Recentré sur l’activité de conseil en gestion de patrimoine suite à la cession d’Alpheys et renforcé par l’arrivée d’Apax à son capital en 2021, le groupe Crystal déploie sa stratégie à vive allure. Après avoir acquis les cinq cabinets du projet Victoire et WiseAM, la société qui souffle ses trente bougies en 2022, vient d’annoncer l’achat de la technologie de Finansemble, Grisbee, l’acquisition du cabinet 3A0 Patrimoine, et d’élargir son offre à la gestion de patrimoine des sportifs professionnels. Entretien avec son président, Bruno Narchal.
Investissement Conseils : En octobre dernier, vous avez acquis la technologie Grisbee de Finansemble. Pourquoi cette opération ?
Bruno Narchal : Chez Crystal, nous sommes persuadés, tout autant que notre actionnaire Apax, que la digitalisation de notre activité est un facteur-clé de notre réussite future. Dès lors, nous comptons nous développer dans ce domaine, autour de plusieurs projets. Grisbee, est un socle technologique qui nous permet de développer le «conseiller augmenté». En effet, il s’agit d’un outil libérateur de temps pour le conseiller et de communication pour et avec ses clients ou prospects. Avec ce nouvel outil, le conseiller dispose de la même vision du patrimoine que son client et peut interagir avec lui pour obtenir des informations et des données, réaliser des simulations ou encore souscrire et assurer le suivi des produits en respectant l’ensemble du parcours réglementaire et le suivi des investissements. De son côté, le client ou prospect se crée un compte à partir duquel il peut visualiser son patrimoine dans son intégralité et réaliser des simulations en matière d’impôt sur le revenu, d’IFI, de succession, d’investissement immobilier… Nous allons rentrer dans une phase de test, puisque l’outil sera utilisé dans certaines agences d’Expert & Finance, d’ici la fin de l’année. L’ensemble de nos structures en sera doté, d’ici la fin de l’année 2022.
Pourquoi acquérir cette technologie et ne pas la développer en externe ?
Sur le marché, les outils qui étaient à notre portée n’étaient pas totalement satisfaisants pour répondre aux besoins de notre activité. Par exemple, les agrégateurs de comptes sont très centrés sur les contrats d’assurance-vie, mais ne prennent pas en compte d’autres dimensions du patrimoine, en particulier l’immobilier. Dès lors, nous devions utiliser plusieurs outils ne communiquant pas forcément ensemble. Le conseiller avait parfois à saisir les informations de son client dans différents environnements et parfois plusieurs fois… Nous disposons de notre propre outil que nous développons selon nos besoins, sans être dépendant des attentes du marché qui ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres. Les deux personnes en charge du développement de l’outil chez Finansemble nous ont rejoints, et nous comptons muscler cette équipe pour accélérer le déploiement de la solution.En revanche, cette technologie sera réservée uniquement à l’ensemble des conseillers du groupe, à l’exception du cabinet Grisbee Gestion Privée qui continuera à l’utiliser.
Quels sont vos autres projets dans le digital ?
Nous en avons plusieurs qui ont tous une importance majeure pour le groupe. Il s’agit, tout d’abord, d’améliorer notre réputation digitale, via notre communication sur les réseaux sociaux. Dans le même sens, nous allons continuer à refondre nos sites Internet. Nous avons également des ambitions dans l’optimisation de l’utilisation des datas de nos clients et prospects. Nous allons aussi créer une agence à distance. Enfin, nous allons lancer une plate-forme digitale permettant à nos clients non-résidents d’acquérir de l’immobilier en France. En effet, l’investissement en immobilier français, incontournable dans la stratégie patrimoniale des clients non-résidents, peut être réalisé plus facilement.
Où en êtes-vous dans l’intégration des cabinets du projet Victoire ?
L’opération a été conclue au début de l’été et il ne nous restait qu’à obtenir l’agrément de l’AMF pour WiseAM que nous avons obtenu début novembre. Le processus d’intégration des différents cabinets – Witam MFO, Axyalis, Groupe Venice, 3A Patrimoine, Cofige Patrimoine – a été finalisé en novembre, et le nouvel ensemble vient d’être baptisé Laplace. Il va permettre d’optimiser les relations et les synergies entre les différentes structures et celles du groupe.
Ce pôle a été renforcé par l’acquisition du cabinet 3A0 Patrimoine…
Ce rapprochement renforce notre présence à Paris avec l’arrivée d’une équipe de grand talent, dotée d’un encours de 500 millions d’euros en gestion privée, deux mille cinq cents clients et d’une forte compétence immobilière.Bertrand Lefeubvre sera nommé directeur général adjoint, membre de son comité de direction, tandis qu’Emmanuel de La Palme, Xavier Béal et Christophe Thiboult seront nommés directeurs associés senior. Tous seront également associés dans Crystal Holding.
Vous venez également d’ouvrir votre activité à celle du conseil envers les sportifs de haut niveau avec Crystal Sport.
Tout à fait, nous avons créé Crystal Sport suite à l’acquisition de Global Sport & Global Consulting, sociétés monégasques qui accompagnent les sportifs professionnels, en particulier les footballeurs. Chez Crystal, nous visons des clientèles de niche, comme les non-résidents avec Crystal Finance, ou dont l’accès est spécifique, à l’image la clientèle de dirigeants d’entreprise avec Expert & Finance. Dans ce cadre, nous avions depuis quelque temps la volonté de nous intéresser à cette clientèle. Nous avons de belles ambitions sur Crystal Sport, d’autant plus que nous disposons d’un vrai savoir-faire sur la clientèle à mobilité internationale.
Allez-vous annoncer de prochaines acquisitions ?
Nous étudions d’autres dossiers actuellement. Depuis notre rapprochement avec les cabinets du projet Victoire, notre stratégie et notre positionnement ont gagné en visibilité, et de nombreuses opportunités nous ont ainsi été présentées.
Le marché est particulièrement actif actuellement, avec des prix qui apparaissent élevés…
Tout à fait, depuis deux ans le nombre d’opérations a particulièrement augmenté. Quant aux prix, on entend beaucoup de choses, mais le marché reste accessible. Il n’en reste pas moins que si les fonds de Private Equity restent intéressés, cela prouve que les prix demeurent attractifs pour les acquéreurs, et pour les vendeurs bien sûr.
Quelle place va prendre WiseAM dans votre dispositif ?
La société de gestion sera un outil parmi d’autres au service de notre clientèle privée et de nos conseillers. Il s’agira, notamment, de gestion personnalisée sous ses différentes formes:gestion sous mandat, fonds internes dédiés ou collectif, entre autres, qui confèrent davantage de réactivité face à la volatilité des marchés. Nous continuerons à fonctionner en architecture ouverte. Les actifs confiés à WiseAM resteront dans les normes de notre métier aux alentours des 20 %.
Pourriez-vous acquérir d’autres sociétés gestion dans ce domaine ou dans un autre, comme l’immobilier par exemple ?
Nous n’avons pas de velléité dans ce domaine, mais si une opportunité se présente, nous saurions la saisir. Pour l’heure, nous restons concentrés sur le développement de notre clientèle privée.
Quel bilan pouvez-vous tirer de l’année 2021 ?
L’année a été riche, avec l’arrivée d’Apax à notre capital et les différents rachats que nous avons finalisés et ceux qui sont en cours. Elle a également été excellente, comme chez bon nombre de nos confrères. Sur le plan de la collecte, elle devrait atteindre en fin d’année les 850 millions d’euros, y compris les cabinets du projet Victoire.
Quelles évolutions notez-vous en termes d’attentes de vos clients ?
Comme en 2020, la clientèle avisée s’intéresse au Private Equity auparavant réservé aux investisseurs institutionnels et qui est source de performance. Cela nécessite de pouvoir immobiliser son patrimoine sur le moyen-long terme et d’avoir une surface patrimoniale importante, puisqu’on ne peut y accorder que 10 à 15 % de son patrimoine. Pour répondre à cette demande, nous avons co-construit et commercialisé des produits en partenariat, notamment avec 123 IM, Apax et plus récemment Swen. Par ailleurs, l’immobilier séduit toujours, notamment les SCPI, mais également l’immobilier direct via la nue-propriété, un domaine dont nous avons fait notre spécialité. En effet, ce dispositif est particulièrement adapté à notre clientèle historique, les non-résidents qui, n’ayant généralement pas besoin de revenus complémentaires, apprécient l’absence de souci de gestion et la performance de ce type d’investissement. Enfin, la préparation à la retraite constitue toujours un objectif majeur de nos clients. Dans ce sens, nous lançons notre propre PER avec Ofi AM et l’UMR qui dispose d’un très bon actif général, et nous permet d’y loger toutes les classes d’actifs et formules de gestion.
Quelles sont vos ambitions ?
Crystal, qui fête son trentième anniversaire en 2022, représente aujourd’hui 5 milliards d’euros d’encours. D’ici deux trois ans, nous comptons atteindre les 10 milliards et collecter rapidement chaque année 1 milliard d’euros.