Par Fidroit
Je détiens ma résidence principale au travers d’une société soumise à l’IR. Quelles conséquences ?
Les développements ci-après s’appliquent aux biens de jouissance détenus par une société à l’IR : résidence principale ou résidence secondaire.
Occuper gratuitement un logement détenu au travers certaines sociétés à l’IR est possible. Il s’agit le plus souvent d’une SCI. En revanche, la détention de la résidence principale via une Sarl de famille à l’IR est impossible. L’option pour le régime de la Sarl de famille est conditionnée à l’exercice exclusif d’une activité commerciale. Or, si la société met à disposition la résidence à titre gratuit, elle n’exerce plus une activité exclusivement commerciale : la Sarl est obligatoirement soumise à l’IS.
La résidence principale pourrait également être détenue par une SNC, dont le régime permet la mise à disposition gratuite tout en restant à l’IR, malgré l’objet commercial. Cependant, cette forme sociale n’est pas toujours la plus adaptée. Les associés ont notamment le statut de commerçant. Juridiquement, il n’y a pas de risque d’abus de bien social lorsque la société est une SCI ou une SNC, mais cette mise à disposition doit être autorisée par tous les associés (accord constaté dans les statuts ou par acte extra-statutaire - Cass. civ. 3, 25 avril 2007) ou à défaut par le gérant à la condition que l’objet social l’y autorise.
Exemple : une société ayant pour objet social, notamment, la gestion par bail ou autrement du bien désigné et de ceux dont elle pourrait devenir propriétaire, autorise, par sa généralité, le gérant à consentir toute autre forme d’occupation des biens concernés, y compris à titre gratuit, au profit notamment de tout ou partie de ses membres (Cass. civ. 3, 11 février 2014).
Occupation gratuite par l’associé d’un logement nuLorsqu’une société met à disposition gratuite de ses associés un logement nu, on considère qu’elle s’est réservé la jouissance du logement :
- la société n’est pas imposée sur les loyers qui auraient dû être perçus, mais ne peut pas déduire les charges afférentes au logement (y compris les éventuels intérêts d’emprunt contracté par la société pour acquérir l’immeuble, BOI-RFPI-CHAMP-20-20 § 10 ; CE du 7 juillet 1982, n° 30975). La conclusion d’un bail d’habitation au profit des associés, le même jour de l’acquisition du bien, avec un montant de loyer visant à rendre la SC déficitaire, a été considérée comme constitutif d’un abus de droit. Les propriétaires ont cherché à contourner la règle posée par le législateur (art. 15-11 du CGI) pour profiter de la déduction fiscale des charges (CAD, séance du 11 juin 2021, aff. 2021-14). Si les dépenses d’entretien, impôts, taxes et assurances afférentes à l’immeuble sont mises à la charge de l’associé occupant, la mise à disposition gratuite peut être requalifiée en contrat de location (CA Versailles, 25 avril 2000) ;
- en cas de prêt contracté par la société pour acquérir le bien, et à défaut de loyer perçu par la société, les associés devront verser en compte-courant d’associé le montant nécessaire au paiement du capital et des intérêts d’emprunt (ce qui nécessite dès lors de tenir une comptabilité de trésorerie). Lorsque la société est une société civile, elle doit souscrire une déclaration n° 2072 l’année de sa constitution. En revanche, elle est dispensée de déclaration les années ultérieures si la société ne perçoit et ne verse aucun revenu (BOI-RFPI-CHAMP-30-20 § 240).
Occupation gratuite par l’associé d’un logement meubléLorsque la société a acheté les meubles garnissant le logement, la société met alors à disposition gratuitement un logement meublé. S’il s’agit d’une SCI à l’IR, la mise à disposition gratuite ne devrait pas entraîner de passage à l’IS car il n’y a pas de revenus.
Cas particulier : mise en location une partie de l’année par la sociétéLes associés peuvent souhaiter mettre le bien, occupé à titre de résidence principale, en location (meublée) une partie de l’année. Cette stratégie n’est pas envisageable si la société est une SCI à l’IR, car il est impossible pour cette dernière d’avoir une activité commerciale, sauf si les recettes représentent moins de 10 % des recettes totales. Si la société ne détient que ce bien, elle n’aura pas d’autres revenus que ceux de la mise en location meublée ; ainsi la tolérance de 10 % ne pourra s’appliquer. Dès lors, en cas de mise en location du bien pour la période des vacances par exemple, la SCI basculera automatiquement à l’IS. De plus, la Sarl de famille n’est pas adaptée puisqu’il n’y aurait plus de mise à disposition gratuite possible sans passage à l’IS. Ainsi, cette solution ne pourra être envisagée dans un régime fiscal à l’IR, que dans le cadre d’une SNC ou en mettant en place un autre schéma de détention.
Dans l’hypothèse où la résidence principale est détenue dans une SCI ou une SNC à l’IR et qu’il est envisagé de la mettre en location meublée (saisonnière), on pourra envisager ce schéma : la SCI/SNC loue le logement nu à une entreprise individuelle ; puis l’entreprise individuelle loue le logement meublé.
Ce schéma permet d’éviter le passage de la société à l’IS. En revanche, il ne permet pas d’optimiser la fiscalité. Les revenus seront imposés dans l’entreprise individuelle en BIC et dans la SCI ou la SNC en revenus fonciers. Par ailleurs, la CFE sera due et potentiellement élevée, car calculée sur la valeur locative.
Cas particulier : la sous-location par l’associé ayant la jouissance gratuite du bienCette stratégie n’est pas recommandée, car elle pose plusieurs problèmes, juridiques et fiscaux.
Juridiquement, pour un certain nombre d’auteurs, la mise à disposition gratuite devrait être assimilée à un commodat. Dès lors, il ne devrait pas être possible pour le bénéficiaire de procéder à la sous-location du logement. Malgré cela, si l’on considère qu’une sous-location est possible, de nouveaux inconvénients apparaissent :
- il faut que la société l’ait expressément autorisé et qu’elle reste ponctuelle ;
- il faut que l’associé qui souhaite mettre en place la location meublée réalise un certain nombre de démarches.
Fiscalement, il devrait y avoir une double taxation de la période de sous-location :
- une taxation aux revenus fonciers au niveau de la société. En effet, l’article qui autorise la mise à disposition gratuite d’un logement sans fiscalité prévoit uniquement l’occupation par le bénéficiaire (CGI art. 15, 2). Ainsi, cette exception à l’imposition ne couvre pas le cas de la mise en location par le bénéficiaire. N’étant plus dans le régime de faveur, la SCI et plus précisément l’ensemble des associés, devraient donc être imposables aux revenus fonciers, au titre de la période de sous-location ;
- une taxation aux BIC pour l’associé réalisant la sous-location meublée. La fiscalité dépendra de son statut (professionnel ou non) et du régime choisi (micro ou réel). Le choix du micro-BIC devrait être plus adapté compte tenu, non seulement de la simplicité de gestion, mais surtout de l’impossibilité pour l’associé d’amortir le bien. En effet, le bien appartient à la société et non à l’associé.
Remarque : l’associé n’aurait pas à reverser le loyer de la sous-location à la société et, jusqu’au 31 décembre 2023, il ne sera pas imposé à la condition que le logement constitue sa résidence principale et que les loyers de la sous-location soient inférieurs à certains plafonds (pour les locations habituelles d’une ou plusieurs pièces : pour 2022, 192 € par an en Ile-de-France, 142 € dans les autres régions ; pour les locations saisonnières : 760 € par an - BOI-RFPI-CHAMP-40-20 § 160).
Incidences accessoiresQue la mise à disposition soit nue ou meublée, la détention de sa résidence principale au travers d’une société fait perdre au contribuable certaines dispositions.
Références
Cass. civ. 3. 25 avril 2007 ; Cass. civ. 3. 11 février 2014 ; CE, 7 juillet 1982, n° 30975 ; CA Versailles, 25 avril 2000 ; BOI-RFPI-CHAMP-20-20 § 10 ; BOI-RFPI-CHAMP-30-20 § 240 ; BOI-RFPI-CHAMP-40-20 § 160.