Si la croissance mondiale, portée cette année par les marchés émergents, bénéficie de la réouverture de la Chine, la classe d’actifs reste pénalisée par des vents contraires, en particulier les tensions géopolitiques, l’inflation galopante et la hausse des taux. Mais tant sur les actions que sur l’obligataire, les opportunités existent pour les investisseurs offensifs.
Les marchés émergents constituent un réservoir de valeurs à fort potentiel, qui reste dominé par la Chine, davantage sur l’univers actions que sur l’obligataire, et soumis aux tensions géopolitiques, à la politique monétaire américaine et aux flux des investisseurs. Pour autant le décor macroéconomique s’est sensiblement amélioré depuis le début de l’année.« Nous avons une vue plus constructive pour 2023 par rapport à l’année dernière, indique Josipa Markovic, économiste marchés émergents chez Swiss Life AM. En effet, les perspectives économiques des émergents sont plus solides que celles des pays développés et, parallèlement, les pressions inflationnistes devraient se modérer au cours de l’année, ce qui conduirait les banques centrales à être moins restrictives. »Le moteur chinois se rallumePour les marchés émergents, la fin de la politique zéro Covid du gouvernement chinois était attendue par les acteurs du marché.Ce revirement soudain a rapidement porté ses fruits sur l’activité chinoise et de nombreux autres pays. « Du côté de la croissance, la réouverture de la Chine, suite aux levées des restrictions liées au Covid, est une bonne nouvelle, poursuit Josipa Markovic. Ces effets ont été immédiats, avec des indices des directeurs d’achat (PMI) plus élevés qu’attendu. Par exemple, l’indicateur non-manufacturier chinois a rebondi à 56,3, contre 54,9 attendus, et le manufacturier à 52,6. La reprise repose avant tout sur les services et la consommation, contrairement à ce que l’on observait dans le passé où elle était tirée par l’immobilier et les infrastructures. Dès lors, les effets de ce regain resteront modestes sur la croissance mondiale, même si les pays exportateurs, notamment Singapour, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, l’Indonésie, l’Inde ou encore le Vietnam, en profitent d’ores et déjà. » Parallèlement à cette levée des restrictions sanitaires, la volonté de maintenir une croissance forte et portée par le marché local a été réaffirmée par les autorités chinoises, après des prises de mesures contraignantes pour certains secteurs économiques et un marché immobilier local qui remonte doucement la pente. « Ces dernières années, le contexte n’était résolument pas porteur dans ce pays, avec une forte pression réglementaire depuis deux ans et demi, plus précisément depuis l’arrêt de l’IPO d’Ant Group, une forte pression exercée sur les acteurs du e-commerce, et une politique zéro Covid qui, si elle avait du sens au début de la pandémie, était devenue avec Omicron une aberration, analyse Michel Audeban, directeur général et cofondateur de Gemway Assets. Ces derniers mois, l’ensemble de ces freins se sont progressivement desserrés et permettent d’avoir un tableau positif de la situation. Aujourd’hui, la croissance porte les marchés émergents. L’écart avec les économies développées s’était réduit jusqu’à devenir même négatif. Nous sommes revenus au point haut, notamment grâce à la Chine dont le taux de croissance est attendu à 5 %. En effet, le gouvernement chinois a indiqué son intention de respecter son engagement de multiplier par deux le PIB sur la période 2020-2035, ce qui correspond à un taux de croissance annualisé de 4,8 %. Le contexte y sera donc plus pro-business et nous nous attendons à une baisse de la régulation. » « La croissance chinoise sera portée par la demande intérieure, ajoute Josipa Markovic, avec un gouvernement qui continuera sa lutte contre l’endettement du secteur immobilier. On observe d’ailleurs une stabilisation des prix de l’immobilier pour la première fois depuis seize mois. » Des banques centrales réactives face à l’inflationLe contexte inflationniste mondial continue de peser sur les économies des pays émergents, avec des banques centrales menant des politiques globalement vigoureuses.Néanmoins, contexte sanitaire oblige, la Chine n’a pas subi les effets d’une inflation galopante, contrairement à l’ensemble des pays émergents (« La Chine fait figure d’exception avec une inflation de 1 % », note Xavier Hovasse, cogérant du fonds Carmignac Portfolio Emerging Patrimoine et responsable des actions émergentes chez Carmignac). Les banques centrales des autres pays ont toutes procédé à d’importantes hausses de taux qui n’ont pas encore porté leurs fruits dans tous les pays. « A court terme, l’inflation reste un sujet compliqué pour les pays émergents. L’inflation sous-jacente ne baisse que dans un nombre limité de pays – Brésil (en baisse pour le troisième mois consécutif en février, à 8,7 %), Indonésie (3,1 % en février), encore Thaïlande (3 %) –, tandis qu’elle reste très élevée dans les autres (Hongrie, Pérou, Colombie, Mexique, etc.). Si le cycle de la baisse des taux sera probablement reporté, nous nous attendons à une amélioration de la situation à moyen terme », note Josipa Markovic.Néanmoins, les acteurs du marché soulignent la qualité des politiques des banques centrales pour circonscrire la flambée des prix (hormis quelques pays comme la Turquie). « Sur le marché des taux, les pays émergents ont adopté une politique monétaire plus orthodoxe que celle des pays développés qui n’ont cessé d’augmenter la taille de leurs bilans depuis 2008, souligne Xavier Hovasse. Pendant ce temps, les banques centrales des pays émergents – d’abord asiatiques, puis d’Amérique latine –ont compris que les marchés financiers ne leur feraient plus confiance. Cette attitude a été récompensée par une inflation plus mesurée. Le Brésil devrait, par exemple, commencer sa baisse de taux, alors que les pays développés sont encore dans un mouvement haussier, avec certains pays pénalisés par les marchés, comme le Royaume-Uni et le Japon l’an passé. Les taux réels sont ainsi les plus élevés, par exemple au Brésil, avec un taux directeur à 13,75 % et une inflation à 6 %, ou encore au Mexique, avec un taux à 11 % et une inflation à 8 %. Cela peut même paraître surprenant, puisque ces politiques ont été menées par des gouvernements latino-américains de gauche, voire communistes. » Michael Israël, cofondateur d’IVO Capital Partners, salue également l’attitude des banquiers centraux : « Après le tour de vis de la Fed qui a duré toute l’année passée, le bilan apparaît globalement positif pour les marchés émergents, alors qu’en général ils souffrent lors de ces cycles de hausse de taux. Si c’est, selon nous, une erreur de raisonner de façon globale sur les marchés émergents, cette prise de vue reste nécessaire, car les flux d’investissement fonctionnent ainsi. Dès lors, si l’on estime que le gros de la hausse des taux de la Fed est passé, les inquiétudes se dissipent. » Un risque géopolitique accruCe contexte macroéconomique porteur et l’arrivée (prochaine ?) du pic de la hausse des taux ne cachent pas un contexte géopolitique pour le moins tendu. « Ce contexte pèse beaucoup sur l’environnement de marché. Par exemple, le durcissement du discours du ministre de la Défense, personnalité sanctionnée par les Etats-Unis autour de Taïwan, n’est pas de bon augure. Avant d’investir sur les marchés émergents, il convient de se positionner sur la guerre froide à laquelle se livrent les Etats-Unis et la Chine. Si l’on considère que les relations vont s’envenimer, autant rester positionné sur les marchés des pays développés, affirme Xavier Hovasse. Chez Carmignac, nous faisons la promotion d’une méthodologie appliquée à la zone des émergents, pas la promotion de la classe d’actifs. Les investisseurs doivent également avoir à l’esprit le formidable développement de ces pays sur ces dernières décennies, malgré ce qu’on peut lire dans les journaux. Les pays asiatiques sont propres, sécurisés, dotés de belles infrastructures ; la pauvreté recule; ils forment des ingénieurs et scientifiques talentueux, investissent massivement dans l’innovation, alors que les choses semblent lentement s’enliser dans les pays développés. » Ce contexte géopolitique invite Michel Audeban à se montrer prudent vis-à-vis du marché chinois : « Nous considérons que, dans les années à venir, nous traverserons des pics d’hostilité entre les deux pays, à l’image de l’épisode récent des ballons. Aujourd’hui, les mesures de restriction sur la Tech chinoise sont très contraignantes pour la Chine. Attention à tout dérapage des Etats-Unis au sujet de Taïwan. De ce point de vue, nous préférons nous positionner de façon tactique sur le marché actions chinois, en gardant à l’esprit que la Chine restera le leader en Asie pour au moins les dix années à venir, avec un marché boursier énorme (plus de 100 milliards de dollars qui se traitent chaque jour sur le marché A), tandis que les autres marchés asiatiques sont beaucoup plus étroits ». Le conflit en Ukraine pénalise également les pays d’Europe de l’Est, « impactée par le conflit en Ukraine et la faiblesse des économies développées européennes, rappelle Josipa Markovic. L’Europe de l’Est reste dans une situation de récession, notamment la République tchèque, la Hongrie et la Pologne. Les taux d’inflation y sont notamment très élevés (25 % en Hongrie, par exemple). »Des actions, notamment chinoises, sous-valoriséesGlobalement, les professionnels de l’asset management estiment que les marchés actions des pays émergents offrent un bon potentiel de revalorisation, en particulier les valeurs chinoises. A l’inverse, le marché indien, dont la croissance potentielle est indéniable, apparaît survalorisé. « L’Inde propose un contexte plus favorable, avec de fortes perspectives de croissance dans les années à venir que n’offre plus la Chine », relève Michel Audeban. Pierre-Henri Cloarec, gérant du fonds Nordea 1 – Emerging Stars Equity chez Nordea Asset Management (3 milliards d’euros d’encours), privilégie les valeurs de croissance, grâce à la croissance locale, l’arrivée prochaine du pivot de la Fed et les levées des restrictions d’un gouvernement chinois assurant vouloir soutenir son économie. « La croissance est non seulement forte mais aussi en hausse dans les pays émergents en 2023, alors que dans le même temps elle sera molle chez les économies développées, avec un risque non-nul de récession, explique-t-il. Cet accroissement du différentiel de croissance devrait être un signe porteur pour les flux d’investissement vers les pays émergents et pourrait donc soutenir les marchés actions dans cette région.»Dans la construction de son portefeuille, le gérant privilégie les valeurs liées à la consommation domestique, avec une forte pondération sur les valeurs chinoises. « En tant qu’investisseur de long terme axé sur les fondamentaux des entreprises, nous ne fondons pas nos décisions d’investissements sur le contexte géopolitique. Néanmoins, il est indéniable que les tensions entre la Chine et les Etats-Unis accélèrent la tendance de déglobalisation. C’est pourquoi nous privilégions les valeurs orientées sur leurs marchés domestiques. Nous nous positionnons ainsi sur des valeurs leaders sur leur marché, ou qui gagnent des parts de marché ou encore celles qui disposent d’un fort Pricing Power. En Chine, notre plus forte allocation pays que nous surpondérons par rapport à notre indice, il s’agit de celles liées à la production de batteries électriques, aux énergies renouvelables ou encore à la santé. Nous apprécions aussi le marché indien, dont le potentiel à long terme est magnifique et qui est porté par des réformes structurelles fortes. Néanmoins, les valorisations sont élevées, notamment celles du secteur des biens de consommation, et nous nous orientons sur les valeurs bancaires encore attractives et qui profitent du rebond du marché du crédit et de la financiarisation du pays. Certaines valeurs d’Amérique latine sont également attractives comme Mercado Libre, géant régional du e-commerce, dont les prévisions des bénéfices sont en croissance de 40 à 50 % dans les prochaines années, grâce à une profitabilité en forte hausse. » Chez Gemway Assets, les valeurs qui bénéficient de la réouverture de l’économie chinoise sont surpondérées (38 % de GemEquity), notamment les actions A (14 %, contre 5 % dans l’indice), ainsi que les valeurs opérant dans le domaine des semi-conducteurs (autour de 20 %). « Après la chute des prévisions de résultats des entreprises chinoises, les valorisations avaient bien chuté, mais les conjectures repartent à la hausse et les valorisations qui ont déjà rebondi ont encore du potentiel, affirme Michel Audeban. Les investisseurs anticipent d’ailleurs un rebond et estiment que le pire est derrière nous. Seule une situation dans laquelle l’inflation reste élevée aux US, et donc une poursuite de la hausse des taux, ne profiterait pas aux marchés asiatiques. » La société de gestion privilégie ainsi les valeurs liées à l’économie domestique : « La Chine bénéficie toujours de réserves phénoménales, avec un excès d’épargne de 475 milliards de dollars, soit 3 % du PIB. Avec le retard de consommation enregistré durant la phase Covid, nous nous attendons à une forte hausse de la consommation qui pourrait être soutenue par des mesures de soutien. De plus, cette épargne pourrait également être investie sur les actions A, au plus bas depuis dix ans et qui enregistrent un retard vis-à-vis des actions H ». Chez Carmignac, Xavier Hovasse observe la puissance de la Chine sur les autres marchés, hormis de rares exceptions : « Les pays émergents sont très dépendants du marché chinois, dont l’indice – le MSCI China – est revenu à son niveau d’il y a trente ans. Seuls l’Inde, avec son marché peu cyclique, exportateur vers les pays développés et dont l’économie est principalement domestique, et le Mexique, pays satellite des Etats-Unis, sont décorrélés de la Chine ». Le gérant privilégie les valeurs chinoises, jugées globalement sous-valorisées, et plus particulièrement celles portées par la hausse de la croissance domestique. « Globalement, les valeurs des pays émergents ont pour atout d’offrir des dividendes élevés et permettent de bénéficier d’opérations de rachats d’actions. Nous sommes surpondérés sur des valeurs chinoises de consommation domestique, principalement pour des questions de valorisation. La croissance économique chinoise est en effet attendue à plus de 5 % cette année, notamment tirée par la hausse de la consommation des ménages de 7 à 10 % et qui correspond à 50 % du PIB. Nous préférons rester à l’écart de l’immobilier, un secteur trop opaque pour nous, investisseurs actifs. Toujours en Chine, nous disposons également de valeurs industrielles liées à la transition énergétique, de santé et d’éducation dans nos portefeuilles. » Hormis la Chine, les portefeuilles de Carmignac comprennent également des valeurs coréennes pour des questions de valorisation également, notamment Samsung et sur le secteur des batteries électriques, des valeurs d’Amérique latine, en particulier mexicaines qui vont bénéficier du mouvement vers une moindre dépendance à la Chine.
Des opportunités sur l’obligataireQuant aux marchés obligataires, leur évolution reste intimement liée à la politique monétaire américaine, comme l’estime Xavier Hovasse : « La question centrale repose sur la politique de la Fed et sa lutte contre l’inflation. Si la politique américaine de durcissement monétaire se poursuivait, la classe d’actifs souffrirait dans son ensemble. Si ce n’est pas le cas, l’environnement serait porteur car la classe d’actifs dispose de différents atouts : des Etats moins endettés que dans les pays développés (60 % du PIB en moyenne, contre 120 % pour les pays développés); des banques centrales qui ont globalement mené des politiques monétaires orthodoxes pour lutter contre l’inflation, ce qui a fonctionné dans certains pays, comme le Brésil qui pourrait être le premier pays à baisser ses taux; et enfin une source de décorrélation et de rendement. La période actuelle peut être considérée comme un bon point d’entrée. Au sein de notre fonds, nous avons d’ailleurs augmenté notre poche en dette locale couverte, avec des surpondérations sur des Etats d’Afrique, d’Europe de l’Est, le Mexique, le Vietnam, la Corée ou encore la Colombie. » Chez IVO, spécialiste de la dette corporate des pays émergents, les marchés obligataires disposent d’un potentiel certain grâce à l’augmentation des taux, mais aussi la qualité des émetteurs : « Comme partout dans le monde, les marchés obligataires sont redevenus attractifs et c’est d’autant plus vrai pour les obligations émises par les entreprises des pays émergents en devise dure, car elles offrent des rendements à deux chiffres en dollar assez protecteurs pour l’investisseur, commente Michael Israël. En effet, le risque de perdre de l’argent est faible grâce au coussin de sécurité des coupons qui permettent de couvrir les éventuelles défaillances d’entreprises. De plus, il s’agit généralement de sociétés moins endettées que dans les pays développés. Par exemple, sur le marché du High Yield, le ratio dette nette/Ebitda est inférieur à deux fois l’Ebitda pour les entreprises des pays émergents, contre 4,8 pour les entreprises européennes. Sur l’Investment Grade, ce ratio est de 0,8 fois l’Ebitda pour les sociétés des marchés émergents, contre 2,5 pour les sociétés américaines et 3,3 pour les émetteurs européens. Ainsi, les entreprises sont mieux positionnées pour encaisser à la fois les chocs de hausse des taux et le ralentissement économique.»Par ailleurs, Michael Israël estime que l’endettement des entreprises va redevenir déterminant dans l’analyse des entreprises et le choix des obligations. « Depuis dix ans, tous les problèmes étaient gérés par les injections de liquidités des banques centrales, et les investisseurs ont perdu de vue l’importance d’investir sur des émetteurs ayant des bilans sains, ajoute Michael Israël. Une fois la sélection faite, l’obligataire reprend tout son intérêt. En effet, le marché du crédit est moins sensible aux mauvaises nouvelles macroéconomiques et géopolitiques. Il existe en effet une marge de sécurité confortable avant que les obligations soient touchées. Aujourd’hui, nous observons de nombreuses désynchronisations entre les pays, avec certains en phase de ralentissement ou de reprise économique, et d’autres qui maîtrisent ou non le niveau de leur inflation. Cette période est source d’opportunités, notamment pour diversifier un portefeuille en termes géographique, sectoriel ou de devise. La dette émergente en devise dure étant principalement en USD (même une fois couverte en euros), elle permet aux investisseurs européens de diversifier leur poche obligataire, alors que la Fed a pris de l’avance sur la zone euro dans son mouvement de hausse des taux. » IVO indique avoir saisi de belles opportunités l’an passé autour de sa stratégie « mauvais » pays/bon émetteur, en profitant « de certaines poches de stress souverain, d’ordre soit politique, soit économique en 2022 qui, par ricochet, font apparaître de belles opportunités du côté des grandes entreprises au sein des pays émergents concernés. C’est le cas, notamment, au Brésil et en Colombie, en Amérique latine ». Pour autant, le gérant se veut prudent et privilégie les émissions à coupon élevé d’émetteurs de qualité : « A court terme, la classe d’actifs peut-être vulnérable et pourrait souffrir en mark-to-market, si le marché se mettait à nouveau à paniquer, si le High Yield US venait à souffrir, car cela provoque des flux sortants mécaniques des marchés émergents, peu importe la qualité et la solvabilité des sociétés. Pour gérer au mieux ces périodes, nous nous positionnons sur des émissions à coupon élevé, plutôt que sur des obligations à rendement élevé car achetées à bas prix, et nous avons remonté significativement notre notation moyenne. Il s’agit donc de sociétés de meilleure qualité, aux cash-flows plus robustes. Néanmoins, cela n’empêchera pas les réajustements de cours si le High Yield US venait à souffrir. »
« Nous assistons à un retournement des catalyseurs de performance de ces marchés »Alexandre Hezez, directeur de la gestion financière de Richelieu Gestion, explique pourquoi le marché actions chinois est l’une de ses convictions pour ces prochains mois.
Investissement Conseils : Que penser des marchés émergents à l’heure actuelle ?Alexandre Hezez : Côté actions, la classe d’actifs a beaucoup souffert ces deux dernières années. Néanmoins, nous assistons à un retournement des catalyseurs de performance de ces marchés. Pendant longtemps, l’activité de ces pays a été tirée par les exportations de matières premières et variait selon la croissance des pays développés car la Chine n’était qu’un intermédiaire. La donne change : l’activité chinoise, notamment avec la réouverture due à la fin de la politique zéro Covid, se recentre sur sa consommation domestique et entraîne avec elle les autres pays émergents. Avant d’investir sur les émergents, il convient donc de définir sa vue sur la Chine.Chez Richelieu Gestion, notre sentiment est actuellement positif : la Chine offre une bonne diversification des fondamentaux, elle est en croissance et devrait attirer les flux. Nous nous positionnons donc sur le marché actions chinois, en particulier les valeurs portées par la consommation domestique. Après que le pivot de la Fed soit réalisé, nous devrions élargir nos investissements sur d’autres pays émergents, notamment le Brésil dont les taux devraient bientôt baisser et dont le programme économique est centré sur la consommation domestique.Sur les marchés obligataires, la hausse des taux aux US et du dollar a été préjudiciable pour ce marché. Dans ce contexte, nous privilégions les obligations des pays développés, même si nous apprécions quelques stratégies de crédit corporate émergent très sélectives.
Le contexte géopolitique n’est-il pas rédhibitoire pour investir en Chine ?Bien sûr, la mondialisation du conflit est une épée de Damoclès qui pèse sur les marchés. Néanmoins, nous considérons que la Chine a plutôt intérêt à être une zone tampon pour faire avancer les discussions.
Quelle part réservez-vous à ces classes d’actifs dans vos portefeuilles ?Les marchés émergents représentent 5 à 10 % de la poche actions de nos portefeuilles. Les obligations des pays émergents ne jouent que pour quelques pourcents.Nous œuvrons en architecture ouverte sur ces classes d’actifs. Pour la poche actions, nous utilisons à la fois des ETF, comme le Amundi MSCI China ESG Leaders Select et le Amundi ETF PEA MSCI Emerging Asia, mais aussi des fonds actifs, tels que Vontobel Fund – mtx Sustainable Emerging Markets Leaders, Schroder ISF Greater China, Fidelity Funds-Emerging Markets ou encore Gemway Asia.S’agissant de la poche obligataire, nous apprécions la stratégie «mauvais pays, belle société»d’IVO Capital Partners, IVO Fixed Income, ainsi que le fonds JPM Emerging Markets Strategic Bond Fund.
« Le timing d’investissement nous paraît opportun »Jean-Patrice Prudhomme, directeur du pôle allocation-gestion de Milleis, livre son point de vue sur les marchés émergents, tant actions qu’obligataires.
Investissement Conseils : Quel regard portez-vous sur les marchés actions des pays émergents ?Jean-Patrice Prudhomme : Les économies de ces pays offrent une croissance économique supérieure à celle des pays développés, et qui s’accroît, respectivement 4 % et 1,4 % attendus en 2023 par le FMI après 3,9 % et 2 % en 2022. Les pays émergents restent tirés par la croissance chinoise qui sera en forte hausse cette année (5,2 % attendus par le FMI en 2023, contre 3 % en 2022) et qui redevient un moteur puissant depuis l’abandon de la politique zéro Covid. De plus, notons que la Chine n’est pas perturbée par l’inflation, laquelle reste faible à 1 % en février en rythme annuel. Néanmoins, les autres pays ont été pénalisés par les hausses de taux, mais nous considérons que si l’inflation ralentit moins que prévu, le gros de la hausse des taux est passé avec une Fed qui devrait procéder à deux nouvelles hausses de son taux directeur de 0,25 %. Du côté des valorisations, celles-ci sont raisonnables à 12,4 fois les bénéfices, contre 16,6 fois pour la moyenne mondiale et 18,7 fois pour le marché US et 12,5 fois pour la zone euro qui reste un thème Value. L’indice MSCI Emerging Market n’a progressé que de 2,3 % depuis le début de l’année (au 8 mars dernier), contre 4 % pour le S&P 500 et 13 % pour l’Eurostoxx 50, alors qu’il a davantage baissé l’an passé (respectivement - 22,4 %, - 19,4 % et - 11,7 %). Les rendements du dividende sont, eux aussi, attractifs, à 3,2 % en 2023, contre 2,2 % pour le marché mondial, 1,7 % pour le marché américain et 3,4 % pour l’Eurostoxx 50.Dès lors, les marchés émergents, en particulier la Chine, offrent une bonne diversification par rapport aux pays développés, et le timing d’investissement nous paraît opportun. Structurellement, nos portefeuilles sont exposés à hauteur de 15 à 20 % de la poche actions, ce qui est loin d’être négligeable. La diversification géographique et sectorielle sur ces marchés très hétéroclites s’impose pour gérer au mieux les risques économiques, financiers et géopolitiques.
Et s’agissant des marchés obligataires ?Notre exposition est plus faible, généralement entre 3 et 6 %, et est une source de diversification essentiellement, via les emprunts d’Etats.
Comment vous exposez-vous sur ces marchés ?Nos prises de position reposent sur des fonds permettant d’accéder à une exposition large sur les marchés actions, avec au final une dominante sur l’Asie (70 %), en particulier la Chine (35 à 40 %). Nous utilisons principalement trois fonds : le Nordea 1 - Emerging Stars Equity, le Goldman Sachs Emerging Core Equities et le Carmignac Emerging Market. Du côté obligataire, nous sommes exposés via un fonds bien diversifié, M&G Emerging Market Bonds.