital markets strategies) ainsi que des stratégies axées sur les solutions multi-actifs et les situations spéciales.
L’équipe Capital Markets Strategies gère 4,5 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Elle déploie une stratégie de conviction sans contrainte d’indice de référence. La gestion de sa gamme de fonds obligataires et diversifiés repose sur une équipe de recherche expérimentée et une approche d’investissement alliant des données macroéconomiques à une analyse fondamentale.
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