Candriam - 2025 : Le chant du cygne pour l'action climatique ?

19/12/2024 - source : Patrimoine 24

Quel sera l’impact sur la transition des récents développement politiques aux États-Unis et en Europe ? La transition énergétique reste-elle un thème d’investissement pertinent ? 

L’année 2024 s’est conclue comme une nouvelle annus horribilis pour l’action climatique : les promesses vides de la COP29, un renforcement des tensions géopolitiques éclipsant la crise climatique, et enfin la réélection de Donald Trump aux États-Unis. Il ne nous reste que quelques années de budget carbone avant de franchir la barre de +1,5 °C de réchauffement. Quel sera l’impact des événements politiques récents et des tensions géopolitiques mondiales sur la transition ?

La transition énergétique n'est pas une question de « si », mais de « quand » et de « comment ». Le changement climatique est une réalité physique - en témoignent les inondations dramatiques qui ont touché l’Espagne en octobre. L’inaction face au changement climatique sera à terme plus coûteuse , et obligera les différents pays à s’adapter avec des conséquences socio-économiques beaucoup plus importantes.

Si la transition énergétique peut être ralentie par un manque d'ambition politique, elle apparaît comme une tendance irréversible qui continuera à transformer nos sociétés. Les décisions qui la jalonnent seront de plus en plus motivées par des enjeux de compétitivité économique et par la nécessité de sécuriser une indépendance maximale dans les chaînes d'approvisionnement énergétiques.

Le scénario le plus probable désormais est celui d'une transition retardée 

Les émissions mondiales de GES ont atteint 57,1 Gt CO2e en 2023, en hausse de 1,3 % sur un an[1]. Malheureusement, ces émissions sont loin d’avoir atteint leur pic. Les engagements climatiques actuels nous dirigent vers un scénario de réchauffement mondial, dans le meilleur des cas, de +2,6 °C avec des conséquences graves au niveau environnemental, social et économique. Le manque d'ambition démontré à Bakou lors de la COP29 et l'élection de Donald Trump aux États-Unis ne sont pas des signes d'espoir, du moins à moyen terme.

Cependant, sur le terrain, de nombreuses technologies déterminantes pour la transition énergétique sont en fort développement, et en premier lieu les énergies renouvelables. Les capacités mondiales de renouvelable devraient être multipliées par 2,7 d'ici 2030, près de 25 % au-dessus des ambitions nationales[2]. Cela représente une capacité supplémentaire de 5 500 GW, 60 % de cette croissance provenant de Chine. Cela reste insuffisant pour atteindre l'objectif d’un triplement des capacités renouvelables nécessaire pour une trajectoire net zéro, mais souligne que le développement des renouvelables est désormais moins dépendant des réglementations environnementales, des subventions, et de la politique.

Politique et règlementation ne sont plus les seuls moteurs de cette transition 

L'Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis a montré le rôle d’accélérateur que joue la réglementation dans la transition. Bien que Trump ait annoncé son intention d’abroger cette loi, un retrait complet est peu probable compte tenu des bénéfices économiques qu’en ont tiré de nombreux États dirigés par les Républicains. L’action anti-environnementale de Trump risque de se limiter à des décisions symboliques qui ne menacent pas la croissance économique, comme la réduction du pouvoir des agences fédérales ou l'abrogation de normes d’émissions et de pollution.

Bien que les réglementations puissent accélérer la transition, le déploiement des énergies renouvelables à l'échelle mondiale repose désormais principalement sur des facteurs économiques. Les renouvelables sont devenus la source d'électricité la moins chère dans de nombreuses régions grâce à une amélioration continue de leur coût actualisé moyen pondéré (LCOE – Levelized Cost of Energy), que les progrès technologiques devraient encore réduire. En parallèle, la production d'électricité thermique subit une hausse des coûts du carbone et est exposée à la volatilité sur les marchés des matières premières. 

Au milieu des tensions commerciales, la chaîne d'approvisionnement des technologies vertes devient un enjeu géopolitique majeur

Une guerre commerciale se prépare entre les États-Unis et la Chine, et dans une moindre mesure l'Europe, visant à protéger les secteurs des technologies vertes. Les « clean tech » sont devenues un enjeu majeur des politiques commerciales, comme on l'a vu en mai avec des augmentations de droits de douane sur des produits chinois tels que les véhicules électriques (VE), les cellules photovoltaïques, les batteries de VE et les batteries lithium-ion hors VE, ou encore la Loi Intergouvernementale sur les Minéraux Essentiels (Intergovernmental Critical Mineral Task Force Act) adoptée en septembre 2024 qui vise à réduire la dépendance des États-Unis à la Chine pour les minéraux critiques utilisés dans les technologies vertes.

Cela signifie que la mise en place de chaînes d'approvisionnement locales sur les technologies vertes et la sécurisation de l'accès aux minéraux critiques sont désormais des enjeux de compétitivité et de souveraineté - l'un des rares sujets qui bénéficie d’un soutien bipartisan aux États-Unis. Cela devrait servir de fil conducteur dans les décisions prises au-delà des clivages politiques.

La situation est similaire en Europe. Bien que le nouveau Parlement et la Commission aient adouci leur position sur les questions environnementales, il est peu probable que l'UE démantèle des réglementations phares telles que le Net Zero Industry Act, dont l’objectif premier est d’assurer la compétitivité et l'indépendance de l'Europe sur le long terme.

En fin de compte, même s’il est possible que la régionalisation des chaînes d'approvisionnement des technologies vertes augmente le coût global de la transition, elle nécessitera encore plus d'investissements dans ces technologies et leurs chaînes d'approvisionnement, ce qui générera davantage d’opportunités d'investissement.

Comment saisir les opportunités d'investissement dans ce nouveau contexte ?

Les investissements dans la transition sont en bonne voie pour atteindre 2 000 milliards de dollars en 2024, soit une augmentation de 60 % depuis 2015[3]. Selon le scénario central « Nouveaux engagements annoncés » (Announced Pledges Scenario) de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), ce chiffre devrait doubler dans les économies développées et en Chine, et quadrupler dans les économies en développement, pour atteindre près de 3 700 milliards de dollars. Le scénario net zéro prévoit une hausse des investissements jusqu’à 4 800 milliards de dollars. Ces deux scénarios créent de nombreuses opportunités d’investissement sur une large palette de technologies.

L'électrification, un enjeu clé – avec une demande d’électricité en forte croissance

L'électrification est essentielle à la décarbonation de l'économie mondiale. La demande mondiale d'électricité devrait augmenter sur un rythme plus élevé au cours des deux prochaines années (+3,4 % par an jusqu'en 2026[4]), stimulée par les tendances démographiques, de nouveaux usages tels que l'IA (avec une consommation de 1 000 TWh par les data centers d'ici 2026[5]) et l'électrification des besoins énergétiques dans les bâtiments, l'industrie et les transports. Dans son scénario de base « Stated Policies » (STEPS[6]), l'AIE prévoit une augmentation de la demande d'électricité de 1 000 TWh par an jusqu'en 2035 (45 % provenant de la Chine), ce qui équivaut à ajouter chaque année un deuxième Japon à la consommation mondiale d'électricité.

Energies renouvelables : le déploiement repose sur une hausse de la demande d'électricité et des facteurs économiques favorables

Le coût actualisé moyen pondéré de l'électricité (LCOE) pour les projets solaires photovoltaïques à grande échelle est désormais de 0,049 $/kWh[7], soit 29 % de moins que la production d'électricité la moins chère à partir de combustibles fossiles[8]. L’avantage économique des technologies solaires et éoliennes existe, même sans subventions. Aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act et le Bipartisan Infrastructure Law (plan de modernisation des infrastructures) ont accéléré le déploiement des énergies vertes, et cette dynamique devrait perdurer portée par le public (à l’échelon local ou fédéral) et le privé. L'augmentation des capacités envisagée par l'AIE dans son scénario de base (multiplication par 2,7 d'ici 2030) repose principalement sur l'augmentation de la demande d'électricité et une poursuite de la baisse du LCOE.

Investir dans les réseaux pour accélérer la transition

La modernisation et l'expansion des infrastructures de transmission et de distribution sont essentielles à la décarbonation des réseaux électriques. Aux États-Unis, plus de 70 % des lignes de transmission et des transformateurs sont anciens et vulnérables aux pannes de courant et aux cyberattaques, et susceptibles de provoquer des incendies. Selon l'AIE, les investissements dans les réseaux devront doubler pour atteindre plus de 900 milliards de dollars par an afin de répondre aux objectifs climatiques, chaque dollar investi dans les renouvelables nécessitant un autre dollar d’investissement dans les réseaux. En 2023, près de 1 500 GW de projets éoliens et solaires étaient en attente de pouvoir se connecter au réseau électrique pour des raisons administratives et techniques. Les gouvernements ont un rôle crucial à jouer pour accélérer les investissements dans des réseaux plus larges, plus résilients et plus numériques.

La pièce (toujours) manquante pour des systèmes net zéro: le stockage

La demande de solutions de stockage est en forte croissance. La capacité de stockage des batteries devait augmenter de 82 % en 2024[9], les progrès technologiques permettant des réductions de coûts et des améliorations en termes d’efficacité jusqu'en 2030. En particulier, les technologies de batteries sodium-ion et, à plus long terme, les batteries à électrolyte solide devraient aider à résoudre le casse-tête technologique du stockage stationnaire, qui a jusqu'à présent empêché les systèmes de stockage d'énergie de jouer un réel rôle dans la décarbonation des réseaux électriques. Nous pensons voir des ruptures technologiques dans ce domaine avant la fin de la décennie.

Conclusion

Les événements politiques de 2024 ont mis à l'épreuve la transition net zéro. Cependant, la réalité physique du changement climatique demeure – voire s’aggrave. Un haut conseiller américain a déclaré à Bakou : « Ce n'est pas la fin de notre combat pour une planète plus propre et plus sûre. Les faits restent des faits. La science reste la science. La lutte est plus grande qu'une élection, qu’un cycle politique dans un pays ».

La dynamique autour de la transition est désormais soutenue par la recherche d’une compétitivité économique accrue et la nécessité d'assurer une indépendance maximale des chaînes d'approvisionnement énergétiques, ce qui devrait atténuer l'influence des changements politiques à plus court terme. En fin de compte, dans le contexte de la démondialisation, la transition nécessitera des investissements plus élevés que prévu, ce qui devrait créer de nombreuses opportunités d'investissement.

  Par Alix Chosson, Lead ESG Analyst for Environmental Research & Investments et Tanguy Cornet, Head of Thematic Global Equity - Environment  

 

[1] United Nations Environment Program, 2024 Emissions Gap Report [2] Agence Internationale de l’Energie, « Renewables 2024 » report [3] Agence Internationale de l’Energie, « World Energy Investment 2024 » report [4] Agence Internationale de l’Energie, « Electricity 2024 » report [5] Agence Internationale de l’Energie, « World Energy Outlook 2024 » report [6] Le scénario Stated Policies (STEPS) est conçu pour donner une idée de la direction de l’évolution du système énergétique, en se fondant sur un examen détaillé des politiques énergétiques actuelles. Il fournit une évaluation granulaire, secteur par secteur, des politiques mises en place pour atteindre les objectifs fixés, en tenant compte non seulement des politiques et mesures existantes mais aussi de celles qui sont en cours d’élaboration (AIE). [7] International Renewable Energy Agency (IRENA), « Renewable Power Generation Costs in 2022 » report [8] Dans l’industrie de production d’électricité, les principales technologies basées sur les combustibles fossiles sont le charbon, le gaz naturel conventionnel ou encore la technologie gaz naturel en cycle combiné, qui est la moins chère [9] Visual Capitalist, « 2024 U.S. Clean Electricity Outlook » 

 

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