Avec une réglementation foisonnante et mouvante, les cabinets de gestion de patrimoine se trouvent souvent démunis. S’ils sont épaulés par leurs associations professionnelles et les éditeurs de logiciels, l’appui d’une société de conseil s’avère attractif pour assurer la conformité à l’organisation du cabinet.
En perpétuel mouvement. On ne peut que constater que la profession de conseil en gestion de patrimoine évolue sans cesse sur le plan réglementaire. Les conditions d’exercice de la profession, de distribution de solutions d’investissement et autres diligences d’horizons divers que doivent remplir les professionnels du patrimoine sont régulièrement modifiées.Les CGP sont, en effet, soumis à différents statuts, donc de différents textes réglementaires et d’autorités de tutelle distinctes. Récemment, les conseillers en gestion de patrimoine ont dû adhérer à une association professionnelle d’IOBSP ou d’IAS agréée par l’ACPR suite à la réforme du courtage. Autre exemple, ils doivent désormais également intégrer les préférences extra-financières de leurs clients avant de les accompagner dans leurs investissements.Ces deux dernières décennies, depuis la loi de sécurité financière de 2003, l’environnement réglementaire n’a cessé de se complexifier.
Une multitude d’approchesPour exercer en toute conformité, les conseillers en gestion de patrimoine disposent du soutien de leurs associations professionnelles, agréées par l’AMF pour le statut de CIF et par l’ACPR dans le cadre de la réforme du courtage. Ils doivent donc adhérer à l’une des associations suivantes : CNCGP, Anacofi-CIF/Anacofi-Courtage, CNCEF Patrimoine/Crédit/Assurance, La Compagnie CIF/IOBSP/IAS. Ces associations produisent pour leurs membres des kits réglementaires composés des documents et process à suivre pour respecter les différentes réglementations auxquelles ils sont soumis. Outre ces associations, les cabinets de gestion de patrimoine s’appuient sur des logiciels de gestion de cabinet proposant des parcours réglementaires intégrant les documents des CGP et permettant le suivi dans le temps de la bonne conformité de leurs dossiers (mise à jour des profils de risque, bonne adéquation de l’allocation avec le profil du client, documents mis à jour, etc.).Parmi les éditeurs, nous trouvons Harvest, Prisme, AMC ou encore Upsideo. D’autres intervenants dans la chaîne de valeur interviennent également, en particulier les fournisseurs de produits et les plates-formes de distribution, ou encore les groupements.Voilà plus d’une dizaine d’années sont apparus différents acteurs permettant aux CGP d’appréhender de façon globale la réglementation et surtout de l’adapter à la typologie du cabinet, à son modèle de développement et à son organisation. Il y a près de quinze ans, Vincent Boisseau créait Opadeo Conseil, une société dédiée aux sociétés et aux professionnels réglementés par l’ACPR et l’AMF (entreprises d’investissement, sociétés de gestion, IAS, IOBSP, CIF, etc.). Elle propose différents services, du contrôle à la formation en passant par l’audit, l’organisation des procédures et l’accompagnement lors de contrôles par les autorités de tutelle ou les associations. Pour réaliser ses missions, la société s’appuie également sur un réseau d’experts, notamment juridiques, lors de situations complexes. Vincent Boisseau constate : « Ces dernières années, l’écosystème des CGP s’est complexifié : une réglementation plus complète, plus complexe, plus technique et plus contraignante, poussant vers une plus grande digitalisation du métier. Les conditions de marché sont devenues très instables (Covid, guerre, environnement). Une multitude d’intervenants ayant des intérêts pas toujours convergents : les autorités de tutelle européennes qui anticipent trop la faisabilité technique des règles qu’ils imposent, les associations professionnelles qui se sont rigidifiées avec leur pouvoir de contrôle et, indirectement, de sanctions (associations CIF) et qui, pour aider les CGP, proposent des kits de plus en plus compliqués à appréhender. Des fournisseurs de produits régulés mis sous pression réglementaire et des fournisseurs de produits atypiques non régulés qui font fi de la réglementation et transfèrent à leurs distributeurs, régulés eux par l’AMF, les contrôles de conformité de leurs produits et de leur schéma de commercialisation (vérifications quasi infaisables d’ailleurs en l’état du coût juridique et des connaissances des CGP). Les éditeurs de logiciels qui survendent parfois leur conformité réglementaire et enfin, les sociétés de conseil, comme nous, anxiogènes. Ces acteurs ne sont pas bien coordonnés et les CGP ont de grandes difficultés à se positionner face à ces différents canaux d’informations. Clairement, ils subissent la réglementation et n’ont plus le courage ou le temps de s’y plonger et de la suivre – même via leur association professionnelle. Ils font alors trop souvent confiance à leurs collègues ou leurs partenaires proches, comme les éditeurs de logiciel ou les fournisseurs de produits pour avoir des réponses “conformes” clés en main a minima, au lieu de prendre le temps de la décrypter et de la comprendre. »Parce que chaque cabinet est uniqueS’assurer du bon respect la réglementation en l’adaptant à son organisation, telle est donc la mission de ces structures. « Si les associations réalisent un important travail pour le compte de leurs membres et sont un bon relais, nous traitons davantage des questions individuelles liées aux spécificités de chacun des cabinets, confie Louis-Grégoire Logre, associé-fondateur d’Agama Conseil, qui épaule également les associations professionnelles et réalise aussi des sessions de formations à destination de leurs membres. Nous adaptons alors leurs documents à leur cabinet : organisation de la distribution (via des salariés, des mandataires, des filiales, etc.), modèle de rémunération, entre autres. Autre exemple, lorsqu’ils sont actionnaires d’une société de gestion ou qu’ils concluent une offre dédiée, nous les accompagnons pour assurer une bonne gouvernance produits et gérer les problématiques de conflits d’intérêts potentiels.»Spécialiste de la conformité réglementaire créé en 2013, Agama Conseil s’est d’abord adressé aux sociétés de gestion de portefeuille et PSI, puis la structure a étendu son offre aux CGP, à ceux actionnaires de sociétés de gestion, aux groupements et associations professionnelles. « Je dispose de bonnes relations avec l’AMF, puisque j’en ai été l’ancien responsable de la section partenaire. Par ailleurs, nous sommes membres de diverses associations professionnelles, comme l’Aspim, France Invest ou encore l’AFG, ce qui nous permet de prendre connaissance en amont des projets de texte, voire de faire des propositions auprès des autorités de tutelle. » Le pôle d’Agama dédié aux CGP se compose de deux personnes, supervisées par les deux associés. Agama peut réaliser des missions ponctuelles de conseil, comme lors du lancement d’une offre, ou l’assistance lors d’un contrôle par une autorité de tutelle ou permanentes, avec une veille réglementaire, la mise à jour régulière des documents, la vérification et le test des dossiers, la bonne tenue de la gouvernance produits… De son côté, Céline Guillemette, fondatrice de CGestia, structure dédiée à l’accompagnement administratif, mais aussi réglementaire des cabinets de CGP, constate que « les CGP et courtiers se sentent souvent désarmés face aux évolutions successives de la réglementation et peuvent se trouver en retard dans leur mise en application. Mon ambition, avec CGestia, est de leur permettre d’atteindre les objectifs fixés par la loi, à savoir protéger l’épargnant mais aussi leur activité professionnelle ». Céline Guillemette a créé CGestia en mars 2020, après vingt années d’expérience dans les métiers de back-office, du contrôle interne et de gestion de projets. « La création de CGestia répond aux besoins des CGP et courtiers de se décharger de leurs tâches chronophages, qui n’ont cessé d’augmenter, pour se consacrer pleinement à leurs clients. » Ses missions, ponctuelles ou récurrentes, tournent essentiellement autour de :- la mise à jour réglementaire, avec l’intégration des documents communiqués par les associations professionnelles et le suivi des justificatifs transmis par leurs clients. « Dans la grande majorité des cas, les CGP souhaitent mieux appliquer la réglementation, mais rencontrent des difficultés dans la mise en place de solutions simples et fluides », observe-t-elle ;- la digitalisation du parcours client jusqu’à la signature électronique au sein des logiciels pour mieux répondre à leurs obligations ;- l’accompagnement administratif, notamment pour des campagnes de souscriptions et d’arbitrages, etc. ;- ou encore la formation du personnel administratif et de gestion des cabinets. Ces sociétés d’audit et de conseil mettent donc en lumière les conséquences que les lacunes réglementaires peuvent être préjudiciables pour les cabinets en cas de contrôle des autorités de tutelle ou des associations agréées. « Mon rôle est de sensibiliser et d’épauler les CGP dans la gestion de leur activité en fonction de leurs spécificités, à savoir les clients particuliers ou institutionnels qu’ils accompagnent et les produits qu’ils commercialisent, estime Ravy Joseph, fondateur il y a cinq ans de JR Conseils, dédié à l’accompagnement des cabinets de CGP dans leur conformité réglementaire, le plus souvent de façon ponctuelle, en réalisant un audit complet des structures. Il n’est malheureusement pas rare que des solutions distribuées ne conviennent pas au profil des clients. Nous sommes présents pour leur assurer leur bonne conformité en cas de changement dans la réglementation et mettre en oeuvre les moyens humains et informatiques nécessaires. Les logiciels dont ils disposent sont d’ailleurs souvent sous-utilisés. »De l’assistance au contrôle à la bonne commercialisation des produitsL’appel à ces sociétés de conseil vise à répondre aux différentes problématiques observées par les CGP au sein de leurs structures, entre articulation des différents statuts, conditions de commercialisation des produits complexes ou encore l’adaptation de leur organisation à leur stratégie de distribution.Vincent Boisseau ajoute que « les CGP font appel à nos services dans deux principaux cas de figure : d’une part, pour se rassurer sur la qualité de leur dispositif réglementaire et organisationnel ; et d’autre part, en cas d’événements extérieurs, principalement pour les assister lors d’un contrôle AMF ou d’association. D’autres CGP ont souscrit un abonnement annuel qui leur offre accès à un contrôle sur place, la revue de leurs dossiers clients, la hotline, notre newsletter ou encore la mise à jour de leurs documents en cas d’évolution réglementaire. Parmi les sujets sensibles que nous rencontrons fréquemment se trouvent :- la mauvaise commercialisation de produits, notamment étrangers, les FIA et autres produits atypiques. Le produit est-il commercialisable ou pas en France ? Auprès de quel type de client ? Puis-je démarcher ou non ? La documentation est-elle conforme ? En cas de doute, il est ici conseillé de mettre la pression sur les fournisseurs, avec des notes d’avocats précisant notamment les conditions de distribution des produits ;- une gouvernance produit incomplète, voire inexistante, tant pour la sélection des partenaires et des produits, que pour la mise en œuvre du marché cible (encore faudrait-il que cette information soit facilement disponible…) ;- le rattachement des opérations au mauvais statut Orias qui traduit une incompréhension de la réglementation ;- une transparence des frais mal exécutée ;- une information précontractuelle incomplète ;- une organisation comptable décalée par rapport aux attentes du régulateur. Dans tous les cas, nous apportons un nouvel éclairage sur la réglementation via notre expérience des points de vigilance de l’AMF et de la bonne organisation des cabinets, L’aspect didactique de nos explications est essentiel pour la bonne fin de la mission et la pérennité des conseils. » Louis-Grégoire Logre abonde : « Nos missions reposent sur deux axes importants, toujours dans l’idée de proposer des solutions opérationnelles. Il s’agit, d’une part, de la mise à jour des dossiers (DER, procédure LCBFT, rapport d’adéquation, etc.) et, d’autre part, de s’assurer de la bonne conformité lors de la sélection et du référencement de produits et de partenaires. Pour les CGP, les problématiques autour des FIA sont nombreuses, que ce soit pour la distribution d’actifs non cotés ou de droit étranger. »Paramétrer les outilsParce que la digitalisation permet d’industrialiser les process et de suivre les dossiers, les outils réglementaires sont devenus quasi-incontournables pour les CGP. Encore faut-il les avoir bien intégrés à son organisation… Chez CGestia, Céline Guillemette propose de paramétrer les outils logiciels de ses clients pour qu’ils en exploitent tout le potentiel. « Il est dommage que les CGP n’utilisent pas toutes les fonctionnalités qui sont à leur disposition », indique l’ancienne directrice générale adjointe d’un éditeur de logiciel et agrégateur de données de la profession. Agama Conseil dispose également d’un savoir-faire dans ce sens : « Les logiciels ne sont pas validés par les autorités de tutelle et pas toujours adaptés à l’organisation du cabinet ou sous-utilisés. Nous pouvons accompagner les CGP à paramétrer leurs outils en fonction de leurs besoins réglementaires, par exemple le suivi des profils, la mise en place d’alertes sur la mise à jour des dossiers entre autres » Source de coûts de plus en plus importants pour les CGP, le bon respect de la réglementation est un élément essentiel de la pérennité des cabinets; sans oublier sa valorisation…
Accompagner l’installation Pour épauler les nouveaux venus dans la profession (les inscrits au RCS et à l’Orias depuis moins de deux ans), Nortia a lancé l’Incubateur by Nortia, dont l’une des premières missions concerne le réglementaire. « Lorsque les CGP s’installent ou envisagent de s’installer, leur plus grosse préoccupation concerne les aspects réglementaires. Cela peut même les conduire à renoncer… Si beaucoup d’outils sont proposés par les associations professionnelles ou groupements de CGP, nous avons développé une approche globale de la mise en application des diverses réglementations sur tous les aspects : distributions de produits complexes, profil de risque, possibilité ou non de faire de la RTO selon les produits et types de client, transparence des frais… Tous ces aspects réglementaires sont intégrés dans les outils que nous leur mettons à disposition, y compris pour les CGP déjà installés. » Outre ces aspects liés à la réglementation, l’offre de Nortia inclut également des services en matière de back-office, de formation, d’ingénierie patrimoniale ou encore d’ingénierie financière.