Le recours gracieux adressé voilà quelques semaines au Premier ministre du gouvernement Macron I étant resté sans réponse, l’association a déposé, vendredi dernier, un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d’Etat auquel est jointe une QPC. L’ANCDGP considère le dispositif non conforme aux directives.
L’Association nationale des conseils en gestion de patrimoine (ANCDGP) avait déposé un recours gracieux auprès du Premier ministre visant à l’abrogation du décret de mise en œuvre de la réforme du courtage (à compter du 1er avril 2022 pour les nouveaux entrants dans ces professions, et à partir du 1er janvier 2023 pour les professionnels en exercice). Selon l’association, la réforme serait, en effet, contraire à l’article 12 de la directive sur la distribution d’assurance (DDA) selon laquelle les intermédiaires d’assurance ne peuvent être contrôlés par des associations dont les membres comprennent directement ou indirectement des intermédiaires d’assurance ou de réassurance. Par ailleurs, l’association, présidée par Philippe Loizelet, observe qu’il y a discrimination à rebours, puisque les intermédiaires français se voient imposer un traitement moins favorable (l’obligation d’adhérer à une association, alors qu’ils sont déjà soumis aux contrôles de l’Orias et de l’ACPR) que les ressortissants des autres Etats membres exerçant en France au titre de la libre prestation de service ou de la liberté d’établissement.
Faute de réponse de la part du gouvernement, l’ANCDGP, représentée par Maître Safine Hadri, a déposé, vendredi dernier, un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d’Etat, auquel est jointe une question prioritaire de constitutionnalité, contre le décret n°2021-1552 du 1er décembre 2021 pris en application de la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 introduisant la réforme du courtage, « en raison de son illégalité résultant de la violation de nombreux principes constitutionnels et du droit européen ».
Le recours pour excès de pouvoir est complété, « à titre subsidiaire par une question préjudicielle, qui devrait être transmise par le Conseil d’Etat à la Cour de justice de l’Union européenne en cas de doute sur l’illégalité des dispositions européennes, soulevée par l’ANCDGP ».
L’ANCDGP, par la voix de son président Philippe Loizelet, veut ainsi clarifier le « dispositif légal et réglementaire face aux questionnements soulevés par une loi censée, pourtant, assurer la transposition parfaite dans notre droit national, des dispositions européennes unifiant les obligations à tous les intermédiaires en opérations de banque et en assurance. C’est dans cette même logique d’intelligibilité des textes recherchée que, dans le cadre de son recours, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), aux fins de clarification des dispositions de la loi n°2021-1552 du 8 avril 2021, a été posée par l’ANCDGP ».
Pour mémoire, les principaux arguments développés par l’ANCDGP sont, depuis les premières discussions politiques :
« - la contrariété évidente du nouveau dispositif à la Directive (UE) 2016/97 sur la distribution d’assurances (DDA) ainsi qu’aux principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions, dans la mesure où les organes de contrôle introduits par la loi du 8 avril 2021 sont, en réalité, des associations agréées composées d’intermédiaires d’assurance disposant du pouvoir de contrôle et de sanction sur leurs propres pairs ;
- l’atteinte manifeste au principe d’égalité devant la loi qui n’est justifiée par aucun motif d’intérêt général, et notamment le fait que les IOBSP soient soumis à l’obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée, contrairement à certaines catégories d’IOBSP telles que les mandataires exclusifs et non exclusifs, ou encore les agents généraux d’assurance – qui, contrairement aux autres intermédiaires d’assurance sont exonérés des nouvelles obligations alors qu’ils sont majoritairement courtiers en sus de leur mandat d’agent ;
- l’indubitable violation des libertés d’association, syndicale et d’entreprendre, dès lors que le refus ou le retrait de l’adhésion à une association professionnelle génère une impossibilité de s’immatriculer auprès de l’Orias, et de facto d’exercer notre profession. »
Enfin, l’ANCDGP regrette que « la direction générale du Trésor ait persisté à défendre ce texte, alors même que le Conseil constitutionnel l’avait déjà rejeté une première fois, en tant que cavalier législatif dans la loi Pacte. En effet, les nouvelles dispositions ajoutées au code des assurances et au code monétaire et financier, instaurent un dispositif lourd, coûteux, redondant, et, surtout, non conforme aux dispositions constitutionnelles et européennes. In fine, cette fragilité juridique sera intégralement supportée par les associations agréées, et donc finalement, par une partie des professionnels de l’intermédiation en banques et en assurances, uniques contributeurs de ces dispositifs. D’autres alternatives, quant à elles conformes au droit européen et national, auraient permis, à moindre coût, sans discrimination ni risques juridiques, d’atteindre l’objectif poursuivi et annoncé : la protection des consommateurs. »