Depuis les élections présidentielles américaines, les marchés boursiers américains sont portés par un certain optimisme, les baisses d’impôts annoncées et la tendance à la déréglementation alimentant l’espoir d’une accélération de la croissance bénéficiaire des entreprises. A l’inverse, les marchés européens font l’objet d’une certaine défiance, en raison de la faiblesse des indicateurs macroéconomiques dans la zone Euro et en Chine, ainsi que du potentiel effet négatif de la hausse des droits de douane promise par Donald Trump sur les importations sur le sol américain.
Geoffroy Goenen, Head of Fundamental European Equity ManagementBien qu’il soit largement répandu parmi les investisseurs, ce sentiment négatif vis-à-vis des actions européennes nous semble discutable. Nous voyons même plusieurs raisons d’espérer un rebond des marchés européens dans le courant de l’année 2025.
Tout d’abord, l’impact d’une potentielle hausse des droits de douane aux Etats-Unis sur les importations européennes devrait être limité. En effet, dans la plupart des secteurs d’activité, les biens vendus par les grandes sociétés européennes aux Etats-Unis sont en grande majorité fabriqués directement sur le sol américain, et ne sont donc pas sujets à des droits de douane. Par exemple, dans la consommation de base, environ 85% des biens vendus aux Etats-Unis par les trois principales sociétés européennes cotées (Nestlé, Unilever et L’Oréal) sont produits localement1 L’impact de la hausse des droits de douane ne sera donc significativement négatif que pour une poignée de secteurs (dont l’essentiel de l’appareil productif est basé en Europe), tels que le luxe et l’automobile. Néanmoins, les sociétés du luxe disposent d’un important pouvoir de fixation des prix et pourraient donc être à même de faire absorber la hausse des tarifs douaniers par leurs clients. Quant au secteur automobile, il sera bel et bien touché mais son poids dans les indices européens est très faible (moins de 2 % de la capitalisation boursière de l’indice MSCI Europe2). Par ailleurs, n’oublions pas qu’il s’agira d’une négociation et que les Etats-Unis ont également à perdre dans une guerre commerciale avec l’Europe et la Chine.
Une autre raison d’être optimiste à l’égard des marchés européens réside dans les bénéfices que pourront retirer les grandes sociétés européennes de la mise en œuvre du programme de Donald Trump, compte tenu de leur exposition significative aux Etats-Unis (26 % des revenus des sociétés appartenant à l’indice STOXX 6003). Ainsi, elles profiteront directement dans cette zone de la baisse annoncée du taux d’imposition sur les sociétés, de l’accélération attendue de la croissance et de la poursuite du renforcement du dollar vis-à-vis de l’euro.
Par ailleurs, de nombreuses sociétés cotées en Europe génèrent une part plus importante de leurs revenus en Chine qu’aux Etats-Unis, notamment dans les secteurs de la sidérurgie, de la consommation (luxe, automobile, cosmétiques et alimentation), de la chimie et de l’industrie. Dès lors, la probable accélération du plan de relance chinois devrait jouer un rôle de catalyseur significatif pour les actions européennes, qui n’est aujourd’hui pas pris en compte par les marchés. Au-delà des mesures déjà annoncées en faveur des collectivités locales et du crédit immobilier, les autorités chinoises pourraient prochainement en dévoiler d’autres, visant à dynamiser la consommation et la croissance.
Le règlement négocié de la guerre en Ukraine aurait également un impact positif sur les actions européennes, car elle conduirait à une baisse de la prime de risque pour les actions européennes. Il faut se souvenir que le début de la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui s’en est suivie ont entraîné des sorties massives de capitaux des marchés européens en 2022 et 2023. Par conséquent, les investisseurs internationaux sont aujourd’hui sensiblement sous-exposés aux actions européennes, alors qu’elles offrent d’après nous une opportunité d’investir à bas prix dans des leaders mondiaux.
Enfin, les actions européennes devraient bénéficier d’un environnement de taux plus favorable qu’aux Etats-Unis. En effet, il fait peu de doute que la Banque Centrale Européenne va poursuivre le cycle de baisse de ses taux directeurs, compte tenu du faible niveau de l’inflation dans la zone Euro et de la nécessité d’y soutenir la croissance économique atone. A l’inverse, l’incertitude plane sur le rythme de la baisse des taux de la Fed, en raison de la résilience de l’économie américaine et de l’impact inflationniste du programme de Donald Trump (réduction des impôts, hausse des droits de douane, mesures anti-immigration).
Compte tenu de ces dynamiques différentes, nous pourrions assister à une certaine décorrélation des taux longs aux Etats-Unis et en Europe, comme ce fut observé dans les premières semaines suivant la victoire de Donald Trump. Nos économistes tablent même sur un écart entre les taux 10 ans allemands et américains qui pourrait monter jusqu’à 2,5 %4, comme lors du premier mandat présidentiel de Donald Trump. Cette situation serait bénéfique aux valorisations des sociétés européennes en termes relatifs, et pourrait conduire à une réduction de l’écart entre les multiples des deux côtés de l’Atlantique, aujourd’hui historiquement élevé (22,7x les bénéfices prévisionnels 2025 pour le MSCI USA vs. 13,3x pour le MSCI Europe, sur la base du consensus de marché au 31 décembre 20245).
Par Geoffroy Goenen, Head of Fundamental European Equity Management1 Source : UBS, 12/11/2024.
2 Source: MSCI, © MSCI All rights reserved, Décembre 2024.
3 Source : Les Echos, 17/01/2025.
4 Source: estimations Candriam
5 Source: Refinitiv.
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