Concilier vie personnelle et vie professionnelle, cultiver et conserver la confiance les uns envers les autres, partage de valeurs… Les raisons qui ont poussé les CGP à travailler en famille – en couple, avec ses enfants… – sont multiples. Et les familles clientes semblent particulièrement apprécier ce type de configuration.
Les exemples de CGP travaillant en couple ou avec leurs enfants ne manquent pas, certains sont mêmes connus de tous, comme Cédric et Sandrine Genet, les fondateurs de Carat Capital, ou encore Olivier Ousset et Hélène Barraud-Ousset du Centre du patrimoine. D’autres sont moins dans la lumière, mais les cas de professionnels ayant décidé de partager leur vie professionnelle avec un ou plu-sieurs membres de leur famille sont nombreux. En voici cinq exemples.
Les parents, un neveu et les enfantsAu sein du cabinet CV Finance basé à Voiron (Isère), cinq membres d’une même famille qui en compte neuf se côtoient : Christophe Vial, son fondateur, sa femme, Florence, son neveu, Morgan Chabert, et ses deux enfants, Thomas et Simon. « J’ai créé le cabinet en 1999 après treize années passées au sein d’établissements bancaires et d’assurance, et deux années en tant qu’agent général », indique Christophe Vial. C’est d’abord sa femme qui le rejoint rapidement pour prendre en charge les aspects administratifs du cabinet. Puis son neveu s’intéresse tôt au métier de CGP et réalise un premier stage au sein du cabinet à dix-sept ans. Ses études finalisées, il intègre immédiatement le cabinet, s’associe avec son oncle et devient cogérant du cabinet. « Cela a permis de rassurer nos clients en évitant tout blocage de la société s’il m’arrivait quelque chose. Il a également rajeuni la clientèle du cabinet », se réjouit Christophe Vial.
Un rachat de portefeuille qui fait changer le cabinet de dimensionPour ses deux enfants, la bascule se produit en 2018, alors que Christophe Vial se porte acquéreur d’un portefeuille de clients de Fortuneo à la recherche d’une relation de proximité et non pas uniquement à distance. Le cabinet double de taille – aujourd’hui, il compte mille six cents familles conseillées, principalement dans sa région, mais aussi dans toute la France.Face à ce nouveau volume de clients du réseau bancaire en ligne, ils le rejoignent pour devenir CGP. Jusqu’ici, Thomas avait réalisé des études en droit et politique internationale, tandis que Simon avait commencé son parcours professionnel en tant que commercial. Ils se forment alors et au sein du cabinet et en externe. Tous deux CGP, Thomas est également en charge du pôle réglementaire, tandis que Simon s’occupe aussi des réseaux locaux. « Notre cabinet est très investi dans la vie locale:associations sportives, associations de commerçants, clubs de chefs d’entreprise… », indique Christophe Vial.« Etre une entreprise familiale rassure nos clients, dont certains le sont depuis plus de vingt-cinq ans et dont nous accompagnons également leurs enfants. Cela assure une pérennité de la relation, ce qui est d’autant plus important que le suivi des familles et de leurs investissements se fait sur le long terme. Cela permet de construire un lien particulier avec ceux qui sont également chefs d’entreprise et pourraient transmettre leur outil de travail à leurs enfants. Pour nous qui suivons nos clients en binôme, c’est un plaisir de travailler ensemble au quotidien. Il est vrai qu’en famille notre travail reste omniprésent, mais c’est notre implication et notre volonté de servir au mieux nos clients qui nous guident. » Les rôles de chacun sont bien définis.Christophe Vial est plus particulièrement en charge du suivi des produits et des investissements, notamment en tant que conseil d’un fonds dont la gestion a été confiée à Erasmus Gestion (ADN Dynamic). Sa femme, ses enfants et son neveu œuvrent davantage sur les aspects réglementaires et administratifs du métier. Quant aux autres collaborateurs, ils font quasiment partie de la famille. « Notre community manager est présente chez nous depuis vingt ans ! », se félicite Christophe Vial. Et peut-être seront-ils rejoints, demain, par Juliette, sa fille qui finalise actuellement ses études en finance, mais qui se destine davantage à travailler en banque d’affaires.
Pour se rapprocherArrivés par hasard au métier de CGP, Isabelle et Franck Soulat ont d’abord intégré, via une connaissance, le groupe Crystal, alors uniquement axé sur la clientèle d’expatriés. S’ils étaient déjà en couple, ils débutent en 1992 en Tunisie. En tant que mandataires, ils suivent une clientèle d’expatriés dans ce pays, mais aussi en Grèce, au Liban, en Egypte, en Lybie, en Turquie ou encore en Russie. « Nous travaillions alors sur un rythme de quatre semaines, durant lesquelles nous enchaînions, chacun de notre côté, les déplacements, et quatre autres semaines durant lesquelles nous nous retrouvions, confie Isabelle Soulat. Il faut se souvenir, qu’à l’époque, Internet n’existait pas et qu’un appel téléphonique à l’international n’était financièrement pas donné ! Après six années passées chez Crystal, nous avons souhaité, la trentaine passée, cesser avec ce rythme pour nous rapprocher et avoir un enfant. »Retour en FranceIls quittent alors la société et reviennent dans l’Hexagone pour créer leur structure, Audit Conseil Investissement, située à Capbreton, dans les Landes, leur permettant d’être codés par leurs partenaires, notamment Sélection R. S’ils s’adressent toujours aux expatriés, leur clientèle se « métropolise » au fil du temps, entre retours en France et développement d’une clientèle locale.En 2008, ils font l’acquisition d’un cabinet basé à Bordeaux, Ceres Gestion. « Le krach de 2008 est rapidement intervenu, se souvient Isabelle Soulat. Il a fallu rassurer une clientèle que nous ne connaissions pas. Cela nous a soudés encore plus. » Au quotidien, leurs profils sont complémentaires : elle est davantage axée sur les aspects juridiques et lui, sur les investissements financiers. « Pour nous, il était évident de travailler ensemble ; et nous nous sommes formés l’un et l’autre mutuellement. Pour nos clients, nous ne faisons qu’un et font indifféremment appel à l’un ou l’autre », indique Isabelle Soulat.
Ensemble évidemment !Alors qu’ils se sont rencontrés dans le cadre de leurs activités professionnelles, Marc Anguenot De Becker et son épouse Florine décident de lancer leur activité en 2013 en créant ensemble le cabinet ADB Associés à Beaune, en Côte d’Or.« Diplômé de l’Aurep, j’ai toujours exercé dans le domaine de la gestion de patrimoine chez Swiss Life, et Florine travaillait dans le courtage de prêts immobiliers, signale Marc Anguenot De Becker. J’avais été sollicité pour rejoindre un autre assureur, mais davantage pour des fonctions de management. Cependant, j’ai souhaité exercer mon activité selon mes propres convictions et dans l’intérêt de mes clients. J’étais en effet agacé de subir la politique commerciale de mon employeur. J’aurai pu me lancer seul, mais comme nous avons un côté assez fusionnel, nous avions la volonté de travailler ensemble, ce qui nous a demandé un bel effort financier. »Des approches complémentairesFlorine Anguenot De Becker, titulaire d’un diplôme en marketing, se familiarise donc progressivement à l’univers de la gestion de patrimoine. Ils développent leur activité, chacun étant complémentaire de l’autre, recrutent un premier collaborateur en 2017, jusqu’à compter actuellement une équipe de sept personnes. « Aujourd’hui, nous ne pourrions pas envisager de travailler l’un sans l’autre, affirme Marc Anguenot De Becker. Nous sommes pleinement complémentaires ; je suis peut-être davantage axé sur les aspects techniques de notre métier, notamment la mise en place de solutions dédiées, alors qu’elle est plus concernée par les aspects administratifs et opérationnels. Nous travaillons souvent nos dossiers à deux, avec une confiance totale l’un envers l’autre. Cette double connaissance des dossiers apporte plus de flexibilité et de confort, pour nous et pour nos clients. En rendez-vous, elle peut être plus pédagogue que moi. Le discours entre un homme et une femme peut aussi être différent. Nos clients abordent certaines choses plus facilement avec l’un qu’avec l’autre. Je pense que cela apporte de la richesse à nos clients. » Vis-à-vis de leurs salariés, les deux dirigeants avouent avoir un côté paternaliste. « Nous nous assurons de leur qualité de vie au quotidien, avec une bonne rémunération, non plafonnée, un beau véhicule de fonction, la prise en charge de leur mutuelle de santé… », conclut Marc Anguenot De Becker.
De père en filsDans le courant de l’année dernière, Dimitri Sion intégrait le cabinet de CGP, DS Finance, à Marcq-en-Baroeul près de Lille, fondé par son père, Didier, en 1997, principalement axé sur le développement de l’épargne financière de ses clients.Auparavant, Dimitri Sion avait réalisé des études de commerce et réalisé des stages dans l’univers de l’asset management, chez BNP Paribas AM en distribution, puis chez Rothschild et Cie Gestion en tant qu’analyste sur les actions, puis de nouveau en distribution chez Trusteam Finance.Diplôme en poche, il rejoint l’équipe commerciale de Bruno Zaraya chez Ginjer AM. « L’aventure entrepreneuriale était une réelle opportunité et j’ai vite été associé. Rejoindre une équipe à taille humaine me permettait de mêler l’approche commerciale et la proximité auprès des équipes de gestion de Léonard Cohen », confie Dimitri Sion.
Séduit par l’approche globaleParallèlement, ses échanges avec son père suscitent son intérêt pour le métier de CGP, et il passe l’Aurep en 2023. « Nos discussions ont suscité mon intérêt tant pour la structuration patrimoniale, que le conseil final donné au client, qui reposait sur une approche globale. Intellectuellement, la démarche m’a séduit. Ses récits sur le parcours de ses clients chefs d’entreprise aussi », ajoute-t-il.Convaincu par l’idée de rejoindre son père, il quitte Ginjer AM en bons termes. « J’ai la chance de rejoindre un cabinet installé et structuré où nous accompagnons cent-soixante familles pour plus de 155 millions d’euros d’encours, précise-t-il. Je le rejoins en totale confiance alors qu’il a déjà connu une relation d’associés, avec ses bons et mauvais côtés. C’est aussi pour lui l’opportunité d’apporter toujours plus de services et de disponibilité aux clients, moins demandeurs de rendez-vous. Je prends également en charge les aspects de back-office et je compte accélérer la digitalisation du cabinet. Un autre de mes chantiers est la rationalisation de la gamme de produits proposée à nos clients afin d’apporter un suivi plus précis. » Aujourd’hui, Dimitri Sion reconnaît la chance qu’il a de pouvoir s’appuyer sur l’expérience de son père, notamment sur d’autres classes d’actifs (en particulier le Private Equity) et une clientèle bien établie. « Nous rencontrons les clients en binôme, et mon arrivée est très bien perçue. Cela les rassure pour la continuité du cabinet. Au fil des ans, DS Finance s’est invité au centre de leur famille, puisque nous sommes également le conseil des enfants, voire des petits enfants de nos premiers clients. Pour mon père, mon arrivée lui permet également de déconnecter de temps en temps. C’était aussi l’une de ses aspirations », note Dimitri Sion.
Sur un concours de circonstancesChloé Ballester et Albin C.de Salies se rencontrent sur leur lieu de travail, chez Natixis Wealth Management. Diplômée de l’ESC Toulouse, spécialisation banque et marchés financiers, Chloé Ballester a débuté sa carrière en gestion d’actifs chez Oddo BHF, au sein de la direction régionale PACA, de 2006 à 2011, avant de rejoindre Natixis Wealth Management.De son côté, Albin C.de Salies, diplômé de l’ESCP Europe, spécialisation stratégie des entreprises, avait débuté sa carrière chez Groupama, à la direction commerciale d’Ile-de-France. Il intègre, lui aussi, la banque privée de Natixis, en 2011. Tous deux sont en charge du développement de l’activité BtoB avec les CGP et family offices. Suite à la cession de la société en 2018, ils intègrent s’associent à Netinvestissement pour y développer l’activité de gestion privée pour les clients haut de gamme de la Fin-Tech. Netinvestissement acquis par Primonial en 2020, ils décident de racheter cette clientèle et de fonder leur structure, BdS & Associés basée à Paris et Marseille. « Nous sommes devenus indépendants par un concours de circonstances, mais travailler ensemble a été la raison qui a guidé nos choix car nous ne nous serions pas lancés l’un sans l’autre, affirme Chloé Ballester. Notre indépendance de caractère nous aurait toutefois conduits à ne pas rester salariés toute notre carrière. »Une plus forte relation de confianceAlbin C.de Salies poursuit : « Nous avons développé une approche family office avec une clientèle d’actuels ou anciens chefs d’entreprise, et d’expatriés. Vis-à-vis des couples, des familles ou des associés que nous accompagnons, être nous-mêmes un couple d’associés facilite le dialogue et assoie la relation de confiance qui est au cœur de notre métier. Ils comprennent très bien que leur satisfaction sur le long terme constitue, pour nous deux, un enjeu énorme. Notre implication est forcément totale, car notre métier nous permet de faire vivre une famille de quatre enfants ! » Au quotidien, les époux-associés notent une vision du métier et une complémentaire de caractère. « Nous sommes en effet complémentaires dans notre approche, car nous le sommes surtout dans nos personnalités et nos tempéraments, ajoute Chloé Ballester. Nos compétences sont, elles, plutôt similaires et nous avons tous deux un profil très financier : nous ne faisons pas d’immobilier et travaillons souvent en interprofessionnalité sur la structuration juridique et fiscale. » Vis-à-vis des clients, ils constituent un réel binôme : « S’ils s’adressent parfois plus naturellement à l’un ou à l’autre, ils sont toujours ravis que nous soyons tous deux à leur écoute, et nous veillons à ce que la relation reste équilibrée. Les relations qu’ils entretiennent avec nous sont intimes : par exemple, ils se sont impliqués pendant ma grossesse et à l’arrivée de notre enfant âgé aujourd’hui de deux ans. Notre vie s’est presque invitée dans nos relations », conclut Chloé Ballester.