Règlement SFDR : le point sur les dernières évolutions

17/10/2024 - source : Profession CGP

Par Ophélie Mortier, Chief Sustainable Investment Officer chez DPAM

La Commission européenne (CE) et les Autorités européennes de surveillance (AES) ont partagé leurs positions sur la révision du règlement relatif à la divulgation d’informations sur le financement durable (Sustainable Finance Disclosure Regulation - SFDR). Il est intéressant d’examiner ces points de vue afin d’anticiper l’évolution de cette réglementation.

Le 18 juin, les AES ont publié un avis commun sur l’évaluation du SFDR, adressé à la Commission européenne. Les AES reconnaissent que le cadre du SFDR pourrait être renforcé, notant que les informations fournies peuvent être complexes et difficiles à appréhender pour les investisseurs retail. Elles partagent le point de vue de la CE selon lequel les produits des articles 8 et 9 ont été utilisés comme des « labels de qualité » pour la durabilité, ce qui pose des risques d’écoblanchiment et de vente abusive.

Pour atténuer ces risques, les AES se concentrent sur plusieurs points clés :

- L’introduction d’un système de catégorisation et/ou d’un indicateur de durabilité pour les produits financiers afin de simplifier les informations à fournir et d’aider les investisseurs retail à mieux comprendre le profil de durabilité de ces produits.

- Réexamen de la définition de l’« investissement durable » sous l’article 2, paragraphe 17, de la SFDR et de son articulation avec un système de catégorisation.

- Élargir la gamme des produits concernés par la SFDR.

- Simplifier la documentation.

- Améliorer la transparence concernant les effets négatifs des produits financiers sur le développement durable.

 Développer un cadre pour évaluer les critères de durabilité des obligations d’État, en tenant compte des caractéristiques spécifiques de cette classe d’actifs.

De plus, l’avis comprend une série de modifications techniques que la CE peut considérer dans son évaluation de la SFDR.

 

Les principales recommandations des AES à la CE

1. La CE pourrait envisager l’introduction d’un système de classification des produits, basé sur des catégories réglementaires et/ou des indicateurs de durabilité, afin d’aider les consommateurs à s’orienter dans la vaste sélection de produits et de soutenir une transition complète vers la finance durable.

Les catégories doivent être simples et comporter des critères ou des objectifs clairs, afin d’identifier à quelle catégorie le produit appartiendra. Les AES encouragent, du moins les catégories « durabilité » et « transition ».

Les catégories doivent être simples et comporter des critères ou des seuils objectifs clairs permettant d’identifier la catégorie à laquelle appartient le produit. Les ASE encouragent au moins les catégories « durabilité » et « transition ».

Les produits durables devront respecter un « seuil de durabilité » minimum dans le cadre des investissements du produit. Pour les produits durables sur le plan environnemental, ce seuil devrait être basé sur des investissements dans des activités économiques alignées sur la taxonomie. L’alignement taxonomique minimum requis pourrait évoluer au fil du temps, car celles-ci devraient augmenter dans les années à venir.

Les composantes d’investissement qui ne sont pas alignées sur la taxonomie devraient au moins respecter le principe DNSH (Do No Significant Harm) pour les objectifs environnementaux et sociaux et les exigences de bonne gouvernance, à condition que ces concepts soient définis de manière plus précise qu’ils ne le sont actuellement dans la SFDR. En l’absence de spécifications appropriées, le principe DNSH pourrait entraver la comparabilité des produits et contribuer à l’incertitude juridique à laquelle sont confrontés les acteurs des marchés financiers. Pour pouvoir appliquer cette catégorie à l’ensemble des produits, la durabilité des obligations d’État pourrait être évaluée.

Les produits de transition doivent se concentrer sur l’investissement dans des activités économiques ou des actifs qui ne sont pas encore durables, mais qui progressent au fil du temps, afin de devenir durables d’un point de vue environnemental ou social. Les stratégies d’investissement de ces produits pourraient utiliser une combinaison d’indicateurs clés de la taxonomie européenne pour montrer l’amélioration progressive de la performance environnementale, les plans de transition divulgués par les actifs sous-jacents, les trajectoires de décarbonisation des produits et l’atténuation des principaux effets néfastes. Des indicateurs spécifiques et pertinents devraient être conçus et un niveau minimum d’atténuation devrait être défini dans le SFDR.

De plus, cette catégorie de produits pourrait considérer certaines exclusions et certains critères appropriés, afin de s’assurer qu’un plan de transition est crédible. Les AES suggèrent qu’une part réaliste des investissements soit initialement conforme aux exigences des produits de transition, puis qu’elle augmente au fil du temps. Cette approche inclurait les produits à long terme tels que les fonds de pension, qui font face à des restrictions ou à des mesures dissuasives pour modifier leur allocation d’actifs au fil du temps.

Les transparences obligatoires devraient clarifier des objectis à courts et longs termes, y compris les cibles et étapes importantes.

Par ailleurs, il ne sera pas nécessaire d’appliquer le principe DNSH à tous les investissements qui soutiennent des activités actuellement nocives, mais qui sont sur une trajectoire de transition, ou dans des activités qui sont définitivement nocives, mais qui sont en cours de déclassement. Cela pourrait être démontré par des plans de transition mesurables de la part des entreprises engagées dans de telles activités nuisibles.

2. Un indicateur de durabilité peut se référer à la durabilité environnementale, à la durabilité sociale ou aux deux, illustrant pour les investisseurs les caractéristiques de durabilité d’un produit dans une échelle ;

3. Les options relatives à la catégorisation des produits et/ou aux indicateurs de durabilité devraient être testées auprès des consommateurs et faire l’objet d’une consultation. Si les catégories de produits et/ou les indicateurs de durabilité sont clairs, les informations sur la durabilité n’auront pas besoin d’être aussi détaillées et étendues ;

4. La CE devrait reconsidérer la coexistence de l’« investissement durable » dans la SFDR et de l’investissement aligné sur la taxonomie européenne. La taxonomie européenne est une référence scientifique pour la durabilité environnementale, tandis que la SFDR est davantage fondée sur des principes. La CE devrait donner la priorité à l’achèvement de la taxonomie européenne et à son extension à la durabilité sociale.

5. Les AES recommandent vivement à la CE de s’assurer que les informations sur le développement durable répondent aux différents besoins des investisseurs, et que les améliorations apportées prennent en compte les différents canaux de distribution, y compris numériques, et garantissent la cohérence des informations fournies. La Commission devrait donner la priorité aux seules informations essentielles pour les investisseurs retail, tandis que les investisseurs professionnels pourraient bénéficier d’informations plus détaillées.

6. La CE pourrait réfléchir attentivement à l’opportunité d’inclure d’autres produits dans le champ d’application de la SFDR, afin de garantir l’harmonisation des informations à la fois pour les produits actuellement dans le champ d’application de la SFDR et pour tout ceux susceptibles d’être inclus dans ce champ d’application ;

7. L’information sur les principaux indicateurs d’impact négatif pourrait être envisagée pour tous les produits financiers, sur la base d’une analyse coût-bénéfice justifiant l’introduction d’une telle exigence ;

8. La CE pourrait évaluer l’introduction d’un cadre pour évaluer les caractéristiques de durabilité des obligations d’État, en tenant compte des spécificités de cette classe d’actifs.

Les propositions s’alignent de près sur les résultats de la consultation de la SFDR et sur les développements récents, notamment en ce qui concerne les produits « durables » et « de transition ». Toutefois, les points de vue divergents des régulateurs nationaux indiquent qu’une décision finale sur l’avenir de la SFDR est encore loin d’être prise.

 

Naviguer dans les investissements durables : Le dernier avis de l’AEMF

Le 24 juillet, l’ESMA a publié un avis essentiel visant à améliorer le parcours des investisseurs durables. Voici une analyse des points clés, qui confirment les principales tendances identifiées dans l’avis conjoint, analysé ci-dessus :

- La taxonomie européenne : Devrait être la principale référence pour l’évaluation de la durabilité, intégrée dans la législation sur la finance durable et élargie pour inclure les aspects sociaux. La définition de l’investissement durable de la SFDR devrait être progressivement abandonnée au fur et à mesure que la taxonomie européenne est complétée.

- Investissements de transition : Des définitions juridiques sont nécessaires pour soutenir la transition.

-Exigences de transparence : Élaborer des informations minimales sur le développement durable, assorties d’indicateurs clés de performance (KPIs). Fournir des informations essentielles aux investisseurs retail et des détails complets à tous les investisseurs. Utiliser des documents numériques et veiller à ce que les noms des produits, les documents de marketing et les profils de durabilité soient alignés.

- Catégorisation des produits : Rationaliser la manière dont les investisseurs expriment leurs préférences en matière de durabilité grâce à un nouveau système de catégorisation.

- Fournisseurs de données ESG : Assurer la fiabilité et la normalisation des données ESG, en intégrant ces produits dans le cadre réglementaire.

- Diligence raisonnable : Appliquer les obligations de diligence raisonnable à tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’investissement.

- Déclarations d’engagement : Standardiser les déclarations sur les efforts d’engagement dans le cadre de l’examen de la SFDR.

- Code de bonne gestion : Proposer la création d’un code de bonne gestion au niveau de l’UE.

Ces recommandations visent à créer un environnement plus transparent, plus fiable et plus favorable aux investisseurs pour les investissements durables.

 Nous continuons à suivre de près l’évolution de la réglementation afin de nous assurer que notre positionnement durable reste aligné non seulement sur les réglementations, mais aussi sur les meilleures pratiques dans ce domaine.