Pourquoi associer ses collaborateurs

01/10/2024 - source : Investissement Conseils

L’association de professionnels du patrimoine entre eux est fréquente. Celle de collaborateurs beaucoup moins. Pourtant, cette démarche peut s’avérer bénéfique pour le cabinet et les clients car elle renforce la dynamique de l’entreprise et permet de fidéliser les talents. Illustrations.

Alors que le marché des cabinets de conseil en gestion de patrimoine se consolide via l’apport financier de fonds de Private Equity, d’autres dirigeants font le choix de l’humain en associant des collaborateurs pour pérenniser leur activité. Plusieurs initiatives de ce type sont bien connues. En effet, certaines « grosses » structures, soutenues par des actionnaires externes, ont fait le choix de faire entrer à leur capital des salariés, comme c’est le cas chez Cyrus Conseil ou Groupe Premium. Autre exemple, chez Patrimum Groupe, les conseillers sont tous associés. Des dirigeants de cabinets de plus petite taille ont également décidé d’associer leurs collaborateurs. Tour d’horizon de leurs motivations, avec quelques exemples d’opérations.Quels objectifs  ?Cela reste une pratique peu répandue, comme l’expose Virginie Tricoit, présidente de la commission vie des cabinets au sein de la CNCGP (Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine) : « Nous avons reçu quelques demandes de renseignement récentes sur ce sujet, notamment après la crise sanitaire, mais cela reste malheureusement marginal ».Fidéliser ses collaborateursNéanmoins, cela pourrait prendre de l’ampleur car le recrutement de collaborateurs est difficile, comme dans tout secteur aujourd'hui. « Dès lors que le dirigeant est satisfait de son employé, il a tout intérêt à l’associer pour le fidéliser, note Virginie Tricoit. Sa motivation et sa volonté de monter en compétences seront d’autant plus forte au quotidien. Cela est valable aussi bien pour les profils commerciaux qu’administratifs. En effet, les collaborateurs de middle et back-office sont des éléments centraux dans la vie du cabinet : ils gèrent les appels, réalisent des actes de gestion au quotidien… » Permettre au salarié du cabinet de tirer profit de la réussite du cabinet et ainsi éviter qu’il n’aille voir si l’herbe est plus verte ailleurs est souvent l’une des principales motivations de l’ouverture du capital. « Anticiper cette possibilité lors de la phase de recrutement donne du poids et de la crédibilité au projet du cabinet », souligne Virginie Tricoit. D’une manière plus globale, elle se veut favorable au partage de la valeur au sein des cabinets. « Nous encourageons les dirigeants de cabinet à partager avec leurs collaborateurs la réussite de leur structure. Avant l’association pure et simple, ils peuvent mettre en place une politique d’intéressement et de participation, encore peu exploitée, qui a des vertus fédératrices, permettant de rassembler les collaborateurs autour d’enjeux communs. Cela est aussi un bon moyen pour leurs collaborateurs de se constituer de l’épargne en vue de la reprise de la structure ».Pourquoi associer ses collaborateurs 01Passer le relais progressivementOutre la fidélisation et la motivation des collaborateurs, l’association peut avoir comme but de transmettre l’entreprise aux salariés, même si les niveaux de valorisation sont actuellement élevés. Virginie Tricoit affirme ainsi que « L’objectif du dirigeant peut aussi être de transmettre, à terme, son cabinet à des collaborateurs partageant la même vision du métier ».Renforcer l’entrepriseAssocier ses collaborateurs permet de solidifier la direction de l’entreprise avec des décisions prises de manière collective. De même, la pérennité du cabinet est assurée en cas de décès de son dirigeant. « L’association peut également avoir pour but d’assurer la pérennité du cabinet, notamment chez les petites structures, confirme Virginie Tricoit. Pour le dirigeant, il s’agit également de partager la direction de l’entreprise, et de se confronter et se conforter dans ses choix stratégiques. Réfléchir à plusieurs est très précieux et cela rassure les équipes. » Dans un premier temps, l’ouverture du capital se fait de façon minoritaire par la cession de parts – et non par une augmentation de capital. « L’intégration au capital d’un collaborateur peut se faire de façon progressive avec une montée en puissance au fil du temps, notamment lorsque l’objectif est la transmission du cabinet », ajoute Virginie Tricoit.Trois exemples concretsVoici trois illustrations d’ouverture du capital, réalisée par Alicia Elofer, fondatrice du cabinet AS Finance Conseil, Jean-Olivier Ousset et Hélène Barraud-Ousset, dirigeants du Centre du patrimoine, et Emmanuel Barrochin, fondateur et dirigeant du cabinet Valorys Gestion Privée.Une transmission sur le long termeFondatrice d’AS Finance Conseil, un cabinet basé à Paris (seize collaborateurs et 700 millions d’euros d’encours), Alicia Elofer a ouvert son capital à deux de ses conseillers, Christopher Jeanne et Maxime Siffroi, il y a un peu plus d’un an. « Alors que je connaissais Christopher Jeanne depuis longtemps, il m’a fait entrer au sein du cabinet il y a onze ans, confie Maxime Siffroi. Après quelques années et alors que nous sommes très complémentaires, Alicia nous a progressivement “incubés” et fait monter en puissance. Des discussions sur une potentielle association ont été ouvertes il y a quelques années, et elle a fait le choix de nous associer plutôt que de vendre à un consolidateur du marché ou un fonds de Private Equity. Son idée était de préserver les intérêts de sa marque, de ses clients et de ses collaborateurs. » Désormais actionnaires minoritaires, les deux associés prennent davantage de responsabilités au sein du cabinet, bien que Maxime Siffroi reconnaisse qu’Alicia les impliquait déjà dans certaines décisions. Après cette première acquisition de parts, l’objectif est d’augmenter leur participation au capital, ainsi que potentiellement celle d’autres conseillers de la structure. « Faire monter des collaborateurs est un bon moyen de les fidéliser et de solidifier le cabinet », note Maxime Siffroi. L’objectif final d’Alicia Elofer est de progressivement réduire sa participation dans le capital et de transmettre petit à petit son cabinet. « Nous prenons le temps d’apprendre à être actionnaires et dirigeants du cabinet, explique Maxime Siffroi. Associer ses collaborateurs est, selon moi, un bon modèle de pérennisation des entreprises. »Pourquoi associer ses collaborateurs 02Fidéliser un talentC’est dans ce but que Jean-Olivier Ousset et Hélène Barraud-Ousset décident d’associer Xavier Girard au développement de leur structure. Arrivé au sein du Centre du patrimoine (basé à Toulouse) en tant que stagiaire en 2014 pour y développer le site d’épargne en ligne Epargnissimo, Xavier Girard passe ensuite son master 2 en Gestion de patrimoine en tant qu’alternant. Devenu salarié et toujours en charge du développement d’Epargnissimo, son objectif est également de développer sa propre clientèle en gestion privée. « Nous étions très satisfaits de son travail et nous souhaitions également accéder à son désir de s’occuper de ses propres clients. Il nous a fallu trouver le meilleur modèle d’association possible. Notre choix a été de créer une nouvelle Business Unit, filiale du Centre du patrimoine », expose Jean-Olivier Ousset. Xavier Girard affirme ainsi que « L’aventure Epargnissimo a été – et est toujours – passionnante, avec ses aspects marketing, communication, relation-fournisseurs… Mais j’avais l’envie d’entreprendre et d’aller sur le conseil en gestion de patrimoine à 360°. Je ne serai pas resté longtemps salarié… » La filiale est alors créée en septembre 2018. Dès lors, Xavier Girard y développe sa propre clientèle et bénéficie des moyens techniques et humains, des locaux, ainsi que la marque du Centre du Patrimoine. Pour constituer sa clientèle, il s’appuie d’abord sur Epargnissimo, en captant les clients ayant des besoins de gestion privée. Depuis, il a également développé une branche franco-portugaise. Quelques années plus tard, à l’occasion de la réorganisation du capital d’Epargnissimo, Xavier Girard en devient également actionnaire. « C’était naturel qu’il le devienne », admet Jean-Olivier Ousset. En tant qu’actionnaire, Xavier Girard partage l’ensemble des décisions avec Jean-Olivier Ousset et Hélène Barraud-Ousset. « Recrutement, orientation de développement, management des équipes, toutes nos décisions sont prises de façon collégiale et nous réfléchissons à nos orientations de développement à court, moyen et long terme ensemble », indique-t-il. Jean-Olivier Ousset se dit pleinement convaincu par ce modèle d’association qui responsabilise les conseillers. « Nous ne nous interdisons pas de développer d’autres branches de gestion privée comme avec Xavier, notamment en région ou à Paris. Après avoir vécu diverses expériences avec des salariés CGP, je suis convaincu que ce modèle est le meilleur, car il assure un bon équilibre des intérêts croisés. Il permet également au collaborateur de bien prendre conscience des tenants et aboutissants de son activité  ; cela le rend plus responsable. Dans tous les cas, c’est avant tout l’humain qui guidera notre souhait de nous associer. Cela permet à la fois de développer le cabinet, d’assurer sa pérennité et, à plus long terme, d’assurer sa transmission. »Pérenniser l’activité du cabinetEmmanuel Barrochin, dirigeant-fondateur du cabinet Valorys Gestion Privée, situé à Paris, membre du groupement CGP Entrepreneurs, a décidé d’associer sa collaboratrice, Christelle El Gourdou. « Il y a une vingtaine d’années, Christelle était ma partenaire dans le montage de crédit immobilier pour le compte de mes clients patrimoniaux, indique-t-il. Nous avons pu apprécier mutuellement la complémentarité de nos compétences, et c’est naturellement que je lui ai proposé de me rejoindre, en 2020, pour parer à une activité de plus en plus soutenue au sein du cabinet. » Après la fermeture de la filiale bancaire au sein de laquelle elle travaillait, Christelle El Gourdou décide d’achever sa formation à Sciences Po afin de renforcer ses compétences dans le cadre d’un master en Stratégie et financement complexe de l’immobilier. Suite à l’obtention de son diplôme, elle répond favorablement à Emmanuel Barrochin et intègre le cabinet. « Je n’étais pas du métier, mais j’ai accepté de relever le défi », estime-t-elle. Ses différentes expériences au sein de grands groupes bancaires lui ont permis d’acquérir la rigueur et le respect des différents process nécessaires à l’activité du cabinet. « A travers ses compétences et son investissement remarquable, Christelle a grandement contribué à structurer et développer le cabinet, soutient Emmanuel Barrochin. Ces années de collaboration, ont confirmé notre philosophie commune de travail, fondée sur la qualité du conseil et la satisfaction de nos clients qui restent notre priorité au sein de Valorys Gestion Privée. Le développement du cabinet et la nécessité de déterminer une stratégie long terme m’ont naturellement conduit à proposer à Christelle de devenir mon associée. Je reconnais que cette association est un certain soulagement au quotidien pour la gestion du cabinet et, à terme, pour la pérennité de Valorys Gestion Privée. » Cette association leur a permis de sceller leur complémentarité, notamment à travers la prise de décisions stratégiques comme la création du fonds Tilos et le recrutement de nouveaux collaborateurs. Elle a été très bien accueillie par l’ensemble des clients, appréciant cette parité homme-femme et l’esprit d’équipe qui ressort de cette collaboration. Les deux dirigeants sont ouverts à l’arrivée de nouveaux associés : « Si un collaborateur partage notre philosophie de travail et notre engagement au quotidien, il nous semble naturel de l’associer. Cela renforce davantage le “sentiment d’appartenance” et représente une opportunité d’avenir, tant pour notre cabinet que pour le collaborateur », conclut Emmanuel Barrochin.