Les données ESG – leur disponibilité, leur pertinence et leur comparabilité – se trouvent au cœur d'un vaste débat, encore plus pertinent dans le cas des actifs non cotés. Nous traitons ici de trois aspects de cette question, et rappelons le rôle central de la due diligence dans le processus d'analyse ESG.
« Small is beautiful »: ce qui est petit est beau. Ce qui est petit est aussi dynamique et agile – mais souvent moins bien documenté. La disponibilité et la qualité des données constituent un défi majeur pour la recherche ESG en général, et d'autant plus sur les marchés non cotés où les réglementations relatives à la publication d'informations en matière de développement durable sont moins strictes que pour les grandes entreprises cotées.
Approvisionnement en données : petite taille = difficultés
Le premier défi, très pratique, pour les analystes ESG lorsqu'ils analysent des petites entreprises réside dans le manque de ressources : de nombreuses entreprises ne sont tout simplement pas en mesure d'allouer du temps ou du personnel à la production de rapports ESG.
La disponibilité et la qualité des données sont elles aussi inégales et étroitement liées à l'activité des entreprises ou à leur secteur. Ainsi, une petite entreprise industrielle comme un fabricant de verrerie ou un producteur de composants en aluminium sera généralement en mesure de produire des données sur ses sources d'énergie primaire ou l'efficacité énergétique de ses machines, car le secteur est concerné par ces sujets et peut même avoir des obligations légales de déclaration. Mais ce n'est peut-être pas le cas dans d'autres secteurs ou pour d’autres activités. La plupart des entreprises ne calculent pas les données sur l'égalité hommes-femmes ou les répartitions des effectifs entre le personnel à temps plein et le personnel temporaire.
Due diligence : petite taille = proximité
Le défi des données ESG souligne l'importance d'une étape centrale dans le processus d'analyse ESG : la phase de due diligence. Pour compenser le fait que nous sommes prêteurs (investisseurs en dette privée) et non propriétaires (actionnaires), nous profitons de cette phase de due diligence pour nous rapprocher de la direction. Par exemple, nous négocions toujours pour que le rapport ESG soit intégré dans la liste des documents juridiques requis, et pour obtenir un siège au conseil d'administration, ou, tout au moins, une réunion trimestrielle avec l’équipe dirigeante. Il est essentiel d’installer un dialogue continu et régulier avec le top management. Notre expertise ESG, ainsi que notre indépendance, nous sont essentielles pour questionner l’équipe dirigeante et l’aider à progresser dans les domaines du développement durable.
La phase de due diligence implique une analyse exhaustive des forces et faiblesses des entreprises en matière de développement durable, qui peut les aider à améliorer considérablement leur profil ESG. Au cours de cette étape, nous avons constaté que la direction des petites entreprises a tendance à présenter une plus grande sensibilité aux questions de développement durable que les grandes entreprises. Elles ont également tendance à avoir une idée plus claire et plus concrète de l'impact environnemental ou social de leurs activités.
Nous sommes ainsi en mesure de définir de manière collaborative des indicateurs et des ICP pertinents. Nous privilégions ceux qui sont les plus importants pour les parties prenantes, y compris sur les actifs intangibles. Cette étape de définition des ICP revêt une importance capitale, car l’atteinte des objectifs peut conditionner l’obtention de conditions de crédit favorables.
En outre, notre dialogue avec les sociétés inclut des échanges sur les bonnes pratiques du secteur, ce qui est informatif et mutuellement bénéfique pour les entreprises et les analystes ESG.
Nous n’insisterons jamais assez sur l'importance de réaliser des bilans carbone exhaustifs, y compris pour les petites entreprises. Nous exerçons notre influence pour pousser les entreprises dans cette direction.
L'analyse ESG doit également inclure une évaluation de la dépendance des entreprises vis-à-vis des combustibles fossiles et une analyse exhaustive des coûts de l’énergie, car ce sont des externalités et des risques de première importance. Cette analyse doit s’appuyer sur une cartographie des différentes étapes du processus de production – les données relatives à l'utilisation de matériaux de base sont des éléments-clés de l'analyse des chaînes d'approvisionnement, dans un contexte où de nombreux secteurs sont confrontés à des pénuries de semi-conducteurs ou d'engrais.
Pertinence des données : petite taille = spécificité
S’agissant des petites entreprises, on ne peut pas utiliser des données standard ; la pertinence des données doit être évaluée au cas par cas en fonction du secteur, de l'environnement réglementaire et des transformations sociétales. A cet égard, la fidélisation du personnel est devenue un défi pour de nombreux secteurs depuis la pandémie de Covid-19. Par exemple, pour un prestataire de services de mobilité aux personnes handicapées, nous considérerons comme des indicateurs significatifs, ses émissions de scope 3[1] ainsi que le nombre de personnes vulnérables qui ont été transportées. Pour une entreprise spécialisée dans les services de soins à la personne, nous examinerons le taux de rotation des employés et/ou le nombre de formations dispensées au personnel. Pour les entreprises industrielles, les ICP seront axés sur l'empreinte carbone et l'efficacité énergétique.
Le SFDR doit encore aller plus loin
Avec sa volonté d’accroître la transparence sur l’intégration de la durabilité par les marchés financiers, le Règlement sur la publication d'informations de durabilité dans le secteur financier (SFDR) est certainement un pas dans la bonne direction, mais la pertinence des données choisies reste discutable. Premièrement, citons les Normes techniques réglementaires qui entreront en vigueur le 1er janvier 2023 et visent à apporter une définition concrète des activités à contribution environnementale/sociale, encore peu claires tant sur les indicateurs que sur les modèles. Deuxièmement, une interprétation stricte des réglementations relatives aux catégories de produits (notamment l'article 9 des fonds qui « ciblent les investissements durables ») conduit le secteur à se concentrer sur des secteurs à forte contribution ou des thématiques spécifiques qui maximisent les externalités positives (efficacité énergétique, économie circulaire), ce qui peut entraîner une concentration des actifs sur certaines valeurs ou certains secteurs.
L'évaluation de la dette d'une petite entreprise privée nécessite une expertise spécifique qui diffère de l'évaluation du profil de crédit d'une grande société cotée - tout comme le piccolo ressemble à une flûte, mais produit un son très différent. Une analyse ESG de bonne qualité et un échange continu avec la direction vous permettront de tirer le meilleur parti de votre instrument préféré, quelle que soit sa taille.
[1] Le scope 1 couvre les émissions directes provenant de sources propriétaires ou contrôlées par l’entreprise. Le scope 2 couvre les émissions indirectes liées à l’énergie, provenant de la production d'électricité achetée, de la vapeur et de la climatisation consommées par l'entreprise. Le scope 3 comprend toutes les autres émissions indirectes qui se produisent dans la chaîne de valeur d'une entreprise.
Par Vincent Compiègne, Deputy Global Head of ESG Investments & Research et Coralie De Maesschalck, Head of CSR & ESG, Kartesia
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À propos de Candriam
Candriam, qui signifie "Conviction AND Responsibility In Asset Management", est un gestionnaire d’actifs européen multi-spécialiste. Pionnier et leader dans le domaine des investissements durables depuis 1996, Candriam gère environ 143 milliards d’euros d’actifs et s’appuie sur une équipe de plus de 600 professionnels. La société dispose de centres de gestion à Luxembourg, Bruxelles, Paris et Londres et ses responsables de clientèle couvrent plus de 20 pays dans toute l'Europe continentale, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Moyen-Orient. Candriam propose des solutions d'investissement dans plusieurs domaines-clés : obligations, actions, stratégies à performance absolue et allocation d'actifs, avec une gamme large et innovante de stratégies ESG couvrant toutes ces classes d'actifs.
Candriam est une société du groupe New York Life Investments. New York Life Investments[3] se classe parmi les principaux gestionnaires d’actifs mondiaux.
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