Par Clément Vaudandaine, responsable conformité et formation chez CGP Entrepreneurs
Face à l’évolution constante des réglementations, les conseillers en gestion de patrimoine libéraux (CGP) sont appelés à redéfinir en permanence leurs pratiques commerciales et de conformité pour mieux répondre aux besoins changeants des investisseurs et leurs activités. Au vu de la complexité des parcours client et administratif, ils ont la possibilité de se faire accompagner par des experts pour exercer leurs métiers, conserver leurs agréments, préparer les contrôles des autorités et réduire les risques, notamment l’interdiction d’exercer et les sanctions financières.
En forte croissante depuis sa création dans les années 1970, le métier de conseiller en gestion de patrimoine a connu de nombreuses transformations. Afin de s’adapter à la complexité croissante des besoins des clients et des marchés financiers, les CGP ont élargi leurs domaines de compétences au fil du temps. Si bien qu’aujourd’hui, les cabinets disposent d’une grande liberté et flexibilité dans leur offre de conseil en gestion de patrimoine. Leur gamme de services peut inclure un large éventail de domaines d’expertises, telles que les placements financiers, la planification successorale, le courtage en assurance ou en opérations de banque, et la gestion immobilière.
Un métier réglementaire et réglementé
Cet enrichissement de la gestion de patrimoine s’est accéléré ces dernières années suite à l’entrée en vigueur en 2018 de trois réglementations aux implications différentes : la directive Marchés d’instruments financiers (MIF II), la directive Distribution d’assurances (DDA) et le règlement Packaged Retail Investment and Insurance-based products (Priips). MIF II a été mise en place pour améliorer la transparence des marchés et la protection des investisseurs. DDA a permis d’harmoniser les méthodes de distribution des produits d’assurance. Priips est venue uniformiser les informations fournies aux clients dans le cadre d’un investissement. Leurs effets combinés ont professionnalisé et accéléré la spécialisation des conseillers en gestion de patrimoine dans les métiers de la finance, de l’assurance, de la banque et de l’immobilier. Cette variété d’expertises fait partie des aspects attrayants de cette profession passionnante, parmi lesquels figurent également une relation client privilégiée, la personnalisation des conseils et l’indépendance professionnelle.
Suscitant un intérêt croissant des chefs d’entreprises, des entrepreneurs et des personnes en reconversion, l’activité de CGP est cependant un métier réglementaire et réglementé. Dans le cadre de leurs interactions quotidiennes avec leurs clients, les CGP affrontent un véritable maquis réglementaire. La protection de la clientèle, la sensibilisation des acteurs, la transparence des opérations et la gouvernance des produits font partie des nombreuses exigences de conformité.
Se mettre en règle est une tâche lourde et chronophage. Les CGP consacrent 40 à 50 % de leurs temps au parcours administratif qui est très exigeant. De par leur activité libérale, ils ne sont rattachés à aucun réseau – banque ou compagnie d’assurance – et ne bénéficient pas de ressources supplémentaires dans ce domaine. Souvent spécialistes produits ou commerciaux, ils sont livrés à eux-mêmes pour respecter les normes en vigueur. Afin de se conformer à des réglementations en perpétuelle mouvance, de plus en plus de conseillers choisissent de se faire accompagner par des groupements de CGP ou des prestataires externes spécialisés. Offrant des services sur mesure, ces acteurs les aident dans le fléchage vers le parcours administratif, dans l’identification des besoins réglementaires et dans la structuration de leur cabinet et de leurs pratiques commerciales et de conformité.
Une histoire de statuts et d’agréments
Se lancer en tant qu’indépendant est un vrai parcours du combattant. Après s’être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS), l’entrepreneur doit s’inscrire au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance dont a la charge l’Organisme de référencement des intermédiaires en assurance (Orias). Son rôle est de vérifier que l’ensemble des conditions administratives sont réunies pour qu’une personne puisse exercer et qu’elle dispose des agréments spécifiques à chaque métier. Encadré par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et réglementé par le Code monétaire et financier, le statut de conseiller en investissements financiers (CIF) permet de faire des recommandations personnalisées sur des opérations sur des instruments financiers (SCPI, FIP, FCPR, GFI, etc.). Proposer du conseil sur des contrats d’assurance-vie, des contrats de capitalisation et des plans d’épargne-retraite relève du statut d’intermédiaire en assurance (IAS) assujetti au Code de l’assurance. Un conseiller a aussi la possibilité d’exercer les activités d’intermédiaire en opérations de banque et services de paiement (IOBSP) et d’agent immobilier. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) supervise les activités IAS et IOBSP. La Chambre de commerce et d’industrie délivre la carte professionnelle pour les activités immobilières. En cumulant les statuts, un CGP aura l’offre la plus complète possible.
Au préalable, il devra obligatoirement adhérer à une association professionnelle agréée par l’AMF ou l’ACPR, selon le métier envisagé, et justifier auprès d’elle qu’il a la formation et l’expérience professionnelle pour l’exercer. Les organisations sont nombreuses. Par exemple, l’Association nationale des conseils financiers (Anacofi), la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP), la Chambre nationale des conseils-experts financiers (CNCEF) et la Compagnie des CGP sont les principales organisations représentatives des CGP. En charge de délivrer les agréments et de les renouveler chaque année, celles-ci vérifient la capacité professionnelle et la certification AMF des adhérents. Elles s’assurent qu’ils actualisent régulièrement leurs connaissances à travers la formation continue obligatoire. Les directives évoluant constamment, les CGP sont tenus de se mettre à la page sur les pratiques et les produits pour offrir des services conformes aux besoins et aux attentes des clients. Ils le font actuellement dans le contexte de montée en puissance de la finance durable.
Les formations en finance durable ont le vent en poupe
Suite à l’intégration des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) dans l’analyse et les décisions d’investissement et l’entrée en vigueur du règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), les CGP sont contraints de prendre en compte les préférences en matière d’investissement durable de leurs clients pour définir leur profil extra-financier. Avoir de solides connaissances des produits financiers est un prérequis pour pouvoir les commercialiser et les recommander à la clientèle.
Faisant appel à de nouvelles expertises, la finance durable fait du coup partie des thématiques en vogue des formations réglementaires proposées par les groupements de CGP ou leurs partenaires. Celles-ci prennent souvent la forme de visioconférences. Alors que certains prestataires ont l’avantage de proposer des formations validantes, l’examen de certification AMF intègre désormais des questions portant sur la finance durable et responsable. Ces formations ciblées apportent un éclairage très pragmatique des sujets liés à la conformité et aident les CGP à mieux comprendre et appréhender les enjeux réglementaires. A l’issue des formations en finance durable, ils auront une meilleure idée de la manière de la mettre en place au sein de leur cabinet et de répondre aux objectifs et aux sollicitations de leurs clients.
Le rapport d’adéquation, pièce maîtresse du parcours administratif
Le respect des exigences légales par un CGP en termes d’organisation et d’approche passe par la conciliation du volet commercial et du volet réglementaire. Le « parcours client » donne la priorité au développement d’une offre produits à travers le conseil. Il est composé de cinq étapes : l’entrée en relation, le recueil d’information clients, la délivrance du conseil, le suivi et la gestion du conseil et la fin de relation. Le « parcours réglementaire » implique la production par le CGP de pièces administratives propres à chaque étape du parcours client. Elles incluent, entre autres, le document d’entrée en relation (DER), le questionnaire client LCB-FT (lutte >>> contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme), la lettre de mission (LM) et le rapport de l’adéquation. Pilier central du parcours administratif, ce dernier document procure le plus de valeur ajoutée au client. Correspondant à la phase de délivrance du conseil, il consiste à expliquer pourquoi la recommandation formulée par le conseiller est adaptée à ses objectifs, son profil de risque et sa capacité à subir des pertes.
Ces deux parcours étant denses et complexes, les CGP qui se lancent ou rencontrent des difficultés sont souvent épaulés par les experts de la conformité. Ces professionnels leur apportent les clés de décryptage des différents éléments à produire. Ils proposent de rédiger des procédures personnalisées et de mettre en œuvre un plan de continuité d’activité (PCA) qui est essentiel pour sécuriser les activités ou organiser leur reprise. Le PCA fait partie des thématiques faisant régulièrement l’objet de formations.
Dans la liste des outils réglementaires et de conformité mis à disposition figure le « manuel de conformité » qui récapitule les documents réglementaires et les pratiques nécessaires à l’exercice des activités. Côté parcours client, les solutions pour formaliser les conseils comprennent des simulateurs, des comparateurs et des descriptifs produits.
Mutualiser le coût et les risques
Les CGP habilités à exercer s’engagent non seulement à se conformer aux réglementations de la profession, mais aussi à agir au mieux des intérêts de leurs clients en respectant le code de déontologie et de bonne conduite de leurs associations professionnelles. Afin de pérenniser leurs activités, ils doivent tout mettre en œuvre pour conserver leurs agréments à l’issue du processus de renouvellement annuel et des contrôles des associations et des autorités. Ces contrôles sont en fait des audits métiers réalisés au minimum tous les cinq ans. Dans ce cadre, les contrôleurs examinent les dossiers clients, les pratiques commerciales, les processus internes et le respect des normes professionnelles et éthiques établies.
Les sanctions prononcées par les chambres professionnelles varient selon le degré de non-conformité. En cas de manquement, d’erreur ou d’infraction, un CGP s’expose à un rappel à l’ordre, à un avertissement, à une exclusion ou à une radiation. Dans ce dernier cas, le conseiller ne pouvant plus exercer subit une perte de revenus. A l’issue des contrôles qu’elles mènent, l’AMF et l’ACPR ont le pouvoir d’infliger des amendes.
Lorsque la responsabilité du conseiller est engagée, il est exposé à un risque financier. Pour se protéger – et c’est d’ailleurs une obligation pour exercer leur profession –, les CGP souscrivent un contrat d’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) qui les protège des répercussions financières des erreurs de conseil, mais aussi des négligences ou des fautes. Par ailleurs, les personnes sanctionnées sont généralement accompagnées par des professionnels du droit car les impacts sont de nature financière et juridique.
Pour réduire les risques liés à la réglementation et se préparer de la meilleure manière à la phase de contrôle, les cabinets ont trois solutions. La première consiste à assurer en solitaire la gestion de leur conformité, mais ils s’exposent alors à un risque d’erreur et de mauvaise gestion de leur temps en raison de sa nature chronophage. La deuxième est d’accepter de se faire assister par des sociétés spécialisées qui font intervenir des experts de façon ponctuelle. Mais cette mise en conformité ponctuelle est coûteuse et nécessite un suivi dans le temps. Enfin, ils peuvent faire le choix d’un accompagnement réglementaire complet en rejoignant un groupement de CGP. Ils réduisent par la même occasion les risques de conformité en les mutualisant. En effet, ils peuvent s’appuyer sur les moyens et ressources des groupements pour se doter de bonnes pratiques en cas de contrôle et vérifier que leur gestion de la conformité ne génère pas de risques.
Maintenir une veille efficace
Les CGP se doivent de pratiquer une veille réglementaire régulière et attentive, au risque d’avoir rapidement des procédures de conformité obsolètes. Comme l’illustrent les mises à jour récentes des réglementations MIF II et DDA et l’émergence de la finance durable, les métiers de la gestion de patrimoine évoluent au rythme de l’environnement réglementaire.
Pour autant, ce dernier peut également être influencé par l’environnement économique. Le contexte de remontée des taux a lourdement impacté le marché immobilier. Cela s’est traduit par une contraction drastique, à la fois des volumes d’activité et de la commercialisation, directe ou indirecte, de certains types de produits immobiliers. Cette situation a suscité une certaine inquiétude au sein de la profession. Elle a surtout amené l’AMF, l’été dernier, à demander aux partenaires producteurs d’ajuster à la baisse les prix des parts de SCPI pour évaluer l’impact de la situation économique sur le marché immobilier.
Couplée à une veille économique, la veille réglementaire joue un rôle crucial dans le processus de conformité des cabinets indépendants. Mettre en place un dispositif de surveillance leur permet de naviguer avec agilité dans un environnement de marché changeant. En surveillant les tendances économiques et en anticipant les changements normatifs, les CGP ont la capacité de renforcer leurs pratiques et d’adapter leurs recommandations pour mieux guider les clients dans leurs décisions financières. Et s’entourer d’experts réglementaires et de spécialistes de la conformité est une solution judicieuse pour limiter davantage les risques de non-conformité et sécuriser leur activité.