Ce n’est pas encore le printemps immobilier, mais l’on s’en rapproche.La baisse des taux d’intérêt et la stabilisation des prix ont détendu les conditions du crédit immobilier. Les banques reviennent en force, avec des offres tournées vers la rénovation énergétique, talonnées par les nouveaux acteurs du financement en ligne. Reste à redonner confiance aux investisseurs qui boudent encore le marché…
Une bouffée d’oxygène pour les emprunteurs. En avril, les taux du crédit immobilier sont repassés sous la barre des 4 %, actant la tendance baissière qui s’est installée depuis le mois de décembre. Un recul des taux qui, selon Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi, est avant tout lié à la concurrence entre les banques, revenues en force sur le marché du crédit, avec une stratégie de conquête affichée. « Le coût de refinancement s’étant stabilisé, comme l’OAT 10 ans oscillant entre 2,7 et 2,9 %, les banques peuvent à nouveau s’octroyer des marges et sont à la recherche de nouveaux clients », affirme-t-elle.Le climat s’adoucit pour les particuliers qui peuvent, pour les meilleurs profils, emprunter jusqu’à 3,20 % sur dix ans, 3,24 % sur quinze ans, 3,44 % sur vingt ans et 3,58 % sur vingt-cinq ans, auprès du courtier Cafpi. « Les conditions d’emprunt se révèlent bien meilleures que fin 2023, où les banques affichaient au mieux 3,90 % sur vingt ans, soit presque 50 centièmes de plus qu’aujourd’hui », ajoute la directrice.Le mouvement devrait continuer dans ce sens puisque la Réserve fédérale américaine (Fed), envisage trois inflexions de ses taux directeurs au cours de l’année et que la Banque centrale européenne (BCE) mise sur un réajustement de ses taux directeurs en juin, qui viendrait entériner une baisse structurelle. « Pour que le marché redémarre, il faudrait, a minima, une stabilisation des conditions d’emprunt, une politique gouvernementale favorable à l’investissement locatif, ainsi qu’une relance de la promotion immobilière, fondamentale pour maintenir l’offre de biens sur le marché », analyse Cécile Roquelaure, directrice des études du courtier Empruntis.
La demande se fait (trop) rareCar si les banques se sont remises à la table des négociations, selon les courtiers en crédit, la demande se fait encore rare et la croissance du marché résidentiel reste atone. « Malgré les belles négociations qui se présentent actuellement, dans les villes où les prix avaient atteint les niveaux les plus hauts, jusqu’à -10 %, l’on observe une résistance et un attentisme du marché », constate Caroline Arnould.Entre les acheteurs qui attendent la baisse des taux directeurs et les vendeurs qui ne sont pas prêts à dévaluer leur bien, espérant un rebond des prix au cours de l’année, la reprise du marché se fait plus qu’en douceur. « Nous sommes progressivement passés d’un problème d’offre bancaire à un manque de demande. Après un an de quasi-gel du crédit immobilier, nous n’avons plus assez de candidats pour faire repartir le marché », concède Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer. Pour cette dernière, bien que sur la pente descendante, les taux d’intérêt demeurent élevés sur vingt ans, tandis que la capacité d’emprunt a, elle, reculé de 15 à 20 %, comparée à 2021. « Il y a un phénomène d’autocensure des candidats au crédit qui estiment, parfois à tort, n’avoir pas les moyens suffisants pour acheter », ajoute la porte-parole.Face à cette inertie du marché, la reprise ne devrait pas avoir lieu avant juin ou juillet. « Tous les éléments ne sont pas réunis pour un grand printemps de l’immobilier », résume Ludovic Huzieux, cofondateur d’Artemis Courtage.
Des prix immobiliers encore élevésEn effet, au cours du trimestre écoulé, les prix de la pierre ont perdu -0,5 % sur l’ensemble du territoire (-0,3 % pour le Top 10 des plus grandes villes,-0,7 % pour le Top 50,-0,1 % pour les zones rurales et-1,8 % à Paris).Mais si Toulouse et Nantes ont baissé de -0,8 % depuis janvier, Lille et Lyon, respectivement de -0,9 % et -1,1 %, ou encore Paris et Bordeaux, respectivement de -1,8 % et -2,5 %, certaines villes affichent une courbe positive depuis janvier, à l’image de Rennes (+ 0,1 %), Marseille (+ 0,5 %), Montpellier (+ 0,7 %) ou encore Nice (+1,8 %), indique Meilleurs Agents. « La perte de pouvoir d’achat immobilier, en recul de 25 à 30 % sur un an, a été, certes, amoindrie par la baisse généralisée des prix en France, mais l’écart n’est pas suffisant pour faire revenir les acheteurs et il ne compense pas des années de hausses irrationnelles des prix dans certaines métropoles », analyse Ludovic Huzieux. Il considère que les taux d’emprunt passés à 1 % durant trop longtemps, ont « artificiellement fait grimper le prix de tous les produits immobiliers, y compris pour l’investissement ». Pour lui, « seule une baisse franche des prix fera repartir les volumes de vente ». La balle est donc dans le camp des vendeurs « qui font la pluie et le beau temps sur le marché ». Et pas toujours pour le meilleur. En témoigne le nombre de vendeurs qui attendent la rentrée de septembre pour céder leur bien, dans l’espoir de louer à prix fort leur logement pendant la période des jeux Olympiques de Paris. « Le calcul est hasardeux, car il risque d’y avoir un afflux d’offres durant l’automne, qui va accroître la baisse des prix », anticipe Sandrine Allonier.
Des décisions politiques attenduesRelèvement du plafond de financement de l’éco-PTZ PrimeRénov’ de 30 000 à 50 000 euros maximum, ouverture du crédit in fine aux primo-accédants, les initiatives du gouvernement pour relancer la machine immobilière se multiplient. Des mesures considérées par les courtiers comme cosmétiques, si ce n’est farfelues – c’est le cas du crédit in fine trop coûteux, pour les acheteurs ne disposant pas d’une épargne équivalente à la somme empruntée, et inadapté aux primo-accédants – et qui ne règlent pas le cœur du problème. « Tant que la BCE n’abaissera pas ses taux et que la Banque de France ne réagira pas, le marché restera grippé », estime Sandrine Allonier, rappelant que la France a enregistré le plus bas niveau de production de crédits depuis dix ans en 2023, en baisse de 10 milliards d’euros (renégociations incluses) et de -7 milliards (sans renégociations). L’autre décision particulièrement attendue est celle de l’Assemblée nationale qui débattra, fin avril, sur la proposition de loi déposée par Lionel Cosse et une quinzaine de députés Renaissance, Modem et Horizon, le 23 janvier dernier. Soutenu par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, ce texte propose d’introduire des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat au sein du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) et de permettre aux banques de déroger davantage à la règle des 35 % d’endettement. « Une telle mesure serait une bonne nouvelle pour les emprunteurs », avait alors estimé Cécile Roquelaure, affirmant « se battre depuis des mois pour que les banques puissent prendre en compte le reste à vivre ». Un signal favorable pour les emprunteurs, qui participerait à l’embellie du marché.
Les investisseurs toujours bloquésPénalisés depuis 2022 par l’abandon du calcul du taux d’endettement différentiel, les investisseurs reviennent à pas feutrés sur le marché immobilier en 2024. « Ces profils sont de nouveau les bienvenus dans les banques, sous conditions:ils ne peuvent pas emprunter au-delà de vingt ans, à des taux majorés, en moyenne, de 0,10 % par rapport aux primo-accédants, ils doivent garantir la réalisation de travaux s’ils achètent une passoire thermique et les loyers futurs ne sont pas pris en compte dans le calcul du reste à charge », souligne Sandrine Allonier. Au sein du réseau Cafpi, Caroline Arnould observe pourtant un regain de demandes de financement depuis le début du mois de mars, notamment portées par les investisseurs souhaitant profiter des derniers mois du dispositif Pinel dans le neuf. «La pénurie de logements et l’explosion de la demande locative bénéficient aux investisseurs, assurés de pouvoir louer leur bien à des prix élevés dans les zones tendues», note-t-elle. Toutefois, si le marché est favorable, les volumes investis baissent. « Nous avons maintenu la part de 11 à 12 % de notre production totale de crédits dédiée à financer les investissements locatifs: un pourcentage stable depuis la crise sanitaire, mais très en retrait des 20 % que nous réalisions jusqu’en 2019 », indique Ludovic Huzieux. Et pour cause, la pertinence de l’investissement locatif est mise à mal par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, auxquels s’ajoutent la suppression d’avantages fiscaux, le plafonnement des loyers, l’encadrement des meublés de tourisme ou encore les exigences de la loi Climat et résilience.
Financer un bien ancienLe décret prévoyant la sortie des petites surfaces de moins de quarante mètres carrés du calcul du DPE vise à assouplir la réglementation pour ne pas geler totalement le marché locatif. Mais est-ce suffisant pour convaincre les investisseurs d’acquérir une passoire thermique ? Bien décidées à accompagner les particuliers sur le marché de l’ancien à rénover, les banques déploient de véritables stratégies commerciales destinées à encourager la réalisation de travaux énergétiques. La Banque postale, par exemple, propose une décote de taux de 0,25 % sur les biens étiquetés F ou G, avec travaux inclus dans le financement, calculé par leur propre simulateur d’impact des rénovations sur le DPE (cf.encadré ci-dessous). D’autres proposent des prêts bonifiés allant jusqu’à 20 000 euros à taux zéro, puis à 2 % au-delà, pour des travaux de réalisation énergétique.Les banques font également la promotion de l’éco-PTZ. « Certaines se sont mises à rémunérer l’attribution d’écoPTZ auprès des courtiers ! », note Sandrine Allonier.Les politiques incitatives des banques, qui confortent ainsi leurs propres objectifs en matière de RSE et quotas de financements verts, séduisent des multi-investisseurs qui, selon Cécile Roquelaure, « ont l’occasion de faire une opération coup de fusil sur des biens à rénover ». Reste qu’il est toujours plus difficile d’amortir l’achat d’une passoire thermique qu’un logement dernier cri déjà valorisé, qui plus est lorsqu’il est vendu décoté par des promoteurs soucieux de liquider leurs stocks ou leurs queues de programmes.
La rentabilité en questionEn effet, pour les investisseurs, la rentabilité n’est plus vraiment au rendez-vous, avec des taux d’emprunt moyens fixés entre 4,30 % et 4,50 % sur vingt ans. « Il faudrait un double effet de baisse des taux et de recul des prix pour retrouver un niveau de rentabilité satisfaisant », soutient Ludovic Huzieux.D’autant que les nouvelles règles du HCSF contraignent ces derniers à grossir leur apport pour avoir accès au crédit. « Soit les investisseurs piochent dans leur épargne pour compenser ce qu’ils ne peuvent pas emprunter, soit ils achètent plus petit. Dans les deux cas, tirer un complément de revenu d’un achat locatif devient moins évident », résume Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole du courtier Meilleurtaux. Selon elle, les investisseurs « n’attendent que de revenir », mais ils sont atomisés entre les plus fortunés qui combinent plusieurs options de financement (SCPI, nue-propriété, in fine, etc.) et les autres, « condamnés à payer toujours plus ». Elle constate une évolution du profil des investisseurs, « de plus en plus qualifiés », mais également, l’arrivée de jeunes cadres ou de célibataires vivant en métropole, qui achètent un bien dans leur ville natale pour le louer. « Acquérir un studio de cinquante mètres carrés pour 150 000 euros en province est judicieux comme premier investissement. C’est même souvent la seule solution possible pour les jeunes actifs de devenir propriétaires », ajoute Maël Bernier.
Efforts des banquesFace à l’inflexibilité du HCSF, les banques se montrent plutôt volontaires (cf.encadré ci-dessus) pour trouver des solutions et se livrer à une ingénierie financière poussée pour accompagner leurs clients dans la concrétisation de leur projet immobilier. Les organismes spécialistes de l’investissement et de la gestion de patrimoine sont les plus enclins et à même de jouer le jeu.
Crédit in fineLes investisseurs sont la première cible du crédit in fine car ils représentent une clientèle patrimoniale, dont la vente d’un bien immobilier va rembourser le capital emprunté. Pendant la durée du prêt, le propriétaire ne rembourse que les intérêts d’emprunt, défiscalisés. « C’est un produit dédié aux investisseurs qui ont des liquidités à placer sur des niches rémunératrices », affirme Maël Bernier. En période de taux bas, ce type de crédit, non amortissable, n’était pas suffisamment rentable, avec un écart de 50 pdb par rapport au crédit amortissable. La hausse des taux est venue rebattre les cartes et replacer l’in fine comme option à envisager. La banque doit accepter, en contrepartie du prêt, un placement financier, parfois assorti de versements complémentaires (placement de 50 % de la valeur du bien acquis ou nantissement sur un contrat d’assurance-vie). « Dans le cadre de prêts multilignes, par exemple, la fin d’un Pinel, l’in fine permet de rembourser l’une des lignes de crédit par la revente du bien », explique Cécile Roquelaure.
Création d’une SCIL’optimisation via la société civile immobilière (SCI) demeure la solution la plus utilisée pour la transmission de patrimoine et le partage des biens au sein d’une même famille. « Beaucoup de nos clients investisseurs privilégient ces solutions, car elles présentent plus de souplesse en découpant et finançant à plusieurs une propriété. Des parts de la SCI sont attribuées à chaque associé en fonction de sa contribution », ajoute Cécile Roquelaure.Une façon de sortir des fourches caudines du prêt immobilier classique et de ses critères restrictifs, car la SCI n’est pas soumise aux seuils d’endettement fixés pour les ménages. En revanche, ces structurations présentent des lourdeurs administratives – notamment dans la création des statuts – à ne pas négliger.
Utiliser le levier du crédit !Il est dorénavant acquis que les taux d’emprunt ne retomberont probablement jamais à 1 %. Cette nouvelle donne ne doit pas décourager les investisseurs à user du levier du crédit, soutient Serge Harroch, fondateur d’Euclide Financement : « le maître-mot dans un investissement immobilier est de limiter au maximum l’apport et, par conséquent, financer le plus possible, même si les taux sont plus élevés qu’avant. La banque ne prêtant qu’à ceux qui peuvent emprunter, il est préférable de conserver la liquidité pour pouvoir réagir en cas de besoin, plutôt que d’être à court de trésorerie en cas de coup dur. Cette liquidité peut être placée ou conservée en disponibilité. Le crédit n’est qu’une forme de location d’une masse financière que nous allouons à l’acquisition d’un bien. Afin d’optimiser la rentabilité il ne faut pas hésiter à arbitrer ses actifs, même immobiliers », affirme-t-il.A contre-courant du marché résidentiel, Serge Harroch s’interroge même sur la pertinence d’acheter sa résidence principale. « La durée moyenne de conservation de sa résidence principale est souvent inférieure à cinq ans. Dans ces conditions, la somme des loyers payés est peu ou prou équivalente à la somme des intérêts payés, mais avec un endettement beaucoup plus faible. Ainsi, utiliser le reste de sa capacité d’emprunt à acheter un investissement locatif ou des SCPI permet de tripler son pouvoir d’achat ! Cela peut faire réfléchir », rappelle-t-il. Le dirigeant d’Euclide Financement conseille, toutefois, d’emprunter sur les durées les plus longues possibles afin de maximiser son pouvoir d’investissement.De la même manière, il préconise généralement aux seniors retraités, désireux d’avoir un revenu complémentaire régulier, de transformer leur immobilier locatif plutôt en assurance-vie – éventuellement avec des SCPI au sein de l’enveloppe assurantielle.En effet, « entre la fiscalité, les charges de copropriété et les travaux d’entretien ou de rénovation, l’immobilier pèse lourd sur le quotidien des retraités et ne permet pas de s’assurer des revenus réguliers. Je leur conseille plutôt de se constituer un patrimoine liquide et transmissible grâce à des rendements réguliers, sur lequel ils peuvent arbitrer comme ils veulent », ajoute Serge Harroch.En 2023, près de la moitié des dossiers d’investissements traités par Euclide Financement concernaient un financement de parts de SCPI, dont une partie en démembrement. « Acheter des SCPI en démembrement permet d’éviter l’IFI et la fiscalité, tout en créant une valeur reconstituée à terme intéressante », décrit Serge Harroch. Spécialiste en ingénierie financière, il apporte un soin particulier au montage de ses dossiers et a essuyé peu de refus des banques, même l’an dernier. « Le crédit ne se résume pas à un taux. L’objectif d’un financement est d’optimiser et de gérer le pouvoir d’achat d’un client dans le temps. Il faut impérativement, dès le début du financement, envisager les différentes finalités de l’opération pour prévoir la suite », martèle-t-il. Il met notamment au service de ses clients sa connaissance approfondie du fonctionnement des banques : « La façon de présenter un dossier, tant dans le montage que l’objectif, est déterminante. Notre approche nous permet parfois de bénéficier de la marge de 15 % des encours de financement qui peuvent être alloués sur de très bons dossiers à des profils pouvant dépasser les 35 % d’endettement », souffle-t-il.
La pierre-papier, porte d’entrée vers l’immobilierCôté pierre-papier, le climat est particulièrement attractif pour les investisseurs opportunistes. « Nous avons financé cent millions de parts de SCPI en 2023 », révèle Audrey Marigliano, directrice des opérations chez Zénith IS. La société conçoit pour les CGP des allocations diversifiées, parmi les deux cents véhicules existant sur le marché. «L’intérêt des SCPI réside dans leur transparence. Nous avons accès à leur patrimoine, leur mode de gestion, leur historique et leurs objectifs. Ces éléments nous permettent de dire si le véhicule a su construire une barrière de protection face à la crise, comment il a arbitré et si la valorisation et les revenus vont se maintenir dans les douze prochains mois », explique-t-elle. Pour se constituer un portefeuille, Audrey Marigliano préconise de regarder les SCPI exposées aux régions, capables de capter de belles performances en métropoles et dans les territoires, et délivrant facilement 6 % de rendement. Par ailleurs, le triptyque logistique, santé et commerces continuent d’avoir sa préférence, agrémenté de quelques grandes SCPI de bureaux résilientes et des véhicules positionnés sur le résidentiel qui contribuent à la rénovation du parc immobilier français. En outre, elle souligne les opportunités d’investissement en Europe, en particulier en Allemagne et au Royaume-Uni, qui ont subi une sévère phase de correction et génèrent, aujourd’hui, des rendements à 7 % (comme à Londres). Une analyse confirmée par Jérôme Rusak, président de L&A Finance. « Les SCPI ont affiché des rendements jusqu’à 8 % en 2023, de quoi ouvrir les appétits », déclare-t-il. Il ajoute qu’avec un taux d’emprunt moyen de 5 % pour les SCPI et un rendement moyen de 5,5 %, cela représente un point d’effet de levier pour un taux d’effort faible, de 200 à 300 euros par mois pour un investissement de 100 000 euros sur quinze ans. Une porte d’entrée dans l’investissement immobilier à prix abordables.
Financer l’achat de parts de SCPISi les banques ont commencé à financer, depuis 2010, les investissements dans la pierre-papier, elles orientent bien souvent leurs clients vers leurs propres véhicules. Pour une plus grande diversification, il faut se tourner vers des établissements spécialistes à l’image d’Arkea REIM, le CFCL Banque ou les compartiments investissements des grandes banques, comme le Crédit agricole, qui proposent des solutions de financement dédiées, sous forme de prêts personnels à but immobilier. « N’oublions pas qu’en investissant dans la pierre-papier, l’on achète des parts de société, avec une notion de liquidités différente de l’immobilier en direct », rappelle Jérôme Rusak.Depuis janvier, le défi cit de demande pousse toutefois les banques généralistes à revenir sur le marché des SCPI. « L’on sent la volonté de sécuriser leur position auprès des beaux profils d’investisseurs et rouvrant la porte aux SCPI », précise le directeur. Ce dernier invite les particuliers à se saisir des occasions du moment, sur des véhicules aujourd’hui décotés à-15 ou-20 %, mais dont les prix vont bientôt remonter. Pour guider les investisseurs dans la constitution de leur portefeuille d’actifs, L&A Finance a structuré un pôle financement, optimisant la durée du crédit et la fiscalité à la stratégie patrimoniale de leurs clients.De son côté, Zénith IS a développé des solutions de crédit sans aucune contrepartie, à l’exception du nantissement des parts de SCPI souscrites.Pour y avoir droit, les investisseurs doivent être résidents fiscaux français, avec quelques exceptions pour des clients expatriés. « Nous commercialisons une offre permettant d’acquérir jusqu’à quatre SCPI et de travailler sur des portefeuilles d’actifs allant de 70 000 à 300 000 euros, et une solution alternative réservée aux personnes physiques, qui finance jusqu’à 600 000 euros pour six SCPI, dans une logique d’allocation », détaille Audrey Marigliano. En complément, Zénith IS propose des montages patrimoniaux à crédit permettant de maîtriser la fiscalité de la pierre-papier grâce aux intérêts d’emprunt.
Des solutions de financement alternativesImmobilier fractionné, leasing immobilier, crowdfunding, crowdlending… Des alternatives émergent sur le marché du crédit 2.0. Encore marginales, ces nouvelles solutions, soutenues par la netéconomie, aspirent à démocratiser l’investissement immobilier en le rendant plus accessible au grand public.
Immobilier fractionnéLe groupe M Capital, à travers sa plateforme Buildr certifiée BCorp et entreprise à mission, va prochainement lancer la commercialisation d’une résidence de coliving senior à Orléans en immobilier fractionné. Cet hôtel particulier de 475 m2, situé en centre-ville d’Orléans, sera réhabilité afin d’optimiser sa performance énergétique (DPE C) et de l’adapter en un espace de coliving senior de onze chambres. Spécialisé dans le crowdfunding immobilier depuis 2017, le groupe a développé une approche complémentaire, reposant sur la régénération d’actifs obsolètes dans un environnement urbain, revendus sous la forme de parts de copropriété. « L’immobilier fractionné est une solution idéale pour un investisseur qui a de l’argent à placer, mais qui ne parvient pas à obtenir un crédit. Il permet d’acheter un actif à plusieurs et de s’en répartir les fruits, pour une rentabilité nette allant de 6 % sur une résidence seniors, à 8 % nette annuelle sur les suites para-hôtelières. Il s’agit d’un outil de diversification qui délivre des revenus trimestriels et, à terme, une plus-value de cession », explique Vincent Lachêne, directeur du développement chez M. Capital. C’est aussi une bonne façon d’investir dans l’hôtellerie à moindres frais. Le ticket d’entrée s’élève à 5 000 euros, pour un montant moyen de souscription de 40 000 euros. La durée des opérations s’élève à huit ans, et les investisseurs peuvent déployer leurs fonds sur plusieurs actifs. « Notre outil est une solution clé en main qui s’occupe de sourcer les actifs, réaliser les travaux, chercher un exploitant et céder l’actif à la fin de l’opération », ajoute le directeur.Le groupe, qui vise une cinquantaine de deals, travaille avec les CGP, les banques privées et les multi-family offices.
Le prêt professionnelA l’attention des chefs d’entreprise et des professions libérales, le courtier en prêts hypothécaires Prelys Courtage déploie un modèle digital unique : la Plateformedecrédit qui regroupe des CGP, experts-comptables et gestionnaires de patrimoine au sein d’un family office. Le courtier dresse d’abord le bilan patrimonial de son client, avant de l’orienter vers la meilleure stratégie d’investissement, en fonction de son objectif et de ses besoins.« Nos conseillers en prêts immobiliers adressent leurs clients à Prelys Family qui va monter une SCI ou une Sarl de famille pour contracter un prêt professionnel », décrit Damien Pacouil, fondateur de Prelys Courtage. L’avantage ? Les SCI à l’IS ou à l’IR ne sont pas soumises aux critères d’endettement du HCSF et les interlocuteurs bancaires ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit d’un prêt professionnel. « Sur ce type de crédit, les investisseurs peuvent décrocher des taux à 3,50 %, voire moins sur vingt ans », indique le fondateur. Les propriétaires amortissent leur bien grâce aux loyers touchés, sans payer d’impôts fonciers pendant la durée de détention du bien. En contrepartie, à la revente, l’imposition sur la plus-value sera plus élevée. Il est aussi possible de souscrire à un tel prêt sous le statut d’une Sarl de famille, dans un objectif matrimonial ou successoral. « De nombreux produits financiers sont investis sur vingt ou trente ans, dans l’optique de récupérer une rente ou un capital-retraite à la revente. Pourquoi ne pas faire pareil avec l’immobilier ?En détenant un bien pendant quinze ans via une SCI, l’investisseur touche des revenus pour sa retraite et facilite la transmission de son patrimoine à ses proches », souligne Damien Pacouil.
Leasing immobilierEn 2022, au plus haut des taux d’intérêt, le spécialiste du leasing immobilier Hestia a lancé une solution de financement pour aider les acquéreurs à devenir propriétaires de leur logement. Ce modèle s’adresse aux publics solvables, mais non finançables par les banques, à l’image des primo-accédants dépourvus d’apport, des indépendants, chefs d’entreprise, professions libérales ne disposant pas de trois années de bilans comptables, des expatriés, divorcés, ou encore, des multi-investisseurs dépassant les 35 % de taux d’endettement. « La hausse des taux a amplifié le besoin de solutions complémentaires au crédit immobilier, décorrélées du marché et de la conjoncture, soutient Adrien Péligry, cofondateur d’Hestia qui vient de dépasser la barre des dix mille acquéreurs. Le processus d’achat se déroule en trois étapes : l’acheteur trouve son bien et Hestia l’étudie. Une fois validé, la société négocie le prix du bien et l’achète, moyennant 3 % de frais d’accompagnement versés par le particulier ; l’acquéreur occupe son bien jusqu’à l’obtention de son crédit, pour une durée de douze à dix-huit mois. A l’issue de cette période, il devra avoir constitué 10 % d’apport, construits sur son apport initial et son épargne mensuelle ; et enfin, si l’acquéreur obtient le crédit, il lève l’option d’achat au prix de rachat fixé en début de contrat et devient propriétaire. S’il n’obtient pas de crédit, l’épargne se convertit en loyers non récupérables. » Partenaire des courtiers en crédit, Hestia entend débloquer le marché. « Dès lors qu’un courtier a un bon dossier qu’il ne peut pas concrétiser, nous proposons de différer le crédit pour laisser le temps aux candidats de devenir éligibles au crédit. En économisant sur son loyer pendant dix-huit mois, l’acquéreur se constitue un apport et se resolvabilise », indique Adrien Péligry. Le montant moyen investi dans ces opérations s’élève à 400 000 euros, pour un minimum de 200 000 euros. Hestia enregistre une quinzaine de transactions depuis sa création et deux rachats anticipés.
Et pourquoi pas le crowdlending ?Jusqu’alors réservé aux promoteurs immobiliers, le crowlending s’ouvre aux investisseurs particuliers. C’est le cas de la PropTech française d’investissement participatif en ligne, Bricks, qui finance des projets immobiliers d’exploitation (villas et domaines dédiés aux séminaires, résidences para-hôtelières, Airbnb, immobilier de loisirs et de plein air). « Nous sécurisons le placement des investisseurs, tout en prêtant à des taux attractifs, dans le cadre de crédits in fine remboursant les taux d’intérêt à cinq ans », indique Cédric O’Neill, CEO et fondateur de Bricks.co.Pour investir dans ces opérations, les particuliers doivent créer une société commerciale (SAS, Sarl, SA ou SCA). Se considérant comme un « prêteur hypothécaire », le fondateur annonce un rendement de 8 à 11 % par an à ses clients. En cas de défaillance de l’exploitant, la société engage une procédure pour récupérer le montant du prêt, calculé en fonction de la valeur estimée des murs de l’établissement, après expertise. « Nous prêtons régulièrement quand la valeur de l’immobilier est le double du montant du prêt », résume le CEO.A l’occasion des JO de Paris 2024, Bricks s’intéresse particulièrement à la location meublée. La société a financé un appartement de 70 m2, situé dans le VIIIe arrondissement de Paris, à hauteur de 1 060 000 euros auprès de quatre-mille-six-cent-quatre-vingt-deux particuliers investisseurs en quelques jours seulement. Le loyer brut annuel est estimé à 176 573 euros et une rentabilité nette annuelle prévisionnelle de 13,96 % pour le porteur de projet. La rentabilité est fixée à 9 % par an pour les investisseurs, avec des intérêts versés mensuellement aux investisseurs sur une période de trois ans.
La Banque postale lance un prêt immobilier à impactLancé en juin 2023 par la Banque postale, le prêt immobilier à impact a de quoi séduire les investisseurs. Destinée à simplifier et fluidifier le parcours de rénovation des propriétaires, cette offre « citoyenne » propose un simulateur qui détermine en quelques clics le volume de travaux à prévoir dans le bien à acheter. « Il s’agit d’une solution facilitante, où tout est pré-saisi en ligne, sans obligation de contact, pour aider le futur propriétaire à projeter un chantier de rénovation », explique Yoanne Bobe, responsable crédit immobilier à la Banque postale. L’établissement préfinance ces travaux via le dispositif d’éco-prêt à taux zéro, enveloppe qui évite à l’emprunteur de fournir des devis. « Si l’investisseur valide le projet, nous lui attribuons une bonification de son taux d’emprunt, à hauteur de 0,25 %, ajoute le responsable. Notre objectif est de participer indirectement à la rénovation du parc immobilier en abaissant le taux d’intérêt sur l’achat de biens avec travaux. » Ce prêt fonctionne aussi bien pour les résidences principales, secondaires ou en immobilier locatif. En parallèle, la Banque postale a mis en place une plate-forme gratuite pour accompagner le particulier dans ses travaux et l’orienter vers des artisans qualifiés RGE. « Une fois le devis reçu, notre plate-forme s’assure que les caractéristiques techniques sont pertinentes et éligibles aux aides d’Etat », indique Yoanne Bobe.Après neuf mois d’existence, le crédit immobilier à impact incluant des travaux de rénovation énergétique représente aujourd’hui 4 à 5 % de la production de crédit de la banque. « Nous constatons une augmentation sensible des demandes depuis janvier », note le responsable, annonçant que la part des offres « responsables » occupe une place de plus en plus importante dans l’offre globale du groupe.
Banques versus courtiers : un double discours ?Contrairement au discours largement répandu sur le marché immobilier, les études statistiques publiées par la Banque de France ne permettent pas d’affirmer que le taux de refus avait progressé en 2023. « Si les banques ont levé le pied, sous l’effet de la hausse brutale des taux directeurs et de ses conséquences sur leurs conditions de refinancement au premier semestre, elles ont mis en avant la baisse de la demande plutôt que le fait qu’elles avaient restreint leur offre l’an dernier », explique Marie-Laure Barut-Etherington, directrice générale adjointe des statistiques, des études et de l’international à la Banque de France, pointant un « double discours entre les remontées d’informations des banques et celles d’autres acteurs du marché immobilier, comme les courtiers ». C’est pour cette raison que le gouverneur de la Banque de France avait insisté auprès de la Fédération bancaire française pour que soit mise en place une procédure de réexamen des dossiers de prêts refusés, finalement mise en place en février dernier. Sans encore avoir les premiers résultats de cette procédure, il est certain que la chute de production est essentiellement due à la baisse de la demande, elle-même liée au recul du pouvoir d’achat immobilier des ménages alors que les prix se sont encore peu ajustés. « Les normes du HCSF, décriées par certains acteurs du marché, ont été ajustées l’année dernière pour éviter les grains de sable dans les rouages du crédit immobilier. Et l’on constate aujourd’hui que la facilité de dérogation de 20 % accordée aux banques pour accorder des crédits qui dépasseraient le seuil d’endettement n’est utilisée qu’à hauteur de 15 % », ajoute la directrice générale, « preuve que ces normes ne sont pas un frein à l’octroi de crédit ». Afin de remettre l’église au milieu du village, le gouverneur de la Banque de France invite les emprunteurs « à pousser les portes de leur banque s’ils souhaitent concrétiser un projet immobilier ». Rappelant que le robinet du crédit n’a jamais été fermé aux investisseurs.
BNP Paribas veut accélérer la rénovation énergétiqueLa décote brune n’est plus un mythe. Sébastien Perrigault, directeur immobilier résidentiel de la banque commerciale de BNP Paribas France, en observe les effets depuis le gel des loyers pour les biens étiquetés F ou G au DPE et l’annonce de l’interdiction de louer ces logements en 2025. « Les prix de l’immobilier ont, en moyenne, baissé de 5 %, mais cette tendance est hétérogène, en fonction des marchés et de la performance énergétique des logements », constate-t-il. La banque qui assure « être ouverte au financement de l’investissement locatif » souligne l’opportunité de cibler les passoires thermiques avec travaux. « Nos critères d’octroi d’un crédit immobilier tiennent désormais compte du gain de lettre au DPE. Nous n’intégrerons pas les revenus locatifs dans le reste à vivre si le projet n’inclut pas un volet rénovation énergétique du bien », explique le directeur.Inscrivant le crédit immobilier dans la trajectoire nationale de réduction des émissions de CO2, BNP Paribas incite financièrement les investisseurs à se lancer dans la décarbonation du parc immobilier. En marge de l’acquisition, la banque propose une enveloppe de crédit d’un montant pouvant aller jusqu’à 50 000 euros, à un taux réduit (actuellement taux nominal hors assurances de l’ordre de 1,80 % sur vingt à vingt-cinq ans), pour la réalisation de tout type de travaux d’amélioration énergétique bénéficiant de la TVA à 5,5 %, pendant toute la durée du prêt immobilier. Post-achat du bien, l’établissement a également mis en place une offre de crédit Energibio, notamment dédié aux investissements dans les travaux de rénovation énergétique (pompe à chaleur, isolation, etc.), l’accompagnement d’IZI by EDF ou encore un éco-PTZ pour la rénovation énergétique.