Nouvelles formes d’investissement permettant de diversifier les patrimoines, nouvelle typologie de client, élargissement du champ d’activité ou encore accompagnement plus régulier des clients, voici quelques pistes pour accroître les revenus des conseils en gestion de patrimoine.
Tout comme leurs clients ont tout intérêt à diversifier leur patrimoine, les conseillers en gestion se doivent également d’opérer des changements et prennent de nouvelles orientations pour élargir leurs activités et rendre ainsi leur chiffre d’affaires plus robuste en cas de retournement de marché. Cette diversification des sources de revenus, qui permet au cabinet de se développer, prend différentes formes et concerne en priorité l’offre de produits, les services proposés aux clients et les typologies de clients ciblés.
Se démarquer des banques« Nous sommes toujours en recherche de nouveautés pour nous différencier vis-à-vis des établissements bancaires, annonce Yann Dedouche, le directeur général de Thesaurus. Avec la baisse des fonds en euros, les clients recherchent davantage de solutions différenciées et sont plus à même d’aller vers des solutions plus risquées. L’élargissement du champ d’investissement est positif pour le client final, la digitalisation ayant contribué à cela. » Si l’assurance-vie et désormais le plan d’épargne-retraite (PER) restent des enveloppes incontournables pour la clientèle des CGP, ces derniers ont su progressivement orienter leurs clients vers d’autres classes d’actifs que le fonds en euros, en particulier la pierre-papier ces dernières années, mais aussi le capital-investissement, même en dehors de l’enveloppe assurantielle.
Des patrimoines plus diversifiés« Les CGP, sans être à la pointe de l’innovation, sont toujours à l’écoute de leurs clients. Ce sont eux qui nous interrogent sur des solutions de niche pour correspondre à une volonté politique ou morale, affirme Géraldine Métifeux, fondatrice du cabinet Alter Egale. Par exemple, ce sont eux qui sont demandeurs de solutions d’investissement ISR. L’offre de solutions s’élargit continuellement grâce à un écosystème toujours plus large. Le client a donc la possibilité d’avoir un patrimoine plus diversifié. » Pour le capital-investissement, c’est une montée en gamme de la clientèle qui explique cette orientation. « Chez Equance, nous avons diversifié notre activité, notamment par la montée en gamme de nos clients qui, en moyenne, nous confient 300 000 euros de leur épargne, signale Olivier Grenon-Andrieu, son président-fondateur. Cela nous a donc amenés à utiliser de nouveaux instruments, en particulier le non-coté sous toutes ses formes (Equity, obligations, immobilier, etc.) avec différents partenaires, comme 123 IM, Pierre Premier Gestion, Essling Capital, Exclusive Partner ou encore Tylia. »Ainsi, le non-coté se développe peu à peu chez les CGP, parfois sur des opérations en direct. « De plus en plus, nous proposons à nos clients d’investir dans des obligations en direct, notamment avec la société Changeons notre vision de l’énergie, indique Yann Dedouche. Ce type d’investissement dans l’économie réelle et locale avec des tickets allant de 10 000 à 100 000 euros plaît beaucoup à nos clients. » En revanche, tous les conseillers en gestion de patrimoine ne sont pas forcément adeptes du capital-investissement, à l’image de Géraldine Métifeux : « Nous faisons peu de Private Equity, pourtant à la mode. Même s’il existe des offres dites de qualité institutionnelle, je crains qu’il ne s’agisse d’offres dégradées. » Toujours chez Thesaurus, le Crowdfunding est désormais proposé, alors que certains considèrent que les montants à investir sont trop faibles et préfèrent laisser la main à leurs clients. « Cette offre a du sens pour le client final car elle est tangible et transparente, notamment dans le contexte actuel, et permet de développer une stratégie participative avec le client. C’est un moyen d’investir avec de petits tickets réguliers, peu de frais et une durée connue à l’avance, note Charly Tournayre, directeur de l’ingénierie patrimoniale. C’est un facteur de collecte nouvelle qui vient concurrencer le PEL, par exemple, pour dynamiser l’épargne de moyen terme. Cela convient également aux trésoreries d’entreprise.»Pour mener cette stratégie, Thesaurus a sélectionné plusieurs partenaires (Homunity, Finple, Raizers, etc.), chacun disposant d’une spécialité : Crowdequity, Crowlending et immobilier.En revanche, rares sont les CGP accompagnant leurs clients dans l’univers des cryptomonnaies, bien que la clientèle soit en demande d’informations sur le sujet. « Ce marché n’est aujourd’hui pas encore suffisamment mature pour que nous y accompagnons nos clients, avertit Géraldine Métifeux. Mais il est vrai que nous avons des interrogations chez nos clients, notamment les plus jeunes. »Développer le suivi des clientsEn termes de services, les CGP ont tout intérêt à pratiquer la facturation d’honoraires pour accroître leur chiffre d’affaires. Ce sont en particulier les offres d’abonnement de suivi des clients qui permettent au cabinet de se développer et de donner de la récurrence aux revenus du cabinet. « L’honoraire est pour nous une bonne façon de diversifier notre chiffre d’affaires et de décorréler notre rémunération des marchés financiers, explique Géraldine Métifeux. Elle augmente régulièrement dans le chiffre d’affaires des CGP, même si elle ne progresse pas aussi vite que le chiffre d’affaires des CGP. Mais 8 à 9 % d’un chiffre d’affaires, ce n’est pas neutre ! Surtout, l’abonnement patrimonial, notamment avec l’accompagnement dans la déclaration fiscale, est un bon moyen de fédérer le client et d’accélérer le business. L’abonnement peut également être mis en place pour suivre les actifs que le client détient dans sa banque ou sur d’autres contrats. » Chez Thesaurus, l’accompagnement en stratégie patrimonial a été renforcé notamment pour développer l’activité de la structure. « Nous mettons l’accent sur le conseil qui est une forme de relais de croissance. En effet, l’honoraire prend de plus en plus de poids dans notre chiffre d’affaires, via des lettres de mission ponctuelle et des abonnements de suivi, précise Yann Dedouche. La diversification du patrimoine fait naître chez le client final un besoin d’accompagnement plus fort dans la définition de sa stratégie patrimoniale et le suivi de ses investissements. D’où l’émergence des abonnements de suivi qui créent de la récurrence dans le lien entretenu avec le client final, avec davantage d’accompagnement et de pédagogie. Celui-ci est ainsi d’autant plus prompt à aborder de nouveaux sujets; c’est une bonne porte d’entrée pour réaliser des investissements alternatifs. Par exemple, en matière d’IFI, nous pouvons lui proposer des solutions d’optimisation dans le domaine agricole ou forestier, par exemple. Il s’agit de solutions d’investissement dont ils n’ont pas conscience. Or dans un contexte incertain, ce type de produit reposant sur un marché robuste plaît. » Charly Tournayre constate pour sa part que ces abonnements de suivi sont d’autant plus appréciés qu’ils demandent une plus forte implication des clients dans la gestion de leur patrimoine : « Le rapport au patrimoine a changé : les avoirs ne sont pas figés, car la vie évolue avec des carrières qui ne sont plus linéaires et des recompositions familiales plus fréquentes. Nos clients ont donc plus d’appétence à gérer leur patrimoine et, dans un couple, ce n’est plus un, mais trois stratégies qui sont définies:celles de chacun des membres du couple et celle commune. »Diversifier la typologie de clientsS’agissant de la clientèle des CGP, celle-ci est, selon les données de la 21e édition du Livre blanc des CGP d’Aprédia, principalement composée de particuliers actifs (40 %), devant les chefs d’entreprises, artisans et commerçants (19 %), les professions libérales (17 %), les retraités (15 %), et les PME et autres entreprises (8 %).La clientèle de chef d’entreprise attire plus particulièrement. Elle permet de développer des missions tant sur le patrimoine privé que sur le patrimoine. Un large champ d’actions s’ouvre alors en matière de prévoyance propre au dirigeant et à sa famille, et au sein de l’entreprise – épargne salariale, gestion de la trésorerie stable, conseil en optimisation de la rémunération du dirigeant, conseil en transmission d’entreprise… Cette typologie de clientèle nécessite des compétences larges et spécifiques que tous les CGP n’ont pas ou ne souhaitent pas développer, à l’image de conseil en prévoyance patrimoniale. « Nous nous adressons davantage à des entrepreneurs qu’auparavant, puisque nous étions davantage orientés vers des salariés expatriés, signale Olivier Grenon-Andrieu. Cela nous conduit à les accompagner sur des solutions plus techniques, notamment sur du conseil dans l’acquisition des locaux de leur activité, qui font l’objet d’une facturation d’honoraires de conseil. Notre diversification a également été renforcée par notre association avec un groupe d’expertise-comptable ce qui nous permet de réaliser des missions de gestion de trésorerie, transmission d’entreprise, mise en place d’épargne salariale, conseil en stratégie de rémunération du dirigeant…» Les CGP peuvent également proposer leurs services à d’autres typologies de clients, selon leurs expertises. Par exemple, chez Alter Egale, Géraldine Métifeux constate un élargissement de la typologie de ses clients, à l’origine uniquement composée d’avocats : « Nous conseillons désormais des mutuelles pour du conseil en investissements financiers, des institutionnels pour la recherche d’immeuble ou encore des jeunes actifs âgés entre vingt-cinq et trente-cinq ans en quête d’un conseiller physique, alors qu’ils sont par ailleurs clients d’une banque en ligne et investissent dans les cryptomonnaies. Nous avons de plus en plus de clients internationaux, souvent des étrangers venus faire leurs études en France et qui ont toujours des intérêts ici. » Autre exemple, Thesaurus qui a développé une expertise sur les cadres dirigeants d’entreprise. « Dans une perspective de nous rapprocher de clients plus haut de gamme, nous avons développé une expertise dans le conseil de gestion actions gratuites et des stock-options dont disposent certains cadres dirigeants de sociétés, notamment via l’assurance-vie luxembourgeoise », indique Charly Tournayre.D’autres typologies de clients peuvent faire l’objet d’une spécialisation des conseillers en gestion de patrimoine, à l’image des personnes vulnérables, requérant, là aussi, des compétences spécifiques.
Le conseil en investissement, principale source de rémunérationLes revenus du cabinet peuvent prendre différentes formes : commissions ponctuelles ou récurrentes, via l’intermédiation de solutions d’investissement ou assurantielles, et des honoraires de conseil. Selon les données de la 21e édition du Livre blanc d’Aprédia, en 2021, le conseil en stratégie patrimoniale représente 14 % du chiffre d’affaires des cabinets ; le conseil en investissement 61 % ; le conseil en vente immobilière 17 % ; la santé-prévoyance 5 % et les autres activités 3 %. Toujours selon la publication d’Aprédia, la collecte 2021 des cabinets est principalement drainée sur des contrats d’assurance-vie en unités de compte (56,3 %), avant le fonds en euros (32,8 %) ; donc bien loin des autres classes d’actifs.Pour certains CGP, les menaces qui planent sur le modèle de rémunération – à savoir la suppression des rétrocessions sur encours – pourraient les conduire à se rapprocher de sociétés de gestion. « Nous réfléchissons à la création de fonds dédiés ou à nous rapprocher d’une société de gestion locale, annonce Yann Dedouche, directeur général de Thesaurus. L’objectif est de nous prémunir d’un éventuel changement du modèle de rémunération, comme nous avons pu en être témoins dans d’autres pays européens. »