Article extrait du Dossier Pratique Thèmexpress :« Divorce : conséquences familiales, patrimoniales, fiscales et sociales » paru aux éditions Francis Lefebvre
Les donations et les avantages matrimoniaux qui ont produit leurs effets avant le divorce sont maintenus. Ceux qui n’ont pas encore produit leurs effets sont annulés, sauf si le conjoint qui les a consentis en décide autrement. Il est conseillé de prendre contact avec un professionnel.
Le sort des donations et avantages matrimoniaux est totalement déconnecté des éventuels torts des époux dans la séparation. Pour résumer, les donations et avantages matrimoniaux qui ont produit leurs effets avant le divorce sont maintenus. Ceux qui n’ont pas encore produit leurs effets sont révoqués de plein droit.
Ce dispositif présente un double avantage :
- il favorise la pacification des rapports entre les époux, puisque le sort des donations et avantages matrimoniaux est indépendant des éventuels torts des conjoints dans la séparation ;
- il met fin à l’incertitude sur la composition des patrimoines des époux après divorce, le sort des donations et avantages matrimoniaux étant, pour l’essentiel, fixé à ce moment.
Donations et avantages matrimoniaux maintenus en dépit du divorce Donation de bien présent entre épouxLe divorce est sans incidence sur les donations de biens présents que les époux ont pu se consentir (C. civ. art. 265). Celles-ci sont donc maintenues sous réserve de l’application du droit commun des donations. La règle s’applique à toutes les donations de biens présents, sans distinguer selon qu’elles ont été unilatérales ou réciproques ; notariées, sous forme de don manuel, indirectes ou même déguisées ou faites à personne interposée ; ou encore faites à l’occasion du contrat de mariage ou postérieurement.
Il n’est pas possible d’échapper à cette règle en prévoyant dans la donation une condition résolutoire en cas de divorce ou de séparation de corps : l’article 265, alinéa 1 du Code civil ayant été jugé d’ordre public, une telle clause est illicite (Cass. 1re civ., 14 mars 2012, n° 11-13.791 FS-PBRI ; solution critiquée par la doctrine, voire notamment JCP N 2012 art. 1182, note C. Brenner).
Cela dit, il faut combiner la règle de l’article 265 du Code civil avec le régime des donations consenties entre époux durant le mariage.
Donation pendant le mariage consentie depuis le 1er janvier 2005
Les donations de biens présents qui ont pris effet durant le mariage sont irrévocables, sauf hypothèses marginales d’inexécution des charges ou ingratitude (C. civ. art. 1096). L’irrévocabilité vaut quelle que soit la forme de la donation, donations directes (notariées), dons manuels, donations indirectes ou déguisées.
Ce dispositif a le mérite de mettre fin aux litiges relativement fréquents lorsqu’un époux séparé de biens a financé l’acquisition d’un immeuble au nom de son conjoint. Au moment du divorce (ou même après), l’époux qui veut récupérer le bien soutient qu’il a consenti une donation indirecte et demande la révocation de la donation. Ces actions ne peuvent plus être intentées à propos des donations consenties depuis le 1er janvier 2005. Cela dit, celui qui aura financé l’acquisition au nom de son conjoint pourra tenter de prouver qu’il n’a pas agi dans une intention libérale, mais qu’il a entendu faire un prêt !
Les donations de biens présents qui n’ont pas pris effet durant le mariage sont librement révocables (C. civ. art. 1096 a contrario). Sont au premier chef visées toutes les donations à terme, dont la fin est le décès du donateur, notamment la réversion d’usufruit sur la tête du conjoint et aussi la désignation du conjoint comme bénéficiaire d’une assurance-vie en cas de décès lorsque cette désignation a été effectuée dans une intention libérale.
La libre révocabilité de ces donations connaît toutefois quelques tempéraments :
- les époux ont pu prévoir dans leur convention de divorce que la donation serait maintenue, ce qui la rend irrévocable (Cass. 1re civ., 6 février 2008, n° 05-18.745 FS-PB, décision rendue à propos d’une donation au dernier vivant consentie avant 2005, mais qui nous semble transposable) ;
- l’époux donateur peut avoir renoncé, même tacitement, à user de sa faculté de révocation. Jugé que tel est le cas lorsque, pour minorer la prestation compensatoire à devoir à son ex-épouse, le mari a fait valoir les donations consenties à celle-ci et indiqué son intention de ne pas les révoquer, ce dont le juge a tenu compte pour fixer le montant de la prestation (Cass. 1re civ., 26 octobre 2011, n° 10-25.078 F-PBI, décision rendue pour l’application du dispositif antérieur à 2005, mais à notre avis transposable) ;
- l’époux bénéficiaire peut tenter de s’opposer à la révo-cation en invoquant une donation rémunératoire, laquelle n’est pas révocable puisqu’elle ne constitue pas une libéralité.
Donation pendant le mariage consentie avant le 1er janvier 2005Les donations de biens présents consenties entre époux avant le 1er janvier 2005 sont librement révocables en application du droit commun des donations entre époux (C. civ. art. 1096 ancien et loi 2006-728 du 23 juin 2006, art. 47, III). En pratique, la possibilité de révoquer est limitée, notamment en cas de financement par un époux d’une acquisition au nom du conjoint. Dans cette hypothèse, les tribunaux admettent très rarement l’existence de la donation. Ils estiment généralement que l’époux n’a pas agi avec une intention libérale, mais pour « rémunérer » son conjoint :
- de sa collaboration bénévole à son travail ;
- de la part prise dans le travail domestique lorsque celle-ci a excédé la contribution normale aux charges du ménage ;
- de ses sacrifices professionnels, lorsqu’il a renoncé à sa carrière pour se consacrer à sa famille.
Autre raison pour refuser la révocation de la donation : la renonciation non équivoque du donateur à user de sa faculté de révocation (notamment Cass. 1re civ., 10 juin 2015, n° 14-15.615 F-D).
Avantages matrimoniaux ayant produit effet au cours du mariage
S’ils ont produit effet au cours du mariage, les avantages matrimoniaux sont maintenus en dépit du prononcé du divorce. Ce sera par exemple le cas :
- si les époux ont adopté un régime de communauté universelle, puisque les biens sont tous devenus des biens communs dès l’adoption du régime ;
- s’il a été prévu une clause d’apport en communauté sans contrepartie.
Toutefois, si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté (C. civ. art. 265 qui valide la clause dite de reprise d’apport ou clause alsacienne).
Donations et avantages matrimoniaux révoqués par l’effet du divorceLe divorce emporte révocation de plein droit (article 265 du Code civil) :
- des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux. Cette disposition vise tous les avantages matrimoniaux qui n’ont pas commencé à produire effet au moment du divorce. Ainsi par exemple, la clause de préciput, la clause de prélèvement moyennant indemnité ou la clause d’attribution intégrale de communauté au conjoint survivant (généralement liée à l’adoption d’une communauté universelle) ne jouera pas. De même, la clause d’exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation ne jouera pas en cas de divorce, dès lors qu’elle génère un avantage matrimonial qui prend effet à la dissolution du régime (Cass. 1re civ., 18 décembre 2019, n° 18-26.337 FS-PBI ; Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 19-25.903 F-D ; Cass. 1re civ., 15 décembre 2021, n° 20-15.693 F-D). Dans cette dernière hypothèse, la solution est néanmoins critiquable en ce qu’elle aboutit à priver d’effet une clause du contrat de mariage censée s’appliquer justement pour le cas du divorce (en ce sens, à propos de Cass. 1re civ., 18 décembre 2019, n° 18-26.337 FS-PBI, Q. Guiguet-Schielé, L’avantage matrimonial révocable en participation aux acquêts : Dalloz actualité du 23 janvier 2020 ; G. Yildirim, Participation aux acquêts : l’exclusion des biens professionnels est un avantage matrimonial : BPAT 2/20 inf. 53 ; en sens contraire, à propos de Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 19-25.903 F-D ; P. Hilt, Dans le régime de la participation aux acquêts, une clause d’exclusion des biens professionnels constitue un avantage matrimonial : AJ famille 2021 p. 442) ;
- des dispositions à cause de mort, y compris les avantages matrimoniaux, accordées par un époux à son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union. Cela vise, notamment, les donations au dernier vivant et les legs. Notons que les donations au dernier vivant faites par contrat de mariage ne sont donc plus irrévocables (mais en pratique, ces donations sont rarissimes).
Si la révocation opère en principe de plein droit, l’époux qui a consenti l’avantage matrimonial ou la donation peut renoncer au bénéfice de la révocation automatique. Il doit alors faire constater sa décision par le juge au moment du divorce ou, pour le divorce contractuel, dans la convention de divorce (C. civ. art. 265).
En cas de révocation par divorce de l’avantage matrimonial constitué par la clause d’exclusion des biens professionnels, l’on imagine toutefois difficilement l’époux qui a consenti cet avantage à son ex-conjoint renoncer à cette révocation, même si la Cour de cassation ne manque pas de rappeler cette possibilité (Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 19-25.903 F-D ; Cass. 1re civ., 15 décembre 2021, n° 20-15.693 F-D).
Droits que les époux tiennent de la loi ou des conventions passées avec des tiersLe divorce est désormais sans incidence sur les droits que les époux tiennent de la loi ou de conventions passées avec les tiers (C. civ. art. 265-1). Les donations consenties par un tiers sont donc maintenues.
Divorce prononcé sous l’empire de la loi ancienne Divorce pour faute ou rupture de la vie communeL’époux qui a les torts exclusifs ou celui qui obtient le divorce pour rupture de la vie commune perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis, que ce soit lors du mariage ou après (C. civ. art. 265, 267 et 269 anciens). La révocation intervient automatiquement, sans nécessiter d’un jugement ni d’une manifestation de volonté du conjoint. Ce dernier peut toutefois renoncer au bénéfice de la révocation automatique, soit à l’occasion de l’établissement d’une convention de liquidation du régime matrimonial pendant l’instance en divorce, soit postérieurement au jugement de divorce. L’époux non fautif ou celui qui subit la rupture de la vie commune, lui, conserve les donations et avantages matrimoniaux qui lui avaient été consentis, même à titre réciproque. La Cour de cassation a apporté diverses précisions quant à la mise en œuvre de ces règles.
Elle a décidé qu’une donation-partage consentie à un donataire marié sous le régime légal, avec stipulation expresse que les biens donnés devaient tomber dans la communauté, ne constitue pas un avantage matrimonial susceptible de révocation (Cass. 1re civ., 3 décembre 2008, n° 07-19.348 FS-PB).
A propos de l’apport d’un bien dans une communauté universelle, elle a jugé que la perte de cet avantage matrimonial n’a pas pour effet de modifier la qualification du bien apporté à la communauté universelle, mais seulement de permettre à l’époux de reprendre son apport (Cass. 1re civ., 5 mars 2008, n° 06-18.187 FS-PB). En d’autres termes, le bien reste un bien commun, mais il revient à l’époux qui l’a apporté. L’époux est bien fondé à reprendre son apport ou la valeur de celui-ci (Cass. 1re civ., 25 septembre 2013, n° 12-11.967 FS-PBI).
A propos de la clause de reprise d’apport stipulée au contrat de mariage portant adoption du régime de la communauté universelle, elle précise que celle-ci ne confère aux époux aucun avantage matrimonial (Cass. 1re civ., 17 novembre 2010, n° 09-68.292 FS-PBI). Cette clause ne peut donc pas être révoquée.
Autres divorces
Dans les autres divorces, la règle est la liberté des époux. Chacun des époux peut révoquer tout ou partie des donations et avantages qu’il avait consentis à l’autre (C. civ. art. 267-1 et 268-1 anciens).
La révocation peut être expresse, par exemple dans des conclusions signifiées au cours de l’instance en divorce ou dans l’acte notarié qui liquide le régime matrimonial. Elle peut aussi être tacite et résulter, par exemple, des opérations de liquidation-partage du régime matrimonial.
De la même façon, la renonciation à révoquer l’avantage matrimonial peut être expresse ou tacite. Pour un exemple de renonciation tacite lorsqu’un des époux se prévaut du régime matrimonial adopté pour s’opposer à une prestation compensatoire (Cass. 1re civ., 4 juillet 2006, n° 04-14.968 FS-PB ; Cass. 1re civ., 26 octobre 2011, n° 10-25.078 F-PBI).
Dans un divorce par consentement mutuel, si rien n’est prévu, les donations et avantages matrimoniaux sont censés avoir été maintenus (C. civ. art. 268 ancien).
En règle générale, les époux font connaître leur intention dans la convention définitive homologuée. S’ils prévoient de façon expresse le maintien des donations qu’ils se sont consenties pendant le mariage, celles-ci deviennent irrévocables, même si la convention ne stipule pas que ce maintien est irrévocable (Cass. 1re civ., 6 février 2008, n° 05-18.745 FS-PB, à propos d’une donation au dernier vivant).
En l’absence de précision dans la convention, il a été jugé que :
- sauf clause contraire de la convention, les dons manuels qui s’analysent comme des donations de biens présents sont considérés comme ayant nécessairement été pris en compte dans la convention définitive conclue par les époux. Ils sont donc irrévocables une fois le divorce prononcé et la convention définitive homologuée (Cass. 1re civ., 28 février 2006, n° 03-10.245 FS-PB) ;
- une donation au dernier des vivants portant sur des biens à venir reste révocable (Cass. 1re civ., 28 février 2006, n° 03-20.150 FS-PB).
Assignation délivrée après le 1er janvier 2005
La loi du 26 mai 2004 réformant la procédure du divorce est applicable aux procédures introduites par une assignation délivrée après le 1er janvier 2005, et cette loi s’applique aux avantages matrimoniaux, peu important la date à laquelle ceux-ci ont été stipulés (Cass. 1re civ., 1er décembre 2010, n° 09-70.138 F-PBI ; Cass. 1re civ., 18 mai 2011, n° 10-17.943 F-PBI). Cette disposition a été jugée conforme à la Constitution (Cons. const., 29 janvier 2021, n° 2020-880 QPC).