Alors que les marchés financiers peinent à trouver une orientation, Rhys Petheram et Jon Wallace, gestionnaires d’investissement, Solutions environnementales, discutent des tendances incontournables qui les attendent.
Nous sommes convaincus depuis longtemps que les défis environnementaux sont essentiels au développement mondial. Il est incontournable de s’attaquer à la fois aux causes et aux effets de ces défis, puisque les solutions environnementales se trouvent actuellement à un tournant décisif où elles ne sont plus considérées comme périphériques, mais comme faisant partie intégrante des trajectoires et des marchés futurs.
Nous investissons dans des titres qui, selon nous, sont bien positionnés pour bénéficier de ces tendances en permettant de résoudre les défis environnementaux, en mettant l’accent sur l’atténuation du changement climatique, l’adaptation et la restauration du capital naturel. Nous privilégions les investissements qui contribuent de façon significative à six thèmes environnementaux essentiels : Énergie propre, Mobilité verte, Bâtiments et industrie verts, Agriculture et écosystèmes terrestres durables, Systèmes durables d’eau douce et d’eau de mer et Économie circulaire.
Le grand choc énergétique de ces 18 derniers mois – et le rôle essentiel que jouent les solutions « propres » pour répondre aux défis à long terme de la sécurité énergétique, du caractère abordable de l’énergie et du changement climatique – servent à souligner l’importance cruciale des solutions environnementales dans la résolution de ces problèmes inévitables et déterminants pour notre époque. Nous présentons ci-dessous notre analyse des domaines dans lesquels nous envisageons des changements similaires en 2023 et au-delà.
La sécurité du système alimentaire à long terme
La sécurité alimentaire est un sujet clé qui a pris de l’ampleur en début d’année après l’invasion choquante de l’Ukraine par les forces russes, qui a perturbé l’approvisionnement en céréales. Elle a constitué un thème important du sommet du G20 à Bali en novembre et de la COP27 des Nations Unies en Égypte. Nous nous attendons à ce que les systèmes alimentaires fassent l’objet d’une pression et d’une surveillance accrues, car les questions liées à l’accessibilité, à la sécurité et à la durabilité restent des défis pour le secteur.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la production alimentaire représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre, 30 % de la consommation mondiale d’énergie, 72 % de l’utilisation d’eau douce et 40 % de l’utilisation des terres. L’agriculture est donc à la fois un contributeur majeur au changement climatique, au stress hydrique et à la perte de biodiversité, et un secteur qui sera gravement perturbé par ces phénomènes. Les répercussions sur la sécurité alimentaire se font déjà sentir.
Le moment est venu pour le secteur agricole de trouver des solutions à ces problèmes liés au développement durable, par le biais de technologies et de services commerciaux nouveaux ou existants. La sécurité alimentaire est présente dans plusieurs de nos thèmes, notamment l’économie circulaire, les systèmes durables d’eau douce et d’eau de mer, ainsi que l’agriculture et les écosystèmes terrestres durables.
Grâce à ces puissants moteurs de changement, nous observons les premiers signes de progrès. La récente approbation des produits à base de viande cellulaire (ou « développés en laboratoire ») par la Food and Drug Administration américaine a marqué une étape sans précédent qui modifie le paysage pour le développement de nouvelles technologies, que l’on pensait jusqu’à présent devoir attendre des décennies. La sécurité alimentaire mondiale, les ambitions technologiques et les avantages en matière de développement durable sont susceptibles d’orienter les programmes de réglementation, ce qui entraînera une accélération de ces marchés à compter de 2023.
Des obligations vertes plus qualitatives
On comprend de mieux en mieux le rôle clé que les obligations peuvent jouer dans la lutte contre le changement climatique, comme par exemple le financement de bâtiments à haut rendement énergétique. Sur le marché des obligations vertes (titres de dette spécifiquement destinés à financer des projets environnementaux et sociaux), l’accent a été mis sur la quantité d’émissions et pas nécessairement sur la qualité, ou sur l’efficacité du déploiement des capitaux levés par ces émissions.
Nous pensons qu’une meilleure réglementation peut contribuer à améliorer la qualité de ces obligations. Par exemple, la Commission européenne a proposé une législation visant à créer une norme standard pour les obligations vertes (Green Bond Standard). Cela permettrait aux émetteurs d’obligations vertes de démontrer qu’ils financent des projets environnementaux légitimes et aux investisseurs d’évaluer, de comparer et de juger que leurs investissements sont durables.
Changement de cap de la politique américaine
Nous considérons l’adoption de la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) par le Congrès en 2022 comme une étape importante, puisqu’elle apporte un soutien aux solutions climatiques et à la politique industrielle pendant au moins 10 ans. Nous pensons que 2023 sera l’occasion d’un bilan mondial des ambitions climatiques qui se conclura à la COP28, ambitions qui seront sans doute revues à la hausse plus tôt que plus tard. L’IRA représente l’investissement le plus important jamais réalisé par le gouvernement américain dans la lutte contre le changement climatique – 370 milliards de dollars sur 10 ans – bien qu’il ait été adopté par le Sénat par la plus petite des marges. Il existe un fossé béant entre l’ambition climatique déclarée des États-Unis et la politique fédérale qui a toujours empêché une plus grande ambition sur la scène mondiale. Nous considérons l’IRA comme une étape importante et positive – bien que partant d’une base faible – qui pourrait stimuler la diplomatie et la coopération mondiales en matière de lutte contre le changement climatique.
Adaptation, atténuation – ou les deux ?
La réponse au changement climatique nécessite une approche à deux volets, l’adaptation et l’atténuation. L’adaptation au climat consiste à s’ajuster et à se préparer à son évolution : par exemple en améliorant les infrastructures pour gérer les inondations et la hausse des températures, ou en renforçant la résilience des écosystèmes naturels, des villes et des collectivités. L’atténuation consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’origine du changement climatique, grâce à des solutions telles que les énergies propres ou les voitures électriques. L’ampleur des mesures prises pour atténuer le changement climatique aura une incidence directe sur l’ampleur des activités d’adaptation au changement climatique requises à l’avenir.
Les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquent que la planète sera exposée à un climat changeant pendant des décennies en raison de la concentration actuelle des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Malgré cela, le financement de la lutte contre le changement climatique privilégie l’atténuation plutôt que l’adaptation. Selon une étude du Climate Policy Institute, seuls 7% de l’ensemble des financements climatiques ont été alloués au volet adaptation en 2021.
Nous sommes naturellement intéressés par les solutions, les projets et les services qui favorisent les avantages communs à l’atténuation et à l’adaptation. Ceux-ci peuvent contribuer à minimiser la « concurrence » entre les programmes d’atténuation et d’adaptation pour l’obtention de capitaux, et peuvent probablement croître de manière significative au fil du temps.
La résolution des défis environnementaux définira cette décennie et ce siècle. Les gouvernements du monde entier reconnaissent le rôle important du secteur financier pour relever ces défis, car la transition nécessitera des investissements publics et privés sans précédent pour installer les technologies de solutions environnementales existantes et en développer de nouvelles afin d’atténuer le changement climatique, de s’y adapter et de restaurer le capital naturel. En répondant à ces objectifs environnementaux vitaux, nous pensons que ces solutions offrent également des opportunités d’investissement intéressantes à long terme.
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