Les acteurs de l’immobilier et de la construction saluent unanimement la décision du HCSF d’assouplir les règles d’octroi du crédit. Un pas dans le bon sens, même si certaines demandes des professionnels, comme la prise en compte du reste à vivre, demeurent exclues de nouvelles recommandations.
Après les recommandations formulées en décembre 2019 par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), les banques étaient tenues de respecter stricto-sensu le critère des 33 % d'endettement dans l'octroi des crédits immobiliers. Par ailleurs, la durée des prêts ne pouvait excéder 25 ans et les banques devaient accroitre leur vigilance sur l'apport des emprunteurs. Des recommandations respectées à la lettre par les banques. Résultat : toute une partie de la population française, à commencer par les primo-accédants sans apport et les petits investisseurs, se voit depuis plusieurs mois fermer les portes d'accès à la propriété. « Aujourd'hui les taux n'ont jamais été aussi bas, nous sommes repassés sous la barre des 1% mais malheureusement tous les emprunteurs n'en profitent pas, l'accès au crédit est en effet devenu quasi-impossible à toute une catégorie de la population française et seuls les plus aisés avec de l'épargne obtiennent leur crédit », annonce Mael Bernier, directrice de la communication et porte-parole de Meilleurtaux.com.
Hausse du taux d’effort à 35 %Jeudi dernier, le HCSF a donc assoupli les recommandations énoncées il y a un an, admettant un taux d’endettement de 35 % d'endettement maximal au lieu de 33 %.
Cela permet à un couple avec 3 000 € de revenus de rembourser une mensualité de 60 € de plus par mois (1 050 € au lieu de 990 €), et donc d'emprunter 15 000 € de plus à 1,5 % sur 25 ans (262 542 contre 247 539 €), calcule-t-on chez Vousfinancer.
Durée des crédits portée à 27 ans dans le neufLa durée maximale d'endettement reste plafonnée à 25 ans mais peut atteindre 27 ans dans le cas de différés de remboursement liés au neuf (VEFA et construction de maisons individuelles) ou aux travaux.
En 2020, sous l'effet des recommandations, la durée de prêt, limitée à 25 ans, intégrait le différé d'amortissement de deux ans lié au délai de construction. En réalité, la capacité d'emprunt était donc calculée sur 23 ans (+ deux ans de différé), avec un impact sur l'endettement et sur le taux de refus, bien plus important dans le neuf que dans l'ancien. « Pouvoir désormais emprunter sur 25 + 2 ans de différé au lieu de 23 ans + 2 ans, permet pour un couple avec 3 000 € de revenus, d'emprunter 16 740 € de plus que sur 23 ans, pour une même mensualité de 1000 € par mois ce, qui n'est pas négligeable ! », explique Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.
Marge de dérogation portée de 15 % à 20 %Le HCSF accorde également aux banques la faculté de déroger aux règles à hauteur de 20 % des dossiers contre 15 % auparavant, et de prendre ainsi en compte les cas particuliers. Notons que les banques utilisent déjà cette marge de flexibilité et la dépassent même : « En 2020, le taux de dérogation était plutôt de l'ordre de 30 % en réalité », explique Maël Bernier. Elles devront cette fois se limiter aux nouvelles recommandations…
A noter la demande de CAFPI qui souhaite que ces dérogations soient applicables également aux dossiers des courtiers - qui représentent plus d’un tiers des emprunteurs immobiliers - et non plus seulement aux clients des banques.
Les professionnels entendusL’ensemble des acteurs de l’immobilier et de la construction salue l’inflexion du HCSF.
« L'avancée est notable, de nature à dynamiser le marché de l'immobilier neuf et de la construction, se félicite Didier Kling, président de la CNCEF Immobilier. Les demandes des associations professionnelles ont été entendues par les autorités, pour le plus grand bénéfice des investisseurs et des professionnels en immobilier patrimonial. » « Le HCSF, encore inflexible il y a quelques jours, semble avoir entendu nos inquiétudes, confirme Frédéric Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage. Rappelons que ses préconisations ont entraîné cette année un refus de financement pour de nombreux ménages pourtant éligibles au crédit. Ces assouplissements vont dans le bon sens et devraient permettre de financer les projets d'un certain nombre d'emprunteurs. »
« D'une part, et ce n'est pas le moindre des symboles, on sort du dogme d'un immobilier qui ne serait pas finançable au-delà de 25 ans. D'autre part : la rehausse du taux d'effort, même s'il aurait pu être placé encore un peu plus haut, avantage les investisseurs, ce qui est une bonne nouvelle : nous avons besoin d'investisseurs en logement. Enfin, l'ajustement du taux de flexibilité sera un instrument de souplesse pour les emprunteurs : on évitera ainsi une objectivation pure des dossiers, analysant la qualité intrinsèque de l'emprunteur et, in fine, le financement pourra mieux accompagner les marchés en difficulté. (…) Cette inflexion était aussi nécessaire pour ne pas retarder le financement des travaux de rénovation énergétique, un chantier indispensable pour l'environnement comme pour la relance de l'économie », réagit Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM.
Mais des banques toujours sous contraintesChristelle Molin-Mabille, présidente de la CNCEF Crédit, regrette cependant que la notion de « reste à vivre » ne soit pas intégrée aux critères qui permettent l'octroi de crédit immobilier. « Le taux d'endettement seul ne peut refléter la capacité de remboursement d'un emprunteur, qui peut par ailleurs disposer d'un reste à vivre confortable. Cette variable pourrait justement sécuriser la prise de risque et les décisions des établissements bancaires. »
« L’augmentation de la durée d’emprunt à 27 ans pour les achats dans le neuf, les constructions et les rénovations, prenant ainsi en compte les 2 ans de différé d’amortissement nécessaire à la réalisation des travaux, est une bonne nouvelle mais ne résout pas tout, note pour sa part Philippe Taboret, directeur général adjoint de CAFPI. Pour les primo-accédants ayant recours au Prêt à Taux Zéro, cette limite de durée ne permettra pas d’inclure le PTZ dont la durée d’amortissement peut aller jusqu’à 30 ans. »
« Pourquoi continuer à faire peser sur les banques françaises des contraintes alors qu'elles sont parfaitement capables d'élaborer elles-mêmes leur politique de risque comme elles le faisaient parfaitement par le passé ; rappelons en effet que le taux défaut sur les crédits immobiliers est largement inférieur à 1%, preuve que les banques n'ont jamais prêté à n'importe qui, n'importe comment, ajoute Maël Bernier. Nous continuons de penser que sans faire feu de tout bois le plus simple serait de laisser aux banques le droit de faire ce qu'elles savent faire, à savoir l'analyse d'un dossier au cas par cas, en fonction du profil, et surtout en tenant compte du reste à vivre. »
L’assouplissement des recommandations reste « une bonne nouvelle d’un point de vue microéconomique, avec une baisse mécanique du taux de refus attendue, mais également macroéconomique, car la hausse de la durée maximum à 27 ans dans le neuf, secteur très pénalisé par la baisse de la durée maximum à 25 ans, devrait permettre une relance du secteur de la construction », considère Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer. « Les investisseurs et les CSP+ seront les grands gagnants des nouvelles mesures du HCSF », conclut pour sa part Philippe Taboret.