Spécialiste du monument historique, Histoire & Patrimoine oeuvre depuis trente ans à la rénovation et la réhabilitation des demeures anciennes. Et la société compte bien poursuivre sa croissance à deux chiffres ! Rencontre avec son président, Rodolphe Albert.
Investissement Conseils : Quel est l’ADN d’Histoire & Patrimoine ? Rodolphe Albert : L’embryon de la société a trente ans. A l’époque, il s’agissait d’une constellation de structures sans liens capitalistiques mais cimentées par des liens humains puissants. En 2010, ces différentes structures se sont agrégées pour former Histoire & Patrimoine, une volonté d’intégration de la famille Hennessy, alors actionnaire majoritaire. En 2018, Histoire & Patrimoine s’est vu racheté par Altarea, dont le président-fondateur, Alain Taravella, cultive une vision très forte de la ville dans toute sa complexité. Sa conviction : impossible de s’occuper de la ville sans travailler à sa rénovation. Or l’ancien manquait encore à sa palette d’expertise… Nous sommes spécialistes du monument historique, une fiscalité qui concerne 70 % de nos programmes, contre 20 % d’opérations en loi Malraux et 10 % en déficit foncier. Les biens éligibles sont rares. Pour les dénicher, nous avons mis en place un fort maillage territorial, avec une trentaine de salariés répartis dans toute la France, chargés de repérer des pépites dans chaque région. Les immobiliers de taille moyenne ne se trouvent pas sur le marché public; le relationnel au niveau local est donc essentiel. Quant aux gros appels d’offres, comme ceux de l’Hôtel-Dieu de Blois ou des Tours Nuage à Nanterre, nous les remportons grâce à notre capacité à répondre aux enjeux de ces projets dans toute leur complexité et grâce à la force de notre groupe.
Que vous apporte la puissance d’Altarea ? R. A. De façon générale, Altarea est une signature qui nous positionne comme un acteur sérieux. Le groupe dispose de fonds propres importants et a su formidablement résister à la crise en 2020. L’image d’un actionnaire solide apporte de la crédibilité à nos produits. Et cela sans dénaturer notre ADN. Nous conservons une gestion totalement autonome. Sur les appels d’offres avec une emprise mixte, de plus en plus nombreux s’agissant des opérations d’envergure, notre avantage est évident. Ces projets incluent toutes les classes d’actifs : résidentiel, commerce, équipements publics, hôtels, résidences services, bureaux… Autant de compétences que le groupe Altarea a su développer au service de la transformation des villes. Cette spécificité nous permet de répondre aux enjeux de transformation des territoires et d’emporter ainsi les appels d’offres.
Quels sont les grands enjeux du marché ? R. A. Tout le pays est concerné par un besoin de renouvellement urbain. Des zones entières ont été abandonnées. A Neuilly-sur-Marne, par exemple, nous restaurons un hôpital psychiatrique en monument historique, autour duquel nous déploierons une emprise de bâtis neufs, respectueux du site. Pour les Tours Nuage de Nanterre, nous avons proposé de conserver l’architecture emblématique des tours, tout en développant un programme neuf destiné à revitaliser le quartier. Préserver l’âme d’un lieu permet aussi de stabiliser ses habitants. L’Etat s’engage aujourd’hui pour un rééquilibrage du territoire métropolitain. Il y a une prise de conscience depuis plusieurs années; le phénomène s’accélère. Beaucoup de logements ne sont pas aux normes et les coeurs de villes ont besoin d’être revitalisés. Dans cet objectif, la loi Malraux est vraiment une oeuvre d’intérêt général. Nous espérons qu’elle pourra s’étendre à d’autres quartiers que les traditionnels sites patrimoniaux remarquables. Il est certain que le patrimoine privé est un levier important pour redynamiser les centres-villes.
Pensez-vous renforcer votre activité Malraux ? R. A. Nous sommes toujours preneurs d’opérations en loi Malraux. Ce dispositif fiscal est sous-estimé sur le marché de l’investissement. Il est pourtant bien plus efficace que le Pinel. Mais contrairement au marché du monument historique sur lequel il ne peut structurellement y avoir qu’un leader, le marché du Malraux est très éclaté. Souvent les opérations sont emportées par de petits opérateurs locaux. Nous nous positionnons en Malraux dans une ville uniquement si nous pouvons travailler plusieurs programmes, pour une question d’économie d’échelle. Une opération type, pour Histoire & Patrimoine, compte en moyenne trente lots. Toutefois en 2021, nous commercialiserons quatre ou cinq opérations de dix lots, et deux opérations de plus de cent lots.
Quelles sont vos prochaines nouveautés ? R. A. En monument historique, nous allons présenter un vaste programme à Douai : la Caserne de Caux, en plein coeur de ville. Il s’agit là de travailler tout un quartier. Les cent-vingt-quatre lots de la première tranche sont déjà tous vendus. La deuxième tranche abritera une résidence seniors qui sera gérée par Cogedim. En Ile-de-France, nous allons restaurer le magnifique collège de Juilly, une ancienne académie royale fondée par Louis XIII, bien connue des grandes familles parisiennes. Nous commercialiserons plus de deux cents lots au début du printemps 2021.
Nous présenterons cette année un bien situé à Limeil-Brévannes, en Ile-de-France, un manoir anglo-normand de trentetrois lots à Trouville, un programme de vingt-quatre lots jouxtant le couvent des bénédictines à Angers, avec vue sur le jardin des soeurs. Nous lancerons la deuxième phase de quarante-trois lots au château de Pontchartrain, une demeure du XVIIe siècle à vingt minutes de la porte d’Auteuil, implantée dans le bassin d’emploi de Saint-Quentin-en-Yvelines. Au château de Chassagny, près de Lyon, un édifice remontant au XIVe siècle et sédimentant sept cents ans d’histoire architecturale, nous proposerons trente lots, avec des vues superbes sur le mont Blanc. Nous commercialiserons également deux opérations à Nice en déficit foncier, l’une de neuf lots à deux pas de la place Massena, l’autre dans une impasse proche de la gare, avec trente-trois lots, à partir de 90 000 €. Des biens rares sur la Riviera, où il est compliqué de sourcer : la concurrence est rude, les actifs sont très chers à l’achat car vendus dans une logique de très grand luxe et non pour accompagner la politique du logement. Nous irons aussi à Montpelier, pour une opération Malraux de quatrevingt-six lots encadrant un jardin en coeur de ville.
Nous annoncerons en tout pas moins de vingt-cinq opérations cette année. Nous avons toujours trois ans d’activité en main. Cela nous procure souplesse et sérénité. En fonction de la demande, nous pouvons accélérer ou retarder la sortie d’une opération.
Comment êtes-vous distribués ? R. A. Les CGPI sont historiquement nos principaux partenaires. Nous avons vingt commerciaux répartis sur toute la France. Chacun a la responsabilité de l’animation dans sa région et prodigue un accompagnement très poussé, avec à disposition de nombreux outils d’aide à la vente.
Monument historique, Malraux, déficit foncier : ces dispositifs sont-ils des réponses suffisantes ? R. A. Le monument historique, le Malraux, le déficit foncier sont de magnifiques outils en matière de protection du patrimoine. Mais il manque des outils pour redynamiser les coeurs de ville moyenne. Le dispositif Denormandie n’est pas suffisamment adapté à la réalité des bâtiments qui s’y trouvent. Il faut aussi que les particuliers connaissent mieux les dispositifs fiscaux. Les épargnants concernés par le MH ou le Malraux sont nombreux, mais beaucoup l’ignorent. Le profil type de notre clientèle : un foyer fiscal avec plus de 100 000 € de rémunération nette imposable par an.
Il y a une dimension coup de coeur et une vraie fierté dans l’achat de monument historique. Le patrimoine est très à la mode et sa sauvegarde est une mission collective : à l’Etat la gestion des plus beaux joyaux nationaux, au Loto du patrimoine le mécénat pour les bâtiments qui n’ont pas de rentabilité économique propre et à Histoire & Patrimoine la tâche d’insérer la politique du logement dans la préservation d’immeubles protégés. Cette démarche nous confère un impact fort sur l’ensemble du territoire. A Arras par exemple, nous avions compris que le parc locatif était vétuste. Nous avons livré de très beaux logements que les locataires se sont empressés de réserver. A cet égard, nous préférons privilégier des loyers très raisonnables afin d’éviter la vacance locative. Nos solutions permettent ainsi d’aligner l’intérêt des particuliers et l’intérêt général.
Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ? R. A. Nous sommes sur une trajectoire de 20 % de croissance par an depuis trois ans. Nous comptons bien rester dans cette dynamique. Tout en ayant conscience que nous ne sommes pas sur un secteur qui peut multiplier par cinq sa production chaque année ! Mais l’année 2020 a bien démontré que notre activité est totalement décorrélée du marché. Le patrimoine est un repère fort, qui fait sens, ce qui explique l’engouement des investisseurs. Une acquisition dans l’ancien rénové est comme un ancrage, parle de soi, transmet des valeurs. Les gens y sont sensibles dans le monde actuel, particulièrement chahuté. Ils aiment aussi acheter près de chez eux; la crise renforce encore ce besoin profond. Ceci conforte notre stratégie d’implantation locale.
“ Nous sommes sur une trajectoire de 20 % de croissance par an depuis trois ans. Nous comptons bien rester dans cette dynamique.
Tout en ayant conscience que nous ne sommes pas sur un secteur qui peut multiplier par cinq sa production chaque année…”