L’inflation semble à nouveau devoir se frayer un chemin dans les marchés, avec son cortège de bonnes et de mauvaises nouvelles. Jean-Joseph Haas, président honoraire de Haas Gestion, nous fournit son éclairage sur la question en exclusivité.
Aujourd’hui, tout le monde a un avis sur l’inflation ! Comme pour le cholestérol, il y a la bonne inflation et la mauvaise inflation. Du fait de l’importance considérable du plan de relance américain et des perspectives de reprise économique au sortir de la pandémie, l’érosion monétaire redevient d’actualité. Jean-Joseph Haas, président honoraire de Haas Gestion, société qu’il a fondée, nous fournit son éclairage en exclusivité.
Un mécanisme infernal
Depuis quelques semaines, le thème de l’inflation se trouve au centre des préoccupations des économistes et des épargnants. Que faut-il en penser ? Un réel risque inflationniste se profile-t-il à l’horizon ? Quels en seraient les conséquences pour les épargnants. Avant d’aborder le sujet, il faut clarifier deux notions qui prêtent souvent à confusion et qui, pourtant, sont très différentes. Il s’agit des concepts d’inflation et de hausse des prix.
L’irruption du coronavirus a plongé l’an dernier l’économie mondiale dans une profonde récession. La découverte d’un vaccin, en novembre dernier, a ranimé l’activité économique ainsi que la demande avec, comme résultat immédiat, une remontée des prix du pétrole et de nombreuses autres matières premières que la crise avait déprimés. Deux chiffres illustrent parfaitement ce constat. En mars 2020, le baril de pétrole cotait 30 $. Aujourd’hui il vaut plus du double (67 $) ! Ce doublement traduit-il une véritable reprise de l’inflation ou, plus simplement, un retour à la normale, maintenant que les voitures circulent à nouveau. A cela s’ajoute l’énorme plan de relance de 1.900 milliards de dollars voté aux Etats-Unis qui amplifiera la demande dans un avenir proche. Les hausses de coûts et l’ensemble des mesures de relance ne manqueront pas de se répercuter dans les prix de vente des produits finis.
Ce mouvement, par mimétisme, a exercé une influence sur les taux d’intérêt. Le taux allemand de référence à 10 ans est passé d’un taux négatif de – 0.52 % à – 0.26 %. Jusqu’à ce stade, nous sommes toujours dans un mécanisme de hausse des prix. Cette hausse peut se transformer en inflation s’il s’enclenche, comme dans les années 70, une spirale hausse des prix/hausse des salaires. Il s’agit là d’un mécanisme infernal, auto-entretenu, qui ne peut être cassé qu’au prix d’efforts de longue haleine comme ce fut le cas dans la décennie 80.
La BCE à la manœuvre
Rappelons à ce sujet que des prix supérieurs à ceux de nos concurrents pénalisent fortement notre compétitivité à l’exportation. Pour l’instant les probabilités penchent fortement en direction d’une hausse des prix limitée en durée et en ampleur. Après une période d’ajustement, le temps que les prix entérinent la reprise économique post vaccination, un nouvel équilibre sera trouvé. Christine Lagarde, dans sa conférence du 11 mars, a souligné que la Banque centrale européenne considère l’actuel pic d’inflation comme un évènement temporaire dû à des événements conjoncturels et non récurrents. Importée des Etats-Unis, la remontée des taux d’intérêt est peu appréciée par la BCE. Il est probable que, sous la pression du plan de relance américain, qui diffusera ses effets au monde entier (aussi bien dans la sphère réelle que sur les taux d’intérêt), elle cherchera dans un premier temps à limiter cette contagion et, ensuite, laissera les taux européens remonter très progressivement, au rythme de la reprise économique que permettra le succès de la campagne de vaccination.
Ce mouvement devrait bénéficier aux banques qui pourront accorder les prêts à des taux plus élevés et avec de meilleures marges. Concernant les marchés financiers, l’effet le plus visible a été une forte rotation sectorielle au profit des valeurs bancaires et des valeurs de matières premières à l’instar d’ArcelorMittal, au détriment des valeurs favorisées précédemment par une activité à forte visibilité comme les valeurs de santé. Si l’hypothèse évoquée plus haut devait se vérifier, l’équilibre entre valeurs cycliques et valeurs à bonne visibilité devrait être retrouvé. Quant à eux, les taux des emprunts immobiliers se sont eux aussi ajustés au nouveau contexte par une très légère hausse. Ils devraient connaître le même sort que les prix à la consommation, qui devraient rester contenus.
Reste un risque plus grand que les autres à surveiller. Il concerne le plan de relance américain, dont la taille est surdimensionnée par rapport aux besoins de l’économie américaine, ce qui pourrait entraîner une surchauffe de l’économie aux Etats-Unis et une remontée des prix plus importante et durable qu’envisagé dans notre scénario.
ML