Changement climatique : quel est le coût de l’inaction ?

04/11/2021 - source : Profession CGP

Par David Page, Head of Macro Research chez Axa IM

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a déclaré dans son dernier rapport qu’« il était plus probable » qu’improbable que les augmentations de température dépassent la limite de 1,5 degré visée par l’Accord de Paris. La COP 26 à Glasgow a été décrite comme « la dernière meilleure chance au monde de maîtriser le changement climatique galopant ».

Il est désormais crucial d’agir et la communauté mondiale a commencé à prendre les devants. Les Etats-Unis et la Chine – les plus gros émetteurs de CO₂ au monde – se sont engagés cette année à atteindre des objectifs de zéro émission nette, rejoignant ainsi la plupart des autres grandes économies qui ont déjà pris des engagements similaires.

Evaluer le coût de la transition

Le défi de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à net zéro au cours des prochaines décennies est énorme et son coût est significatif.

L’université de Princeton estime que les Etats-Unis devraient investir 2,5 trillions de dollars (11 % du PIB) d’ici 2030 pour atteindre leur objectif net zéro d’ici 2050. La Commission européenne prévoit 3,5 trillions d’euros d’investissements au cours de la prochaine décennie (25 % du PIB), tandis que l’université de Tsinghua en Chine estime que le plan chinois coûterait 138 trillons de RMB (environ 21,6 trillions de dollars) et 122 % du PIB au cours des quatre prochaines décennies [sources : European Commission, Princeton University, Tsinghua University and AXA IM Research, septembre 2021].

Plus récemment, l’Agence internationale de l’énergie a alerté sur le fait que le réchauffement climatique allait probablement empêcher d’atteindre l’objectif le plus conservateur de l’Accord de Paris, celui des 1,5 °C, et ce malgré la réalisation des engagements des gouvernements dans le temps imparti.

Elle a appelé à des progrès plus rapides dans la transition énergétique car elle prévoit un réchauffement à 2,1 °C d’ici 2100 dans le scénario actuel. A ce jour, l’Agence estime que les engagements permettraient d’accomplir seulement 20 % des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2030, pour que l’objectif net zéro d’ici 2050 reste une possibilité. Pour atteindre cet objectif, elle a déclaré que jusqu’à 4 trillons de dollars d’investissements annuels seraient nécessaires au cours des 10 prochaines années – dont la plupart devront être orientés vers les économies en développement [sources : World Energy Outlook 2021 – Analysis - IEA].

Des investissements, pas des coûts

Pourtant, les éléments mentionnés ci-dessus doivent être vus comme des estimations de plans d’investissement plutôt que des coûts. Dans le sens où l’investissement apportera une impulsion positive à l’activité économique, soutenant directement la demande. Et au-delà de cette relance directe de l’activité, on peut s’attendre à des bénéfices potentiels supplémentaires, qui devraient tous intéresser les investisseurs, notamment :

- la réduction des coûts : au cours des dernières décennies, l’investissement dans les panneaux solaires, stimulé par les subventions gouvernementales dans de nombreux pays, a entraîné une chute spectaculaire des coûts. Depuis 2010, le prix moyen des panneaux solaires a chuté de 82 % aux États-Unis, soit l’équivalent de 0,068 $ par kilowattheure (kWh), par rapport au charbon à 0,32 $ kWh, le solaire et l’éolien terrestre étant désormais les sources d’énergie les moins chères au monde [sources : International Renewable Energy Agency (IRENA) 2019]. Les investissements futurs dans d’autres technologies devraient probablement permettre de réduire également les autres coûts de transition ;

- l’augmentation de la productivité : l’investissement dans les nouvelles technologies devrait également accroître l’efficacité, renforcer la productivité globale et augmenter le potentiel de croissance économique ;

- le fait de compenser/rattraper le sous-investissement et les externalités positives : les infrastructures sont un bien public et sont souvent sous-équipées dans les économies de marché. L’augmentation des investissements dans les infrastructures clés peut générer des externalités positives supplémentaires, par exemple l’augmentation de la résistance du réseau électrique ;

- des bénéfices pour la santé : la réduction du charbon et le passage décisif aux véhicules électriques réduiront les émissions de particules qui contribuent à la mauvaise qualité de l’air et qui créent une myriade de problèmes de santé associés, comme l’asthme par exemple. Moins de problèmes de santé devraient réduire les coûts futurs de soins de santé, abaissant le coût net de l’investissement initial.

Le coût net estimé de l’évitement

L’évaluation des effets combinés est naturellement compliquée. L’Organisation de coopération et de développement economiques (OCDE) a conclu qu’une « transition décisive » pourrait augmenter le PIB mondial de 2,5 % d’ici 2050. Là où le Fonds monétaire international (FMI) estime qu’en limitant la hausse des températures à 1,5°C, le PIB serait inférieur de 1% d’ici 2050 [sources : OECD, IMF – AXA IM The cost of climate change: Action versus inaction | AXA IM Corporate (axa-im.com)].

Le Network for Greening the Financial System (NGFS) estime qu’un scénario compatible avec le net zéro réduirait probablement le PIB mondial d’environ 2 % d’ici 2050 jusqu’en 2100. Mais il s’attend également à ce qu’une « transition retardée » ait un coût nettement plus élevé, réduisant le PIB d’environ 5 % d’ici 2050, avant que les pertes ne soient réduites à environ 2,5 % d’ici 2100 [sources : NGFS / AXA IM The cost of climate change: Action versus inaction | AXA IM Corporate (axa-im.com)].

Le prix de l’absence d’atténuation du changement climatique

La comparaison avec les coûts d’un changement climatique non atténué est la plus frappante. Et bien que ces estimations soient bien entendu très incertaines, les prévisions n’en restent pas moins sombres.

Le NGFS prévoit que les pertes dépasseront 6 % du PIB mondial d’ici 2050, tandis que l’OCDE prévoit que d’ici 2100, les pertes totales devraient atteindre 10 à 12 % du PIB. Actuellement, le pire scénario proposé par le FMI prévoit une perte de production de 25 % [sources : NGFS / IMF / AXA IM septembre 2021].

Une complication supplémentaire dans l’évaluation des coûts d’évitement du changement climatique serait que les pertes se produisent à court terme et que les avantages ne s’accumulent qu’à beaucoup plus long terme. De plus, les coûts différeraient selon les économies et les zones géographiques. Différentes zones devraient subir plus ou moins de pertes de production résultant de l’atténuation du changement climatique et seraient affectées dans une plus ou moins grande mesure par le changement climatique lui-même.

Un avenir meilleur

Le coût de l’atténuation du changement climatique est sans aucun doute gargantuesque. Mais si le monde ne s’unit pas pour faire face à cette urgence, l’estimation des pertes potentielles associées au changement climatique incontrôlé serait beaucoup plus élevée du fait de l’augmentation du potentiel d’événements météorologiques plus extrêmes, de perturbations sociales et de perte d’activité économique.

Fondamentalement, si nous ne parvenons pas à passer à un monde à faibles émissions de carbone, l’intégrité globale de l’économie mondiale restera menacée. En passant à un monde à faible émission de carbone, nous avons la possibilité de prévoir un avenir économique plus fort et plus durable. La transition devrait aider de nouvelles technologies et industries à prospérer. Elle peut contribuer à générer une croissance économique absolue supplémentaire, des retours sur investissement plus durables et un meilleur environnement mondial pour tous.