Président de Perl et d’iSelection, Julien Drouot-l’Hermine veut insuffler des synergies nouvelles entre les deux sociétés et accélérer leur croissance. Une mission ambitieuse et stimulante pour cet homme discret qui jouit d’une belle estime partout où il passe…
Lorsqu’il intègre l’Essec en 1994, Julien Drouot-l’Hermine est loin d’imaginer la carrière qui l’attend. L’immobilier n’occupe alors qu’une place anecdotique dans le programme des écoles de commerce. Le marketing, la finance, le conseil offrent les débouchés rois.
Tout juste diplômé, le jeune homme s’envole pour New York, où l’attend un premier poste chez Cartier, dans le marketing du luxe. « Un univers à la fois très frustrant et très formateur, se souvient l’intéressé. Tout y est extrêmement codifié. Il est particulièrement compliqué de faire évoluer un produit, le moindre changement demande des années. Mais cela enseigne le goût et l’exigence du détail, la qualité rigoureuse du service dans l’accompagnement client. Il existe peu d’univers aussi pointilleux. Ce fut donc un formidable apprentissage ». Il y reste deux ans et demi, puis rentre en France.
A Paris, il intègre en 2001 l’équipe marketing de Pierre & Vacances Tourisme, avant de basculer dans la branche immobilière du groupe, à la faveur d’une rencontre : celle d’Isabelle de Wavrechin, directrice générale de Pierre & Vacances Conseil Immobilier. Julien Drouot-l’Hermine gravit rapidement les échelons. En 2005, à tout juste trente-deux ans, il entre dans le comité de direction de Pierre & Vacances. « J’y ai vécu des années dorées, avoue-t-il. J’avais une obsession : ouvrir l’immobilier français à des acquéreurs étrangers. C’était l’une de mes expertises. Nous avons beaucoup développé l’immobilier locatif auprès d’investisseurs britanniques, irlandais… »
En 2007, il quitte pourtant le groupe ; un départ qu’il n’avait pas projeté. Il vient d’être approché par l’Egyptien Mansour Amer qui souhaite offrir de nouveaux logements aux classes moyennes de son pays. Le modèle rappelle celui de Pierre & Vacances ; Julien Drouot-l’Hermine est séduit. Vivre au Caire… L’occasion ne se présente pas deux fois ! « C’était une envie, un choix sans peur, confie-t-il. Bien sûr, il y avait une part de risque, mais c’était aussi partir à la rencontre d’Oum El Dounia, “la mère du monde”, lire in situ Albert Cossery. C’était assouvir ma passion pour la plongée sous-marine, c’était le plaisir vite contrarié d’apprendre l’arabe. Et professionnellement, dans ce pays en fort développement qui compte plus d’habitants que la France, j’aimais l’idée de rendre le logement accessible à des classes moyennes naissantes, chahutées depuis par les secousses de la révolution. A l’heure où l’accès au crédit se démocratisait, structurer une offre de logements dédiée aux classes moyennes me semblait intéressant. »
L’Egypte est pourtant à la veille de troubles économiques et politiques majeurs. Le Printemps arabe qui parcourt le Maghreb et le Proche-Orient dès 2010 prendra aux abords du Nil la forme d’une révolution. Faire de l’immobilier dans un tel contexte devient compliqué. Julien Drouot-l’Hermine quitte Le Caire, peu avant les bouleversements sociopolitiques, inspiré sûrement par sa bonne étoile. La même qui dix ans plus tôt l’éloignait de New York juste avant l’effondrement du World Trade Center…
Retour à Paris. Le troisième chapitre de sa carrière, Julien Drouot-l’Hermine le doit à Jean-Philippe Ruggieri, alors en charge de l’immobilier résidentiel chez Nexity et futur directeur général du groupe. Un homme auprès duquel il va passer sept années et auquel il tient à rendre hommage après sa disparition en avril dernier, fauché par la Covid-19 : « Jean-Philippe Ruggieri pensait un peu plus vite, voyait un peu plus tôt, riait un poil plus fort. Il marquait davantage d’assurance, assumait plus que d’autres le temps du doute. Exigeant, relâché, il épousait tous les codes sans dissimuler ses failles. Son évolution, l’envergure qu’il prenait, inspiraient un respect sincère, bravo le travail, bravo le talent ! Il aurait eu un bon mot sur le leadership qui commande de partir le premier. Jean-Philippe était légitime, curieux, séducteur, gouailleur, respectueux. Il était assurément de ce petit nombre de personnes dont vous souhaitez avoir l’estime sinon l’amitié. Un chouette mec. Un panache. Un homme complexe, rare. Celui que vous voulez dans votre camp, parce que ça ira plus vite et que ce sera plus vivant. Celui qu’on ne remplace pas. Celui qui me manquera. »
Pour l’heure, Jean-Philippe Ruggieri cherche un directeur général pour iSelection, qui soit à la fois développeur et entrepreneur, suffisamment indépendant pour guider cette société au fonctionnement plutôt autonome, tout en restant soluble dans un groupe et compatible avec un actionnaire puissant, exigeant, dont il faut partager la stratégie globale.
Le courant passe bien entre les deux hommes. Avec Alain Dinin aussi. Julien Drouot-l’Hermine devient le nouveau directeur général d’iSelection en 2012, succédant à Stéphane Vidal, parti chez Primonial. Il en prendra ensuite la présidence.
A son arrivée, la société vend mille deux cents logements par an à des investisseurs privés, par l’intermédiaire de conseillers en gestion de patrimoine et d’établissements bancaires. Elle en vendra trois mille neuf cents nets en 2019, multipliant par plus de trois ses performances en six ans. Le secret de cette réussite ? La petite révolution entreprise par Julien Drouot-l’Hermine… Il décide de sacrifier les opérations les plus rentables. « Baisser les recettes et augmenter les charges : voilà un grand choix de gestionnaire, plaisante-t-il ! Une sorte d’effet ciseaux à l’envers. En amont, nous avons privilégié les opérations les plus qualitatives, donc souvent les moins rentables, et avons dépensé davantage en aval pour anticiper l’évolution rapide de nos systèmes d’information et étoffer les équipes. Une même idée directrice, gagner en proximité avec nos clients et partenaires »
L’actionnaire soutient l’initiative. Les résultats plongent pendant quatre mois, puis la courbe s’inverse et entame une croissance ininterrompue depuis six ans, loin devant les volumes globaux de l’immobilier sur la même période. Une vraie satisfaction personnelle pour Julien Drouot-l’Hermine. Bien que discrète, la société vise aujourd’hui 8 % du marché de l’investissement immobilier aux particuliers. « iSelection pèse d’un poids remarquable et n’a pas beaucoup d’équivalent dans l’immobilier, même si nous sommes discrets, note son président. Je n’aime ni les oracles ni la communication vaine. iSelection est très connue et reconnue dans son écosystème professionnel, ça me plaît. Promoteurs, gestionnaires, CGP… C’est une société avec un ADN très BtoB. »
Autre signe de la vitalité de l’entreprise, le recrutement d’une directrice générale, Marie-Laure Bénéat, quinze jours avant le premier confinement ! « Dans beaucoup de sociétés, les embauches ont été remises en question à cette période-là. Chez iSelection, nous n’avons rien différé. Marie-Laure a pris sa place et son poste avec beaucoup de qualité et d’engagement dans un contexte pourtant complexe. Elle a même été confirmée dans ses fonctions en plein confinement. Une preuve de sa valeur et l’illustration de l’état d’esprit de notre entreprise », se réjouit son président.
Comme une consécration des succès rencontrés chez iSelection, Julien Drouot-l’Hermine est nommé, en juin 2020, président de Perl, également filiale de Nexity. Il conserve en parallèle la présidence d’iSelection.
Objectif pour la société pionnière de l’investissement en nue-propriété : amorcer un nouveau cycle de son développement. Le modèle de l’usufruit locatif n’en est encore qu’à ses balbutiements et le marché reste confidentiel ; les contrats s’avèrent souvent délicats à décrocher. « Il n’est pas rare que Perl se retrouve en concurrence avec des marchands de biens, des investisseurs institutionnels, des bailleurs qui sont aussi ses partenaires, confie Julien Drouot-l’Hermine. Le cadre réglementaire est serré. Le modèle encore jeune et assez contraint. »
Le nouveau président semble pourtant taillé sur mesure pour relever le défi de la croissance de Perl, déployer la culture d’entreprise, conserver et attirer des talents, et promouvoir l’enjeu sociétal fort qui sous-tend le développement de la structure : l’accès au logement à loyer abordable, la progression du logement social et intermédiaire en zone tendue… Le sujet est si porteur de sens qu’il ne peut qu’être amené à grossir et faire des émules. La concurrence commence d’ailleurs à se faire jour sur le terrain, avec des acteurs de plus en plus nombreux. « C’est positif : cela démocratise le modèle, estime Julien Drouot-l’Hermine. Les schémas porteurs attirent forcément la concurrence. Je suis toutefois plus inquiet lorsque je vois intervenir des micro-acteurs mus par des enjeux immobiliers de court terme. Cette vision pourrait nuire au schéma dans son ensemble. Nous sommes en effet au cœur d’un écosystème immobilier et humain assez complexe, associant nus-propriétaires, élus, collectivités locales, bailleurs, locataires, promoteurs, CGP… Construire une opération demande un engagement à très long terme. Cela exige de penser chaque étape dès l’origine et de l’assumer. J’espère que tous les opérateurs abordent ce marché avec cette pleine conscience et la capacité de se projeter à quinze, vingt ou trente ans. »
Car une opération en démembrement n’a rien à voir avec une opération de marchand de biens. Elle implique la pérennité des engagements et inclut presque autant de services que d’immobilier. Au terme de l’opération par exemple, Perl accompagne encore tout à la fois le bailleur, le locataire et le nu-propriétaire.
Les investisseurs y sont d’ailleurs sensibles et s’intéressent de plus en plus nombreux au modèle de l’usufruit locatif social (ULS). Si le marché reste étroit, le mouvement est en marche. Rares sont les dispositifs immobiliers capables de gommer à ce point les désagréments d’un investissement. L’ULS offre aussi un aspect clé en main très attractif. « Si des freins existent a priori dans l’esprit des investisseurs, peu résistent aux explications, soutient Julien Drouot-l’Hermine. L’investissement en nue-propriété est le plus simple de tous les modèles immobiliers, facile à appréhender en matière de fiscalité, d’aléas, de non contrainte locative… Son rôle sociétal constitue une vraie force. Beaucoup d’acquéreurs sont sensibles à l’idée d’apporter leur pierre à l’édifice. Enfin, la garantie de recouvrer un bien remis en état lors de la réunion de la pleine propriété gomme la notion de risque qui entache parfois la perception du logement social. » Quant à la liquidité du bien, Perl a en fait la démonstration sur le marché secondaire. La vraie difficulté réside plutôt dans l’offre qui ne parvient pas à couvrir la demande. L’attente est forte du côté des conseillers en gestion de patrimoine. Mais une opération est délicate à construire. Il faut trouver des équilibres financiers dans un écosystème complexe faisant intervenir bailleurs, promoteurs, élus… « Les contraintes réglementaires sont certes lourdes, mais aujourd’hui l’usufruit locatif social est un schéma plutôt bien accepté. Il constitue une solution complémentaire, à côté d’un logement social classique, en particulier dans des zones très tendues et donc très coûteuses », assure Julien Drouot-l’Hermine.
Tout l’enjeu consiste aujourd’hui à produire des opérations en grand nombre, en déployant le savoir-faire de Perl auprès des opérateurs et en développant le modèle. Les pouvoirs publics commencent à l’entendre et desserrent un peu l’étau autour de l’ULS.
Ainsi, suite à la validation de l’amendement Dallier, la loi de finances 2021 introduit la notion de démembrement dans le régime du logement locatif intermédiaire, les conditions à respecter portant sur l’usufruitier et non sur le nu-propriétaire, qui peut donc être une personne physique imposée à l’IR.
Par ailleurs, l’amendement étend le bénéfice de ce régime à la transformation de tous locaux affectés à un autre usage que l’habitation en locaux à usage d’habitation, au-delà des seuls bureaux. Le quota de 25 % de logements sociaux obligatoire au sein de l’ensemble immobilier est désormais apprécié en proportion de logements au regard de l’ensemble des logements de l’ensemble immobilier (et non plus de surfaces).
Enfin, la production de logements intermédiaires n’est plus soumise à un agrément préalable, mais à une simple information de l’administration à partir du dépôt de la demande de permis de construire ou, en cas de Vefa (vente en l’état futur d’achèvement), de l’acquisition, jusqu’à l’expiration de la durée au cours de laquelle un complément de taxe est susceptible d’être dû.
Des évolutions favorables à l’extension du démembrement et de l’usufruit locatif, notamment dans les territoires où l’immobilier et le foncier sont les plus chers et où les bailleurs sociaux mobilisent ainsi peu de ressources. Le modèle de Perl y est particulièrement pertinent.
C’est dans ce contexte que Julien Drouot-l’Hermine a fixé trois objectifs sur sa feuille de route pour les mois et années à venir : commercialiser mille logements par an à compter de 2022, populariser le modèle Perl auprès des différents acteurs et faire en sorte que les collaborateurs de l’entreprise soient heureux d’y travailler.
L’accélération de la production devrait se faire sentir dès 2021. Une quinzaine d’opérations est prévue au premier trimestre à Nantes, Rennes, Toulouse, Courbevoie, Marseille, Antibes, Paris et Lyon, avec des programmes tant dans le neuf que dans l’existant.
Les synergies entre Perl et iSelection devraient également contribuer à la bonne réussite de ce programme ambitieux. « Les deux sociétés représentent à elles deux quatre à cinq mille logements par an, calcule leur président. Elles ont des choses à s’apporter mutuellement, notamment dans les process et la digitalisation. Elles permettent aussi de proposer une solution globale, avec une offre complète de services et de produits, ou encore de démultiplier les dispositifs sur une même opération. Les deux structures sont très ouvertes à leur environnement. Nous devons faire en sorte qu’elles puissent s’inspirer l’une l’autre. »
Pour accompagner la croissance de Perl, une nouvelle gouvernance s’imposait. Tristan Barrès, ancien conseiller logement au cabinet du Premier ministre et au cabinet du président de la République, a fait son arrivée à l’automne dernier en qualité de directeur général. « L’un des plus fins connaisseurs du logement en France, dont les valeurs humaines et professionnelles sont parfaitement alignées avec celles de l’entreprise », selon Julien Drouot-l’Hermine. Pour l’épauler, une équipe très complémentaire, chargée de dérouler la feuille de route et promouvoir les ambitions de l’entreprise.
L’humain est d’ailleurs au cœur des succès de Julien Drouot-l’Hermine. Parmi ses qualités lui conférant toute légitimité dans ses fonctions dirigeantes : sa capacité à fédérer les équipes, à savoir rassembler ses collaborateurs autour d’un même dessein, à les faire travailler ensemble pour produire un résultat intéressant. Pas de brevet technique pour expliquer le leadership d’iSelection ! « Si l’entreprise est aujourd’hui leader sur son marché, c’est qu’elle fait son métier mieux que les autres, estime son président. Un métier d’hommes et de femmes, de services, d’analyses, de partenariats. J’espère la même réussite chez Perl ! »
Quant aux sujets de satisfaction qu’un coup d’œil sur sa carrière ne manque pas de lui renvoyer, il en est un qui compte particulièrement aux yeux de Julien Drouot-l’Hermine : bénéficier de l’estime des gens avec lesquels il travaille. « Cela passe par la transparence de la stratégie, ma remise en question, par les deux cents emplois créés chez iSelection, par une bonne relation avec nos concurrents, le fait d’avoir l’estime de l’actionnaire, d’avoir toujours quitté une société en excellents termes… », souligne-t-il.
Pour l’heure, pas de départ, le président de Perl et d’iSelection a deux priorités, guider ses collaborateurs dans un contexte sanitaire et social difficile, et développer son écosystème immobilier. Avec les autres, comme d’habitude.