Les seniors, un marché d’avenir

01/12/2024 - source : Investissement Conseils

Un tsunami démographique. La population des plus de soixante-quinze ans devrait considérablement augmenter sur la décennie 2020-2030, passant de 6,4 millions en 2021 (soit 10 % de la population totale) à près de 8,6 millions à l’horizon 2030 (soit 13 % de la population totale), selon les prévisions de l’Ined, à partir d’un scénario central de l’Insee de 2021.Toujours d’après ces projections, la décennie 2030-2040 serait ensuite marquée par une explosion des quatre-vingt-cinq ans et plus (plus de 1,3 million de personnes de 2030 à 2040, soit une hausse de + 58 %). De quoi accroître la demande sur les résidences services seniors durant les vingt prochaines années. En 2016, le parc immobilier recensait environ cinq cent-quarante établissements non médicalisés dédiés aux personnes âgées et en compte mille cent aujourd’hui. Le think tank Matières grises prévoyait, en mars 2022, un maintien de cette dynamique sur dix ans, avec la mise en exploitation de quatre-vingts à quatre-vingt-dix résidences par an. Le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a, quant à lui, estimé que la part des résidences services seniors pourrait augmenter de 330 à 440 %, d’ici 2030. Avec quatre-vingt-quinze mille deux-cent-cinquante lits en 2023, il ne représente, en effet que 2,3 % du parc immobilier français. Les potentialités du marché, au regard de son public cible – des personnes âgées, en moyenne, de soixante-quinze à quatre-vingt-quatre ans, fragiles mais pas dépendantes –, s’annoncent donc considérables.

Un marché qui gagne
 en maturitéLes seniors un marché davenir 01Micro-niche du résidentiel géré (1,1 milliard d’euros investi en 2023), les résidences seniors (médicalisées et non médicalisées) marquent le pas, accusant une baisse de 73 % des investissements, pour un montant de 169 millions d’euros sur un an, révèle l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (Ieif).Affichant pourtant un taux de rendement attractif moyen de 5 % et des fondamentaux solides (vieillissement de la population, déficit d’offre et demande forte, croissances des loyers, stratégie responsable selon les critères ESG), le marché se heurte à plusieurs points de vigilance, parmi eux la solvabilité des ménages, le manque de visibilité sur l’évolution des taux d’intérêt, la rareté de l’offre, les risques réglementaires ou encore la hausse des coûts d’exploitation. « Promoteurs et investisseurs n’ont pas le même regard sur ce marché. S’il est vrai que celui-ci commence à atteindre une certaine maturité et que l’offre s’est affinée, les institutionnels restent prudents, notamment échaudés par les scandales qui ont entaché le secteur des Ehpad et le risque réputationnel qu’il fait encore peser sur ses acteurs », explique Lina Mounir, analyste senior et responsable du pôle marchés immobiliers de l’Ieif.Si l’attentisme et la discrétion priment, les groupes mutualistes (assureurs, mutuelles) investissent toutefois volontiers dans les résidences à vocation sociale. Un segment de marché jusqu’alors peut couvert par les résidences seniors, longtemps tournées vers les catégories CSP+.

Outil de diversificationLe poids du public dans l’économie de la santé réduit d’autant la part du parc privé qui demeure marginale sur le marché.Réservé aux spécialistes, l’immobilier dédié aux seniors s’inscrit dans une stratégie de diversification des actifs. « Le redéploiement des allocations sur la santé est motivé par les niveaux de rendements que ces actifs délivrent, dans un contexte où les bureaux déclinent », observe l’analyste. L’enveloppe santé, qui regroupe les résidences seniors, les Ehpad, les maisons de santé, les cliniques et les soins de suite et de réadaptation (SSR), atteint désormais jusqu’à 10 % du portefeuille des investisseurs. Malgré l’évidente nécessité d’anticiper dès à présent l’accroissement de la population senior, le développement du marché n’apparaît pas encore comme une cible prioritaire des pouvoirs publics, davantage tournés vers le maintien à domicile. « Les aides à la rénovation et à l’adaptation des logements aux problématiques du grand âge, ainsi que la fiscalité sur le logement en résidence seniors, qui n’est plus considéré comme une résidence principale mais secondaire, visent à inciter les propriétaires à rester chez eux », note Lina Mounir. La crise du logement pourrait, toutefois, infléchir cette politique. « Les catégories de population les plus âgées sont aujourd’hui davantage propriétaires de leur résidence principale (71 % des plus de soixante-dix ans), ce qui implique qu’à horizon 2030, près de cinq millions de résidences principales pourraient être libérées dans le parc privé, d’ici cinq à dix ans, et desserreraient, en partie, l’étau sur l’offre de logements », indique l’analyste. Un appel d’air pour les primo-accédants qui redonnerait, par la même occasion, des couleurs au marché immobilier résidentiel. 

Résidences services seniorsDepuis la création, en 1973, de la première résidence seniors Les Jardins d’Arcadie, à Biarritz, le modèle a évolué au rythme de ses habitants. Les résidences dites de quatrième génération ont ainsi été conçues pour répondre aux besoins des papy et mamy-boomers épris de liberté, d’autonomie et de services, mais surtout destinées à recréer du lien social pour les seniors veufs ou isolés.Les seniors un marché davenir 02Toutefois, proposer une offre adaptée à la solvabilité des clientèles cibles – seuls 45 % des plus soixante ans sont capables de soutenir un loyer en résidence dans un modèle entrée de gamme très intégré (avec un socle de services important) et 75 % une offre 100 % à la carte – reste “
un enjeu majeur du marché. Les premières générations, positionnées sur des prestations haut de gamme, ont, en effet, connu des difficultés de remplissage, tout particulièrement dans les métropoles, où le prix foncier est élevé. En revanche, dans les territoires moins urbanisés, l’offre trouve son public et la rentabilité s’améliore… A condition de respecter certains critères. « Avant d’investir, il faut analyser la zone de chalandise, étudier la concurrence locative, choisir un exploitant dont c’est le métier et accepter le fait que remplir une résidence senior prend du temps, entre deux et trois ans. Enfin, il convient, pour la pérennité de l’exploitation, de rester raisonnable sur le montant de loyer », rappelle Edouard Fourniau, directeur général délégué de Consultim Groupe qui préconise une rentabilité entre 4 et 4,20 %, pour un T2 neuf vendu, selon l’emplacement, entre 150 000 et 200 000 euros. Pour ce dernier, le durcissement du marché immobilier offre des opportunités d’investissement. « Il ne faut jamais redouter d’être contracycliques lorsque l’offre répond à un besoin sociétal. C’est le cas des résidences seniors qui bénéficient d’un effet momentum face au manque de places en Ehpad, d’une part, et de la hausse des taux d’intérêt, de l’autre », explique-t-il.En outre, le bail commercial et la délégation de gestion à un exploitant unique disposent d’avantages, tels que la récupération de la TVA, des baux longs de durée ferme, pas de vacance locative, de frais de remise en état des lieux, ni d’impayés de loyer. Un confort de gestion qui séduit les investisseurs.

Des modèles plus hétérogènesActeur historique du marché, Domitys (groupe AG2R La mondiale), réfléchit à une segmentation de l’offre, des services personnalisés, en plus du socle commun (conciergerie, maintien de l’autonomie à domicile, etc.) et à un format de résidences plus compact. « Si la nécessité d’implanter de nouvelles résidences seniors ne se discute pas, il faut être en mesure d’anticiper et s’adapter à des besoins plus hétérogènes, avec une profondeur de services plus ou moins grande, selon les attentes de chacun, en fonction des territoires », soutient Julien Bey, directeur général de Domitys Invest. L’offre de services est ainsi questionnée et mise en regard de la performance économique du modèle d’exploitation des résidences. « Ce travail de segmentation est induit par la nouvelle donne du marché immobilier – la cherté des fonciers, la hausse des coûts des matériaux ainsi que l’inflation des normes de construction – et la nécessité d’assurer un niveau de rentabilité pérenne, tout en répondant durablement aux différents besoins de notre clientèle », précise le directeur.L’élargissement de sa gamme permet aussi à Domitys de rendre l’investissement accessible à une plus grande diversité de profils d’investisseurs, avec, notamment, des tickets à partir de 125 000 euros. Pour son opération de Senlis, le groupe propose une résidence de cent-trente-trois appartements, du T1 (à partir de 131 000 euros) au T3 (à partir de 261 000 euros) située au cœur d’un écoquartier entouré de plusieurs forêts et espaces verts. Le groupe accompagne également les investisseurs sur le marché “
secondaire qui se développe à mesure que le parc gagne en maturité, laissant à penser que la baisse du nombre de programmes neufs sera compensée par une hausse des opérations de recyclage (cf. encadré ci-dessous) et de seconde main.

Consolidation du marchéLes seniors un marché davenir 04Le rachat du réseau Les Essentielles (ex-Clariane/Korian), en juin dernier, par le groupe Duval (groupe Odalys) témoigne de la concentration et de la consolidation du marché. Happy Senior, la filiale du groupe Odalys, gère désormais vingt-cinq résidences et deux mille trois cents logements pour seniors autonomes en France. Une croissance externe nécessaire pour atteindre une masse critique et réaliser des économies d’échelle. « Nous avons débuté il y a cinq ans avant cette acquisition, nous avions un total de sept établissements en exploitation et nous visons aujourd’hui le top 5 des résidences seniors en France  », annonce James Galland, directeur général d’Odalys City, d’Odalys Campus et de Happy Senior. Une stratégie de développement qui n’exclut pas, pour autant, une grande sélectivité sur les actifs immobiliers. « Sur deux cents dossiers de promotion reçus, nous en validons cinq qui correspondent à notre cahier des charges », assure le directeur.« L’intégration des Essentielles vient compléter et enrichir notre offre, renforcer notre maillage du territoire, en particulier en Ile-de-France, et nous permet de mettre place des logiques commerciales ambitieuses, ajoute James Galland. Nous mettons l’accent sur la qualité des animations et des logements, tous équipés de domotique pour optimiser la sécurité des résidents, réduire les délais d’intervention en cas de chute et assurer la connexion à distance avec les proches. »Afin de casser l’isolement social des seniors, Happy Senior œuvre à « faire entrer le monde extérieur » à l’intérieur des résidences en nouant des partenariats avec des associations locales.

Ehpad et soins médicaux
et de réadaptation (SMR)Avec une population de plus de quatre-vingts ans qui va doubler d’ici 2050 en Europe, l’accompagnement du grand âge est un enjeu majeur de nos sociétés occidentales. En France, le numerus clausus imposé par les agences régionales de santé (ARS) sur la création de nouveaux établissements de santé oriente les investisseurs vers la rénovation plutôt que vers la construction. « Une opération se déclenche souvent lorsqu’un établissement ferme dans une région pour fusionner avec un autre, ou lors de changement d’opérateur », indique Frédéric Delleaux, Founding Partner de Lifento qui consacre un tiers de son fonds européen dans des opérations core+ et value-add, visant à repositionner les actifs de santé vieillissants.Détenant 400 millions d’euros d’actifs sous gestion, le pure-player investit à 50 % dans les Ehpad, en France et en Europe, principalement en Espagne, Italie et Portugal où les réserves de foncier sont présentes et les taux d’équipements encore faibles, au regard de la demande. Il a récemment acquis un terrain à Cascais, près de Lisbonne, au Portugal, pour construire une maison médicalisée de cent-vingt chambres, livrée fin 2026.Le scandale d’Orpea a eu la vertu de rationnaliser et d’apurer le marché qui a démontré sa résilience, échappant à une dévalorisation drastique des valeurs de parts et d’actifs. Le rendement prime des Ehpad dépasse les 5 %. « Les primes de risque sur l’immobilier sont en train de se reconstituer et le secteur de la santé renoue avec ses niveaux de rentabilité d’avant-crise. Les opérateurs sont en demande d’accompagnement pour développer de nouvelles infrastructures de santé », assure Frédéric Delleaux.

Un investissement qui fait sensLes seniors un marché davenir 06Partenaire de LNA Santé plus de trente ans, Fidexi commercialise des programmes neufs en Ehpad, dotés des dernières normes thermiques et environnementales réglmentaires. Pour Alban Gautier, directeur général de Fidexi, l’investissement en Ehpad fait sens. « La stratégie de l’Etat de favoriser la rénovation du parc existant, dont une grande partie des établissements sont publics et associatifs, est à court terme. Ils ne disposent pas d’une taille suffisante pour rentabiliser le modèle. Il faut, avant tout, restructurer le parc », soutient le directeur général.LNA Santé et Fidexi rachètent et transforment les petites unités en établissements d’une centaine de lits. « La France aura besoin de construire mille Ehpad par an et de cent mille places supplémentaires par décennie pour assurer la prise en charge des plus de deux millions de personnes âgées dépendantes en 2040 », ajoute-t-il.Moyennant un ticket de 200 000 à 450 000 euros dans le neuf, l’achat d’une chambre en Ehpad assure un loyer pérenne, assorti des avantages du dispositif LMNP (amortissement de la valeur du bien). Convaincus que la mutualisation est la clé d’un meilleur niveau de services pour les résidents, Fidexi et LNA lancent, au mois d’octobre, la commercialisation d’un pôle de santé à Serris, en Seine-et-Marne, déjà en exploitation, accueillant, sur un même site, un Ehpad de cent-vingt lits, un établissement de soins médicaux et de réadaptation (SMR) et une antenne centre d’hospitalisation à domicile (HAD).

Ehpad domiciliaireHistoriquement présent sur le marché médico-social, Linkcity travaille main dans la main avec les ARS et les bailleurs sociaux pour développer des projets à vocation sociale.En Nouvelle-Aquitaine, l’opérateur lance, en partenariat avec Action logement, le concept d’Ehpad domiciliaire, au cœur de la commune de Champniers, en Charente : un nouveau concept qui vise à améliorer la prise en charge des résidents grâce à un écosystème de professionnels de santé, psychologues et experts en accompagnement des vulnérabilités. « L’Ehpad domiciliaire agrège plusieurs équipements, dont une partie est ouverte sur l’extérieur, redonne un nouveau souffle au modèle et préfigure de son évolution », explique Xavier Tachene, directeur du développement Nord-Est de Linkcity.L’Ehpad de Champniers sera accolé à une maison de santé. Il accueillera cent-sept logements, d’une superficie de vingt-deux mètres carrés par chambre, regroupés en unités de vie de quatorze à seize chambres pour un meilleur confort de vie au quotidien. Les unités comprennent chacune un espace thématique avec salon de lecture et salle de musique d’environ 30 m2, une salle de restauration d’environ 35 m2 équipée d’une cuisine aménagée, des locaux de service et techniques dédiés. Les espaces communs ont été conçus pour être de véritables lieux de vie et d’interactions (pôle de soins et de bien-être, pôle administratif, services des soins infirmiers à domicile), ainsi que des services et tiers-lieux (brasserie, coiffeur, salle polyvalente, etc.) accessibles à tous.Dans un souci d’élargissement de l’offre, Linkcity travaille également activement sur des produits connexes avec ses partenaires, tels que Domani, pour proposer de nouveaux formats immobiliers. « Nous réfléchissons à l’étape intermédiaire entre la résidence seniors et l’Ehpad, sous la forme de maisonnées aux équipements plus modestes, mais sous la surveillance d’un personnel médical », indique le directeur, convaincu qu’il n’existe pas une seule réponse à l’accompagnement du grand âge mais, au contraire, qu’une palette de produits immobiliers et de structures dédiées à la fin de vie sera amenée à se développer. “Investir dans
 la pierre-papierLes seniors un marché davenir 07Pourvue d’un portefeuille de deux-cent-soixante immeubles de santé, d’une valeur de 3 milliards d’euros, la SCPI Pierval Santé de la société de gestion Euryale, qui investit sur l’ensemble du secteur (Ehpad, résidences seniors, soins médicaux et de réadaptation, et coliving), accompagne le développement des exploitants qui font le choix d’externaliser leur immobilier pour privilégier des opérations de croissance. Elle finance aussi les opérations de construction pour le compte des acteurs de la santé. « Nous recevons de plus en plus de demandes de professionnels qui préfèrent mobiliser leurs fonds propres dans leur activité plutôt que dans les murs », constate David Finck, directeur général d’Euryale.Une tendance qui s’est accrue avec la hausse des taux de financement. Pierval Santé a bouclé une année 2023 sur une collecte brute exceptionnelle de plus 400 millions d’euros et délivré un rendement de 5,10 %. Pour 2024, la société de gestion anticipe un tassement de 200 millions d’euros, sur un marché de la pierre-papier en baisse de 50 %. « Nous accordons la priorité à la protection du capital investi par nos associés, avec le maintien du prix de la part et une valeur de reconstitution stabilisée, malgré les divers chaos subis par le marché. Nous adaptons notre stratégie d’acquisition à notre collecte en attendant la reprise du marché en 2025, dopée par la baisse des taux », prévient David Finck qui n’exclut pas d’opérer quelques arbitrages et repositionnements de ses actifs sous gestion. Euryale prévoit, par ailleurs, de s’ouvrir aux investisseurs institutionnels sur ses fonds propres (caisses de retraite, mutuelles, banques) sous la forme de clubs deals. « Nous souhaitons faire coexister une offre de véhicules 100 % dédiés aux institutionnels, en parallèle de notre offre retail, via nos SCPI et contrats d’assurance-vie », annonce le dirigeant.

Un fonds paneuropéen dédié aux seniorsPrésent depuis 2011 en France et 2006 en Allemagne sur le marché des seniors, Swiss Life AM France a lancé, fin 2018, le fonds paneuropéen SL REF (LUX) European Healthcare SCS, SICAV-SIF spécialisé dans le secteur de la santé, géré par Swiss Life Asset Managers Luxembourg, qui se concentre sur les actifs core/core+, avec un focus initial sur les Ehpad et les résidences seniors.Le fonds qui compte aujourd’hui quarante-deux actifs, dispose de quatorze résidences services senior et vingt-deux Ehpad ou équivalents. La stratégie du fonds propose une vision globale, tout en gardant une approche locale : le choix de l’exploitant, la gestion dans les établissements et la rencontre régulière avec les directeurs d’établissement sont primordiaux. « Nous mettons en place une approche partenariale avec les exploitants afin de créer un environnement de confiance pour les accompagner dans leur développement. Cette conviction de gestion répond non seulement aux évolutions démographiques, mais également à la nécessité d’être de plus en plus actifs dans l’approche du soin développée dans les établissements dont nous sommes propriétaires. Un investisseur en santé pouvant difficilement se détacher de l’opérationnel toujours délicat lorsqu’il concerne une population fragilisée par l’âge », explique Valérie Maréchal, Head Resi&Care de Swiss Life AM France.Outre la diversification des opérateurs, la dimension internationale de ce fonds permet à Swiss Life AM de tirer profit des expériences et « best practices » hors de France, notamment en Allemagne, où le concept d’Ehpad sélectionné dans le portefeuille « se rapproche davantage du coliving, réunissant des petits groupes de six ou huit personnes par unités de vie, selon leur niveau de dépendance et pathologies, pour créer un effet “cocon”, dans une logique de communauté », explique Valérie Maréchal.Pour celle-ci, la transformation des Ehpad en France reste à faire, mais demeurera difficile, compte tenu des contraintes financières et réglementaires pesant sur les établissements. « Nous considérons que l’Ehpad restera un maillon indispensable pour l’accueil de la dépendance, mais il doit retrouver une image positive pour tous : résident, famille, soignants. N’oublions surtout pas qu’une grande partie des établissements réalise aujourd’hui un travail d’accueil et de soin remarquables hors des feux de l’actualité ayant stigmatisé, à raison, les mauvaises pratiques », précise-t-elle.Sur le plan architectural, le parc d’actifs vieillissants, plus adapté aux critères ESG, va devoir être rénové et peut-être à cette occasion reconfiguré pour rendre ces lieux conformes aux nécessités environnementales, tout en gommant la coloration hospitalière qu’ils ont encore.En ce qui concerne les soins, le fonds ouvre désormais ses investissements aux actifs de soins purs (cliniques) de réhabilitation (SMR) et aux actifs spécialisés (psychiatrie), secteurs dans lesquels la population des seniors est présente. Enfin, pour financer la dépendance, Valérie Maréchal considère les pistes assurantielles et l’épargne longue, comme des marchés à approfondir afin que chacun, selon ses moyens, puisse être acteur de son vieillissement. “Vieillir à domicileLes seniors un marché davenir 08Préféré par la majorité des Français en capacité de vivre de façon autonome, le « bien-vieillir chez soi » ouvre un marché prometteur aux solutions d’investissement en viager ou nue-propriété.« La nue-propriété permet soit à un senior de monétiser son capital immobilier pour financer son bien vieillir et répondre à ses besoins patrimoniaux – anticipation de la succession et donations de liquidités à ses descendants –, soit de développer du parc locatif subventionné par la collectivité – opérations développées avec des usufruitiers de type bailleur social », résume Amaury de Calonne, cofondateur et président de Monetivia.Le groupe commercialise, depuis 2017, le contrat Monevitia, adossé à la compagnie d’assurance Allianz, qui vise à supprimer les aléas liés à la durée variable de conservation du bien. En cas de décès prématuré du vendeur, les héritiers reçoivent une indemnisation correspondant aux années d’usufruit dont ce dernier aurait dû bénéficier. L’acquéreur qui finance cette indemnisation récupère alors la pleine propriété.Si le vendeur est encore vivant au terme de la période prédéfinie, il garde un droit d’usage et d’habitation et peut jusqu’à son décès continuer à vivre dans son logement. La compagnie d’assurance Allianz prend alors le relais et verse à l’acheteur une rente mensuelle. Au terme de l’opération, l’acheteur récupère la pleine propriété, sans droits ni frais à payer. « Dans un contexte de marché où les volumes et valeurs de l’immobilier tendent à la baisse, l’investissement en nue-propriété fait office d’amortisseur, grâce à la décote initiale, qui couvre 100 % des loyers à venir », soutient le président.Pour les investisseurs, c’est aussi un moyen d’éviter les coûts superflus (taxe foncière, charges de copropriété), la fiscalité et les aléas de la location.

Les multiples options
 du viagerLe bien-vieillir à domicile implique de maintenir un niveau de vie équivalent. Une gageure face à la stagnation du montant des retraites et à l’inflation.Pour lutter contre la paupérisation des seniors et les accompagner dans leurs nouveaux besoins (adaptation du logement aux handicaps, soins ou repas à domicile, départ vers une résidence seniors, etc.), le viager offre plusieurs solutions d’investissements.Le viager occupé, d’une part, qui permet le maintien à domicile du senior. « Ce dernier dispose d’un bouquet et d’une rente tous les mois, pour améliorer son quotidien, protéger son conjoint, aider sa descendance et anticiper sereinement le financement d’une éventuelle dépendance (maison de retraite médicalisée ou non). L’investisseur, de son côté, bénéficie d’une décote d’occupation calculée sur l’espérance de vie statistique du vendeur. Par exemple, pour un bien d’une valeur vénale de 350 000 euros à une femme seule de soixante-et-onze ans, la décote d’occupation sera de 54,6 %, le bouquet à verser, de 50 000 euros et la rente viagère de 544 euros par mois », calcule Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo, devenu entreprise à mission le 1er septembre dernier.Le viager libre, d’autre part, représente, aujourd’hui 20 % à 25 % des ventes en viager. « C’est une solution attractive très recherchée par les primo-accédants ; c’est souvent la seule possibilité d’accéder à la propriété », note la fondatrice. En viager libre, l’acquéreur débirentier dispose entièrement du bien : il peut, dès la signature de la vente, emménager dans le logement ou le mettre en location. En contrepartie, il est responsable et redevable de tous les travaux, charges et frais d’entretien. Il paiera tous les impôts dus au titre de propriétaire.Une troisième option, lancée par Viagimmo en 2021, se dessine dans le viager mixte. « Dans une maison à étages, le rez-de-chaussée est occupé par le vendeur, en viager occupé, et le premier étage est vendu en viager libre avec, pour chacun des niveaux, une entrée indépendante », décrit Sophie Richard. Née du constat qu’il devenait de plus en plus difficile, pour les investisseurs d’acquérir l’intégralité de la propriété, en raison de la hausse des taux mais aussi que la société était prête pour la cohabitation intergénérationnelle, cette alternative au viager permet à l’acquéreur de s’installer tout de suite dans son bien, et au vendeur de percevoir une rente. Par exemple, le prix d’un viager libre pour une maison valorisée à 300 000 euros, occupée “ par une femme de soixante-quatorze ans, s’élèvera à 75 000 euros, après une décote de 50 % sur la valeur du viager occupé (150 000 euros).

SCI en démembrement viagerAccessible au sein de contrats d’assurance-vie en unité de compte, la SCI Viagénérations, gérée par Turgot Asset Management, entité du groupe Magellim, s’est spécialisée dans le démembrement en viager qui repose sur un modèle 100 % bouquet. « Au moment de la signature, le vendeur dispose immédiatement de la somme maximale tirée de la vente de son patrimoine et peut l’utiliser selon ses besoins. Ce montage inscrit le fonds dans l’objet social du maintien des seniors à domicile et de la hausse de leur pouvoir d’achat », explique Florence Roche, directrice de la gestion immobilière de Turgot AM, pour qui le fonds aligne les intérêts du vendeur et des investisseurs. « D’un côté, le senior reste chez lui et est accompagné, s’il le souhaite, par notre gestionnaire, dans la réalisation de gros travaux dans son logement. De l’autre, les porteurs de parts bénéficient d’un investissement diversifié, sur une classe d’actifs résidentiels haut de gamme et résiliente », ajoute-t-elle.Au premier trimestre 2024, le fonds a réalisé 20,7 millions d’euros d’investissement et acquis vingt-sept nouveaux biens affichant une décote moyenne à l’achat de 44 %, contre 39 % depuis la création du fonds. Son portefeuille compte désormais cinq-cent-vingt-quatre actifs immobiliers (35 % de maisons et 65 % d’appartements), dont la valeur moyenne de nue-propriété s’élève à 1,24 million d’euros. La valeur d’expertise globale du patrimoine progresse de 0,65 %.La SCI a délivré l’une des meilleures performances des unités de compte en 2023, à 3,46 %, et compte maintenir cette trajectoire en 2024 – la performance s’élevait à 3,08 % au 1er septembre –, pour une performance annualisée dépassant les 5 %.En 2025, la société de gestion prévoit d’investir davantage, à la faveur d’une détente du marché immobilier et d’un redémarrage des programmes. 

Coliving seniorLes seniors un marché davenir 09Captant 428 millions d’euros d’investissements en 2023, en hausse de 32 % sur un an, le coliving tire le marché du résidentiel géré.Sur ce segment, l’habitat partagé dédié au senior prend son essor à travers des produits immobiliers innovants et disruptifs, à l’image de Neoz, une offre lancée par Linkcity, en partenariat avec le groupe Lefeuvre, et conçue pour intensifier les liens entre les résidents. Les logements, clé en main, sont équipés pour un usage maximisé, prolongés de services qui facilitent le quotidien, dans des lieux animés (espaces partagés), propices à la rencontre et aux interactions, mais dans lesquels la sociabilité reste choisie et l’intimité totalement préservée.Né il y a quinze ans, le spécialiste du service d’aide et d’accompagnement à domicile Chez Jeannette propose, lui aussi, des prestations de services ménagers pour garantir le confort des habitants, ainsi que des prestations d’aide à l’autonomie. L’entreprise développe un modèle d’habitat partagé et accompagné, permettant aux seniors de préserver leur autonomie tout en leur offrant un cadre de vie épanouissant et sécurisant. Ces résidences à taille humaine se situent à proximité des services et des infrastructures de la ville, dans un environnement socialement mixte et riche.A Colombes, dans les Hauts-de-Seine, la maison Chez Jeannette de 500 mètres carrés accueille une dizaine de colocataires seniors et trois salariés à temps-plein, vivant en permanence sur les lieux. Le reste à charge, pour les résidents, s’élève entre 3 500 et 4 000 euros.

Une alternative à l’EhpadCréée en 2016, l’entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) CetteFamille, partenaire du groupe Hexaom, se positionne, depuis 2021, comme une alternative à l’Ehpad pour héberger les personnes âgées ou dépendantes dans des colocations de six à dix personnes, accompagnées par des professionnels 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. « Nous devons ce service à nos aînés et tenir la promesse de respecter leur choix de vivre chez eux, le plus entouré possible et au sein d’un bâtiment adapté à la perte d’autonomie », affirme Paul-Alexis Racine, président de CetteFamille.Chaque maison accueille des aides à domicile diplômées, issues d’associations locales, qui trouvent un intérêt à travailler à temps plein, soit trente-cinq heures, dans un seul et unique lieu. “ « Cette présence quotidienne leur permet de tisser des liens avec les résidents, de prendre le temps de s’occuper d’eux et d’éviter, ainsi, tout geste de maltraitance, tout en améliorant leur qualité de vie et de travail », assure le président.Côté immobilier, CetteFamille cible les belles maisons à rénover, avec un patrimoine historique (anciennes mairies, presbytères, etc.) et situées en centre-bourg et centre-ville. Son parc compte, à ce jour, soixante-dix maisons, réparties sur quarante départements, dans des zones semi-rurales et des villes ne dépassant pas les cinquante mille habitants. « Ce modèle économique fonctionne dans les villes où la population n’est pas suffisamment dense pour construire un Ehpad ou une résidence seniors », note le président. Chaque maison dispose d’un jardin, d’un ascenseur et n’excède pas le R+3. L’enveloppe dédiée aux acquisitions (travaux compris) se chiffre entre 600 000 et 1 million d’euros. Une quote-part du loyer est reversée aux investisseurs-propriétaires de la maison. CetteFamille assure, pour sa part, la gestion et l’occupation des lieux, en « facilitateur et organisateur de vie partagée ».Enfin, le socle des services et activités de base est fixé par les colocataires eux-mêmes, selon leurs besoins. De la zoothérapie au scrapbooking, en passant par le yoga, la cuisine et le jardinage, « ils ont un pouvoir de décision sur tout », insiste Paul-Alexis Racine qui ambitionne d’être présent dans cent départements français et d’atteindre les cinq cents maisons, à raison de cinq par département.

Résidences intergénérationnellesLes seniors un marché davenir10L’idée de faire cohabiter les jeunes et les seniors fait son chemin. Avec l’offre Générations Part’Ages, Domitys propose, depuis 2017, dans plus d’une trentaine de ses résidences, un logement équipé tout confort aux étudiants, contre quinze heures par semaine en tant qu’assistant animation auprès des résidents.De la même façon, en 2024, les résidences seniors Nohée (ex-Cogedim Club) et Colibree Intergénération ont renforcé leur partenariat permettant à de jeunes étudiants de vivre dans les résidences Nohée pour un loyer minoré en échange de temps passé de quatre à six heures par semaine auprès des seniors.Fortes du succès rencontré en 2023, les deux entreprises ont doublé le nombre de résidences participantes. Depuis le mois de septembre, dix-sept étudiants participent ainsi à la vie des seniors. « Avec Colibree Intergénération, Nohée répond aux problématiques du logement et d’isolement des étudiants en leur proposant un appartement de grande qualité et un libre accès aux parties communes (espace fitness, piscine, bibliothèque) de la résidence », explique Jérôme Navarre, directeur général de Nohée. Les résidences sont également invitées à passer des accords avec des crèches ou des centres aérés pour organiser des échanges réels avec les autres générations.Altarea vise l’ouverture d’une trentaine de résidences Nohée, dont une dizaine, en cours de construction, seront livrées en 2025 et 2026. Le groupe s’intéresse aussi bien aux métropoles qu’aux villes moyennes, et regarde particulièrement la façade atlantique. Le prix des logements varie selon l’emplacement des résidences, de façon à accueillir 40 % des populations de seniors par zone de chalandise. Et pour rester accessibles au plus grand nombre, les résidences Nohée n’intègrent pas les services à la personne dans leur offre. « Nous sélectionnons des emplacements où les services sont à proximité des résidents et nous faisons appel à des prestataires externes de qualité », précise le directeur.Une nouvelle résidence Nohée de quatre-vingt-treize logements ouvrira ses portes au cœur du centre-ville de Vichy, dans l’Allier, à deux pas du renommé quartier thermal qui accueille le palais des Congrès, l’opéra et le parc des Sources. Le programme affiche un taux de rentabilité annoncé à la vente de 4,5 %.

Financement participatifSi les formats pour accueillir le grand âge se diversifient, de nouvelles solutions de financement, en marge du LMNP, se mettent également en place pour investir sur le marché.La plate-forme de financement participatif Upstone s’intéresse ainsi aux résidences intergénérationnelles depuis 2017, dans le cadre de la promotion immobilière. « Le fait de mélanger les âges pour recréer un petit village au sein des résidences permet d’alléger les contraintes d’urbanisme, de faciliter l’autorisation d’un nouveau projet et de baisser le niveau de charges », explique Arnaud Romanet-Perroux, fondateur d’Upstone.La plate-forme a financé la promotion d’une opération de résidence intergénérationnelle à Rosheim, dans le Bas-Rhin, avec l’opérateur Alfa. « Nous avons financé ce programme en format promotion, et les investisseurs ont touché un rendement de 12 % par an pendant dix-huit mois », indique le fondateur.Selon Arnaud Romanet-Perroux, l’investissement dans un produit de coliving s’inscrit dans une stratégie de construction de portefeuille. Pendant la durée de détention, le rendement délivré s’élève à 8 %, mais une fois que l’actif atteint une taille critique, le taux de rendement interne (TRI) à la revente peut atteindre les 10 % à 12 %. En outre, le concept permet de revaloriser les grandes surfaces parfois inutilisées et de maintenir leur valeur en augmentant le loyer par habitant. « Dès lors que l’on ajoute de l’exploitation dans un produit immobilier, on le valorise », rappelle-t-il.

L’Ellipse : une opération de recyclage à ParisLes seniors un marché davenir 03Portée par Crédit agricole immobilier et financée par Amundi Immobilier, l’opération de recyclage des bureaux de la brigade financière de la préfecture de police de Paris, situés rue du Château des Rentiers, dans le XIIIe arrondissement de Paris, a donné naissance à la nouvelle résidence services seniors L’Ellipse, exploitée par Domitys. Ce programme de neuf mille mètres carrés, dont sept mille d’espaces verts, se compose de cent-trente-quatre logements, d’un salon de coiffure, d’un restaurant, d’une piscine et d’un rooftop. Avec ses prestations proches de l’hôtellerie, cette résidence haut de gamme bénéficie d’un emplacement privilégié dans Paris intra-muros, assurant aux seniors urbains, une continuité dans leur style de vie, grâce à la proximité des services, transports (métro, RER, bus) et commerces. Une équation économique rendue possible par le coût du foncier initial du bâtiment. « Il s’agissait d’un immeuble de bureaux obsolète, fortement dévalorisé et disposant d’une forte réserve de constructibilité. Autant d’éléments combinés qui ont permis l’équilibre économique de la résidence », explique Thomas Péridier, directeur de la promotion tertiaire de Crédit agricole immobilier. Construit à la fin des années 1970, l’édifice a fait l’objet d’un curage et d’un désamiantage en 2019, suivis de deux ans de travaux de restructuration et d’extension. Fin 2023, l’immeuble a été livré à Domitys, et début 2024, L’Ellipse a accueilli ses premiers résidents.

Emergence des résidences à vocation socialeLes seniors un marché davenir 05Longtemps réservées aux CSP++, les résidences seniors ont pris le virage du social. De nombreux acteurs du secteur à but non lucratif cherchent aujourd’hui à monter des projets d’établissements à vocation sociale. En octobre 2018, CDC Habitat et Les Villages d’Or ont signé un accord portant sur la construction et la gestion de résidences de logements sociaux dédiés aux seniors pour les cinq prochaines années (soit environ trois mille cinq cents logements). Pour Edouard Fourniau, directeur général délégué de Consultim Groupe, « une redéfinition des besoins des seniors, recentrés sur des services essentiels », s’impose. Le groupe a lancé deux opérations exploitées par API Résidence, structure rattachée à l’association API Provence centrée sur l’accompagnement social et récemment intégrée au groupe Batigère. Ces logements, plus petits que la moyenne, proposent des parties communes rationnalisées, de l’ordre de trois cents mètres carrés. Les prestations repas sont mutualisées, voire déléguées, afin d’écraser les tarifs et de toucher les seniors bénéficiaires d’allocations logement. De la même façon, Linkcity travaille avec les opérateurs sociaux pour adapter son offre immobilière au public ciblé. Le groupe s’intéresse tout particulièrement à l’évolution du logement locatif intermédiaire, notamment portée par CDC Habitat, à destination des seniors et des étudiants. « Un gisement de marché incroyable qui nous permettrait d’accompagner de façon qualitative les populations seniors modestes mais qui n’appartiennent pas au parc social », selon Xavier Tachene, directeur du développement Nord-Est de Linkcity.