Portabilité et transférabilité du prêt immobilier : ces deux idées prennent de l’ampleur dans le débat public, au point que les banques se voient maintenant contraintes de s’y opposer ouvertement en agitant le chiffon rouge des taux variables.
« Depuis quelques temps circulent les idées de portabilité et de transférabilité des prêts, qui ne sont pas nouvelles, et comportent plus d’inconvénients que d’avantages au-delà de la lourdeur et complexité particulières de leur éventuelle mise en place. Elles pourraient surtout remettre en cause ce que sont les atouts protecteurs pour les ménages du modèle français de financement du logement contraire à l’objectif recherché. »
Si le communiqué de la Fédération bancaire française (FBF) est sans ambages, c’est certainement par irritation de voir s’installer dans l’agora public deux solutions au blocage du marché immobilier portées notamment par la Fnaim : la portabilité et la transférabilité des prêts immobiliers.
Des dispositifs complémentaires
La transférabilité permet à un vendeur de céder à l’acquéreur de son bien son ancien crédit en conservant le même taux. Avec la portabilité, un propriétaire qui souhaite acquérir un nouveau bien pourrait réutiliser un crédit déjà contracté, plutôt que de devoir le rembourser avant d’en souscrire un nouveau.
Le sous-jacent des deux dispositifs qui se complètent l’un-l’autre est de permettre l’accès ou le maintien du crédit aux anciens taux bas, avantageux mais maintenant révolus.
Relais législatif
La Fnaim a trouvé un relais politique en la personne du député Renaissance Damien Adam qui a déposé le 2 mai une proposition de loi visant à généraliser la portabilité. Son article unique prévoit que toute offre de prêt immobilier doit comporter une clause indiquant que l’emprunteur peut « s’il le souhaite, maintenir les conditions du prêt accordé en cas de la vente du bien immobilier pour l’achat d’un nouveau bien immobilier tiers », indique l’exposé des motifs. En clair, la banque a « l’obligation de permettre à son emprunteur de recourir à la portabilité du prêt immobilier ».
Le député souligne que son dispositif présente l’avantage, en plus du maintien de l’ancien taux, de simplifier les démarches d’acquisition du crédit et d’éviter d’avoir à régler les pénalités de remboursement anticipé. « Le texte fera, sans doute, l’objet d’amendements obligeant, par exemple, les deux financements à avoir la même destination (résidence principale, secondaire, investissement locatif…) », anticipe la Fnaim dans un communiqué.
Opposition des acteurs du crédit
Si la proposition de loi attend sagement son passage en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, il n’en fallait pas plus pour faire réagir ouvertement les acteurs du crédit. Pretto la désigne comme une « fausse bonne idée », rappelant que les taux des banques fluctuent en fonction de leurs conditions de refinancement imposées par la Banque centrale européenne (BCE).
Leur imposer des taux plus bas que ceux auxquels elles empruntent actuellement comporte selon le courtier le risque que les établissements augmentent leurs taux d’intérêt « pour se prémunir face à cet effet boomerang ».
La FBF va plus loin : la portabilité reviendrait à ouvrir une brèche dans notre modèle basé sur la solvabilité des ménages au profit d’un modèle basé sur la valorisation des biens, « bien plus volatile ». Ce modèle présenterait le risque de passer d’une offre essentiellement à taux fixe à une offre à taux variable complétée de taux fixes résiduels plus élevés. « La volatilité plus grande des durées réelles et leur allongement et le poids plus important donné au bien immobilier comme garantie nécessiteraient une transformation du modèle et du refinancement des crédits pour maîtriser les risques », plaide-t-elle.
L’arène est ouverte.