Les recherches d’HSBC AM montrent que les valorisations ne reflètent pas correctement la croissance future des bénéfices. C’est que souligne dans un point de vue Olivier Gayno, directeur des investissements d’HSBC AM en France.
« Après plusieurs années de sous-performance, fait observer Olivier Gayno, directeur des investissements d’HSBC Asset Management en France, les investisseurs ne considèrent plus la valorisation – prix de marché d’une action au regard de sa valeur économique réelle – comme l’un des principaux moteurs de performances boursières. Pourtant, seules deux variables déterminent la performance à long terme d’une action : sa valorisation actuelle et ses performances économiques futures. Il ne s’agit pas là d’une opinion, mais d’une identité comptable. »
Vive les valeurs ennuyeuses !
Si la performance obtenue à partir d’un investissement en actions dépend du prix d’achat et des performances économiques futures des entreprises dans lesquelles un gérant investit, la situation peut s’interpréter en sens inverse : la valorisation actuelle reflète la rentabilité attendue ou les bénéfices futurs des sociétés. Cette règle indique également qu’il est possible d’investir dans une entreprise qui présente d’excellentes performances économiques, mais dont l’action constituera un investissement financier décevant, précisément en raison de sa valorisation.
En outre, les performances économiques ne se traduisent pas nécessairement par des performances financières. De nombreux exemples le prouvent. Et certaines entreprises dont la croissance est atone peuvent se révéler d’excellents investissements financiers. Il existe d’ailleurs, rappelle Olivier Gayno, un dicton qui dit : « Une entreprise de qualité peut être une action ennuyeuse et une entreprise ennuyeuse une action performante. »
Entre la fin des années 60 et le début des années 70 (ère des « nifty fifty »), 50 entreprises américaines (Coca-Cola, General Electric, IBM, McDonald’s, Pfizer…) ont enregistré une croissance largement supérieure à celle de l’économie, avant de s’effondrer en 1973 et de sous-performer les dix années suivantes.
Le professionnel évoque aussi la bulle Internet. Investir dans le secteur technologique à la fin des années 90 s’est soldé par une énorme déception : « Si vous étiez exposé au secteur technologique américain à la mi-1999, vous auriez perdu de l’argent sur votre investissement 14 ans plus tard. Or, sur la même période, les bénéfices des entreprises technologiques ont augmenté de près de 9 % par an, soit près de deux fois le taux de croissance moyen des bénéfices des sociétés américaines. »
Toujours sur la période de juin 1999 à juin 2013, si vous aviez investi sur des entreprises « ennuyeuses » du secteur de la consommation courante, la valeur de votre investissement aurait, grâce à la valorisation et aux dividendes, progressé de 130 % ! Et ce, alors que les bénéfices du secteur ont crû à peu près au même rythme que l’ensemble des profits des firmes de l’Oncle Sam.
Rareté des valeurs de croissance
Il peut être judicieux d’acheter des valeurs de croissance, tant que le prix à payer n’implique pas une croissance « irréaliste » des bénéfices au cours des 10 prochaines années, qui est généralement l’horizon de placement sur lequel les investisseurs valorisent les actions. « Selon nos recherches, explique Olivier Gayno, il est très difficile de prévoir la croissance future à long terme.
De plus, les véritables valeurs de croissance sont assez rares. Sur 15 ans, d’août 2008 à août 2023, seules 2,5 % des entreprises européennes ont été capables d’afficher une croissance de plus de 20 % par an, et seulement 6 % de plus de 15 % par an. Sur 10 ans, d’août 2013 à août 2023, seules 13 % des entreprises européennes ont été capables d’afficher une croissance annuelle de plus de 20 %, et seulement 23 % de plus de 15 %. »
Pour le professionnel, la manière dont le marché valorise les perspectives de croissance présente une anomalie : il surpaie les « belles » histoires et sous-paie les histoires « ordinaires ». Selon lui, la question à se poser au sujet de l’intelligence artificielle, par exemple, n’est pas de savoir si celle-ci relève d’une simple mode ou d’un véritable changement structurel dans nos sociétés : « Compte tenu des valorisations actuelles, les entreprises spécialisées dans l’IA ne sont pas particulièrement attractives. »
Maintenant, si la valorisation est si importante, pourquoi les titres « value » ont-ils sous-performé ces 15 dernières années ?
En 2000, les valorisations des valeurs de croissance étaient extrêmement élevées par rapport à celles des titres « value ». Ceux-ci ont enregistré une remontée de plusieurs années, jusqu’en 2007. Lorsque la crise financière mondiale a débuté, les valorisations des titres « value » et des valeurs de croissance ont convergé. En outre, les résultats des entreprises décotées ont été gonflés par des effets de levier financiers « excessifs ».
La crise financière a coïncidé avec l’éclatement de la bulle « value » (qui ne s’est terminé qu’en 2012). Jusqu’en 2018, la sous-performance du style « value » a suivi une trajectoire « logique ». Durant les périodes défavorables aux titres « value » (crise de l’euro, environnement déflationniste, bulle chinoise…), la croissance relative des bénéfices des entreprises décotées s’est globalement détériorée, rendant leurs valorisations moins attrayantes que celles des valeurs de croissance. Les investisseurs se sont tournés vers des actions de qualité, moins cycliques.
Ecart de valorisation record
« Vers 2018, continue le stratégiste, l’écart de valorisation s’est encore creusé, franchissement sa fourchette historique à long terme. La moyenne de cet écart sur un an, au 31 août 2023, correspond à un événement extrême dont l’occurrence est statistiquement inférieure à 4 %. » Il y a eu une « capitulation » sur les titres « value » qui a structurellement augmenté le prix du risque et de l’incertitude (prime de risque).
L’actuel écart de valorisation indique que les investisseurs sont « trop complaisants » à l’égard des performances économiques futures des valeurs de croissance, plus cycliques que ne le pensent la plupart d’entre eux, et qu’ils ont une crainte « irrationnelle » à l’égard des titres « value », les valorisations de certains titres reflétant même l’hypothèse d’une faillite.
Selon Olivier Gayno, des signes annonciateurs d’un rééquilibrage en faveur du style value se font jour. La thématique « value » commence à peine à retrouver des couleurs. Les écarts de valorisation restent à des niveaux record. Les investisseurs ont délaissé le style « value » en raison des risques de récession. Ainsi le secteur bancaire – secteur « value » par excellence – voit-il ses bénéfices faire un bond de 30 % d’une année sur l’autre, tandis que le marché table sur une chute de 30 % au cours des 12 prochains mois…
Par ailleurs, l’écart de valorisation entre le marché américain et son homologue européen n’a jamais été aussi élevé, alors que les bénéfices aux Etats-Unis sont inférieurs à ceux générés sur le Vieux Continent. De surcroît, les 10 plus grandes capitalisations américaines représentent plus de 30 % de l’indice S&P 500. « C’est plus que les 25 % atteints au sommet de la bulle Internet, fait remarquer le directeur des investissements d’HSBC AM pour la France, et nettement plus que la moyenne historique de 17 %. Ces 10 poids lourds se négocient en moyenne 47 fois les bénéfices des 12 prochains mois ! »
Anticiper l’évolution des styles de gestion est « très difficile, voire impossible ». Certains signaux suggèrent néanmoins qu’il est très risqué de sous-pondérer la style « value » et de surpondérer les valeurs de croissance, qui ne sont pas « immunisées » contre les aléas du cycle économique et l’éventualité de sévères corrections boursières. Dans cet esprit, il est possible, ainsi que le suggère dans un document destiné aux professionnels Pascal Pierre, responsable actions européennes chez HCBC AM, d’opter pour un fonds tel qu’HSBC GIF Euroland Value, dont la gérante principale est Jeanne Follet.
ML