La hausse des taux longs continue à comprimer les multiples de valorisation. Le taux souverain américain à 30 ans a atteint, provisoirement le 4 octobre, le seuil symbolique de 5%. Cet indicateur est très important outre-Atlantique, car il sert de référence pour le calcul des emprunts immobiliers (le fameux « Mortgage rate » à 30 ans), qui a atteint un pic à 7,88%. Cette brutale augmentation du loyer de l’argent fait pression sur les prix des logements. C’est également le cas en France où le taux ordinaire à 25 ans se situe désormais aux alentours de 4,40%. Selon les prévisions de Century 21, la baisse des prix de l’immobilier dans l’Hexagone devrait se situer entre 5 et 7% en 2023.
Ce phénomène de compression est identique sur les actions et se mesure avec le ratio cours sur bénéfice par action (« Price to Earnings Ratio » ou PER). La seule différence est qu’il a commencé bien plus tôt (depuis fin 2020), et s’est produit en deux phases. La première a duré jusqu’en octobre 2022 et la seconde a débuté en mars 2023 et s’accélère depuis septembre, avec la brutale remontée des taux longs. Au cours de cette période de presque 3 ans, le ratio cours sur bénéfice par action des entreprises européennes de l’indice STOXX Europe 600 est passé de 21,3 à 12,08 aujourd’hui. Fort heureusement, cette baisse de 43% ne coïncide pas avec une chute de l’indice, car les bénéfices par action ont plus que doublé depuis l’année 2020, qui correspondait à un point bas à cause de la pandémie.
Les investisseurs sont plus ou moins sensibles à ce mouvement, selon la dynamique des bénéfices. Ainsi, l’année 2022 a été synonyme de grand stress, car les taux longs se sont fortement tendus en Europe, selon le 10 ans allemand (passant de -0,17% à +2,57%,), en même temps que planaient de grandes incertitudes sur les bénéfices, avec l’invasion de l’Ukraine. Cette double peine a contribué à une chute de 19% de l’indice STOXX Europe 600 dividendes réinvestis à fin septembre, avant une nette reprise dans le sillage d’une accalmie sur les taux et d’une nette révision à la hausse des bénéfices, grâce à une forte augmentation des marges.
Et maintenant ?Pour que les flux reviennent enfin en Europe, il faut à la fois une stabilisation du marché obligataire et une visibilité sur les profits des entreprises. L’accalmie sur le marché obligataire viendra d’une moindre tension sur le marché du travail et de la poursuite de la désinflation. La baisse du nombre de créations d’emplois en septembre aux États-Unis à 89 000 contre 180 000, le mois précédent selon l’ADP a provoqué un soulagement depuis mardi. Celle-ci devra être confirmée cet après-midi par les chiffres du chômage publiés par le bureau du département du travail. En outre, la baisse de 10% des cours du pétrole sur la semaine, après une nette tension en septembre, permet de croire que la baisse de l’inflation devrait se poursuivre, mais à un rythme trop lent pour les banques centrales. Ces institutions devront donc rassurer au cours de leurs prochaines réunion du 26 octobre (BCE) et du 1er novembre (FED). Reste donc l’inconnue sur les bénéfices des entreprises, dans un contexte de ralentissement en Europe et en Chine et la fin d’une brutale remontée de prix de vente. Les investisseurs sont donc très sensibles sur le sujet, comme le démontre la chute de 37,6% du titre Alstom sur une révision négative de free cash-flows pour 2023. Fort heureusement sa pondération dans l’indice était modeste (0,43%) et a eu peu d’impact sur l’indice français. La balle est donc dans le camp des poids lourds de la cote, qui devront convaincre. La semaine prochaine, nous aurons la publication des ventes du troisième trimestre de LVMH. Cela constitue un évènement important pour une remontée à court terme des actions. Plus que jamais, nous privilégions la sélectivité dans le choix des valeurs, car les déceptions peuvent se payer très cher.
Par Arnaud Benoist-Vidal, gérant d’actifs.
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