C’était la publication la plus attendue de tout le secteur du luxe, après les nombreuses déceptions de tous ses pairs. Hermès International, la maison mère du groupe, a, une fois de plus, dépassé les attentes des investisseurs, en publiant une croissance de son chiffre d’affaires consolidé au troisième trimestre de 11,3% sur un an à taux de change constant. Certes, on est loin des chiffres de 2023, avec une progression de 15,6% pour la même période. Néanmoins, nous pouvons qualifier cette performance de remarquable, tant elle contraste avec celle de ses rivaux LVMH (-3%) et Kering (-16%). Une fois de plus, il y a la maison Hermès et les autres. Quel est le secret de cette marque si unique, qui en fait un acteur incontournable et exceptionnel dans le luxe ?
Arnaud BENOIST-VIDAL, Gérant d’actifs
La saison des résultats du 3ème trimestre a été dure pour les acteurs du luxe. La Chine est l’excuse toute trouvée par tous, pour ne pas remplir ses objectifs, mais très franchement, les publications ont dévoilé d’autres difficultés et défis que doit résoudre chaque entreprise. LVMH souffre depuis plusieurs trimestres de sa division Vins & Spiritueux. Celle-ci affiche une médiocre décroissance organique de 7% au troisième trimestre, après -5% et -12% respectivement au 2ème et 1er trimestre. Le segment Cognac & Spiritueux est en baisse de 11% sur neuf mois, à cause d’une faible demande aux États-Unis, entraînant un fort déstockage, ainsi qu’à la défiance du consommateur et des distributeurs chinois. La branche Champagne & Vins est également en baisse de 6% sur neuf mois aux États-Unis, du fait d’une faible demande et des conditions climatiques. Cependant le mal ne s’arrête pas là, la division Mode & Maroquinerie est en décroissance de 5%, après des modestes +2% et+1% les trimestres précédents. La Chine, logée dans la zone Asie hors Japon et qui est en baisse de 16% sur un an, est probablement le principal responsable de cette contreperformance. Quant à Kering, le dernier de la classe, les problèmes sont probablement plus profonds, avec un sujet d’identité des marques en forte décroissance organique, y compris chez des maisons prestigieuses comme Gucci (-25%) et Yves Saint-Laurent (-12%). Ce groupe devra résoudre à la fois des problèmes d’image et d’attractivité des produits. Un sujet qui prendra plusieurs mois, et probablement plusieurs collections avant de remonter la pente.
Qu’en est-t-il d’Hermès ? Les chiffres sont probants et montrent une croissance dans la quasi-totalité des divisions au 3ème trimestre : Maroquinerie-Sellerie (+14 %), Vêtement & Accessoires (+13,5 %), Soie & Textiles (+4%), Parfum & Beauté (+10,6%) et autres métiers (+13,6%). Seule l’Horlogerie est en difficulté (-18,2%), mais son poids représente à peine un peu plus de 3% de revenus du groupe. Quel est le secret d’un tel succès dans un environnement difficile ? La maison, fondée en 1837 par Thierry Hermès, est toujours restée fidèle à ses valeurs que sont l’artisanat d’excellence à la française et des produits de haute qualité. L’image du produit d’exception et artisanal issue de la sellerie, son premier métier, a été répliquée avec succès progressivement dans la soie et toutes les autres spécialités. Hermès, c’est une seule histoire et non un conglomérat de sociétés ou de marques de luxe différentes, regroupées au sein d’une même entité. On a laissé le blingbling de côté, pour la qualité et l’image d’exception portant sur des produits renouvelés, mais conservant une certaine tradition.
On pourrait penser qu’Hermès International est moins exposée sur la Chine que ses concurrents. C’est faux, car la zone Asie hors Japon a représenté 45% du chiffre d’affaires sur neuf mois contre 29% chez LVMH, avec une croissance organique de 1% au dernier trimestre contre une baisse de 16% pour le leader mondial. Un autre facteur-clé est le pricing power, ou la faculté d’imposer ses prix aux clients. Lors de la conférence téléphonique, le directeur financier Eric du Halgouet a détaillé la politique de hausse des prix de la maison. Ils ont augmenté globalement de 9% en janvier 2024, avec toujours le même principe : ils reflètent la progression des coûts de production et de la baisse des devises pour couvrir l’effet de change négatif pour les autres zones géographiques. Cela explique la progression d’à peine 6%en France et davantage à l’étranger. Nous pouvons donc tirer à Hermès International nos carrés de soie en signe de révérence et conserver le titre en cœur de portefeuille, malgré une valorisation élevée, qui est le reflet de ses qualités immenses et prestigieuses.
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Par Arnaud BENOIST-VIDAL, Analyste macroéconomique,
Gérant du fonds Arc Actions Santé Innovante ESG
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