Dès 1992, la sauvegarde de la biodiversité s’invitait au cœur des débats avec la signature de la Convention pour la Diversité Biologique(¹) lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro. Depuis, l’urgence climatique a relayé cette préoccupation pourtant essentielle au second plan. Alors qu’une prise de conscience collective tend toutefois à s’opérer, comment appréhender ce concept aux imbrications tentaculaires ?
Une terminologie aux implications multiples Contraction des termes “biologique” et “diversité”, “biodiversité” signifie “diversité du vivant” et désigne la pluralité des espèces et des écosystèmes. Si ce concept s’avère relativement simple à définir, il se révèle bien plus difficile à appréhender puisqu’il englobe l’ensemble des espèces (micro-organismes, végétaux, animaux) amenées à cohabiter au sein d’un même milieu. L’hétérogénéité est telle, qu’il est extrêmement difficile d’en saisir toutes les nuances. Ces organismes, dont la diversité est source de résilience, nouent des relations d’interdépendance (absorption de CO2, chaîne alimentaire, pollinisation…) qui contribuent au maintien d’un équilibre souvent fragile qu’une seule rupture peut irrémédiablement briser. Biodiversité et climat : une seule et même cause Sauvegarde de la biodiversité et atténuation du changement climatique sont deux problématiques fondamentalement liées. La biodiversité se voit nécessairement affectée par le dérèglement climatique et ses conséquences (sécheresse, fonte des glaces, montée des eaux…) qui perturbent des équilibres de plus en plus précaires et nuisent à l’ensemble des espèces, l’Homme y compris. De l’autre côté, les dégâts provoqués au sein des écosystèmes (déforestation, surpêche, pollution des cours d’eau…) ont un impact significatif sur la régulation du climat. La destruction de la forêt amazonienne constitue certainement l’exemple le plus significatif. Chercher à agir sur l’un en négligeant l’autre risquerait d’en diminuer sensiblement l’impact. L’érosion de la biodiversitéAu cours des dernières décennies, les problématiques liées à la biodiversité ont souvent été éclipsées par la question climatique. Le diagnostic n’est pourtant pas moins alarmant, bien au contraire. Dans son ensemble, la biodiversité aurait diminué de 28% entre 1970 et 2008, selon l'indice Planète Vivante du WWF(2). Si rien ne change, l’ONU estime que l'urbanisation, la déforestation et les pratiques agricoles actuelles pourraient entraîner la dégradation de 16 millions de km2 de terres d'ici à 2050(3), soit la superficie de l’Amérique du Sud. De son côté, l’IPBES(4), équivalent du GIEC(5) pour la biodiversité, signale que 75% des milieux terrestres et 66% des milieux marins ont été sévèrement dégradés par l’Homme quand 85% des zones humides mondiales ont disparu et 1 million d’espèces se retrouvent actuellement menacées d’extinction. L’organisme a également identifié cinq “pressions” à l’origine de 90% des pertes de biodiversité : la destruction des habitats terrestres et marins, la surexploitation des ressources, le changement climatique, la pollution ou encore les espèces exotiques envahissantes. Des pressions essentiellement liées à l’activité humaine.
Les trois niveaux d’organisation de la diversité biologique :
• Diversité écologique : diversité des écosystèmes
• Diversité spécifique : diversité des espèces au sein d’un écosystème
• Diversité génétique : diversité des allèles au sein d’une espèce, une caractéristique essentielle pour leur adaptabilité et leur survie
Un maillon essentiel de nos chaînes de valeurL’Homme, essentiellement à travers ses activités économiques, exerce un impact négatif considérable sur la biodiversité et contribue directement aux cinq pressions identifiées par l’IPBES, que ce soit de manière structurelle ou ponctuelle. Pourtant, la biodiversité joue un rôle primordial pour la santé de l’économie. Cette relation de dépendance a donné lieu à la formalisation des concepts de “services écosystémiques” et de “capital naturel”. Les premiers correspondent aux services rendus par la nature (pollinisation, absorption de gaz à effet de serre, filtration de l’eau, etc.), le second, à l’ensemble des actifs naturels renouvelables (animaux, végétaux, etc.) et non-renouvelables (minéraux, etc.) à l’origine desdits services. Si le capital naturel équivaut à un stock, les services écosystémiques se rapportent à une logique de flux, mais tous deux sont intrinsèquement liés à la biodiversité et son déclin engendre un risque économique et financier non négligeable.
Ce que vaut la naturePour appréhender la contribution de la nature aux activités humaines, le Forum économique mondial a déterminé que plus de la moitié du PIB mondial, environ 44 000 milliards de dollars(6), serait potentiellement menacée par la perte de biodiversité. De la même manière, des chercheurs ont pu évaluer la contribution de la biodiversité à différents secteurs économiques. La disparition des pollinisateurs (abeilles et bourdons) menacerait, par exemple, 5% à 8% de la production agricole mondiale(7) soit, entre 235 et 577 milliards de dollars(7). Plus d’un tiers de la population mondiale et des pans entiers de nos économies, vouées notamment à répondre à des besoins primaires, dépendent directement de la nature et des composantes, parfois microscopiques, de la biodiversité. Il convient donc de prendre pleinement la mesure de cette dépendance et des répercussions de nos activités afin d’éviter d’engendrer un effet domino difficilement maîtrisable.
Le secteur financier, un levier puissant en faveur de la biodiversitéDans la continuité de notre démarche d’investisseur responsable et de nos initiatives en faveur du climat, nous avons intégré le groupe de travail de Finance for Tomorrow(8) sur la thématique de la biodiversité. Nous souhaitons ainsi être en mesure d’appréhender au mieux cette question, de sensibiliser les acteurs économiques vis-à-vis de leur impact et contribuer à faire émerger et à diffuser les meilleures pratiques, voire, à agir en faveur d’une évolution de la réglementation. Nous avons également noué un partenariat avec Carbon4 Finance(9) et CDC biodiversité(10), deux organismes de référence sur les questions environnementales, afin de mesurer l’impact de nos investissements tout en cherchant à en identifier les principales causes. En ce sens, nous souhaitons définir la méthodologie et les indicateurs les plus pertinents pour permettre la prise en compte des risques et opportunités qui leurs sont liés et, in fine, contribuer à diriger les flux financiers vers les acteurs porteurs de réponses concrètes à cet enjeu clé de la transition vers un monde durable.
(1) CDB ou convention de Rio : traité international adopté à Rio de Janeiro en 1992 avec pour objectifs principaux : la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.(2) Source : Rapport Planète Vivante, Biodiversité, biocapacité : faisons les bons choix, WWF, 2012.(3) Source : Global Land Outlook, Land Restoration for Recovery and Resilience, United Nations, 2022.(4) IPBES : Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.(5) GIEC : Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est créé en 1988 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement et l’Organisation météorologique mondiale et rassemble 195 membres.(6) Source : Why the Crisis Engulfing Nature Matters for Business and the Economy, Risk Rising, 2020.(7) Source : Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, IPBES, 2019.(8) Organisation française réunissant l'ensemble des acteurs privés, publics et institutionnels de la Place de Paris, désireux de s’engager pour une finance durable.(9) Cabinet de conseil indépendant spécialisé dans les enjeux énergie et climat.(10) Filiale de la Caisse des dépôts développant des solutions en faveur de la préservation de la biodiversité
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