En 1995, Benjamin Nicaise lançait la plate-forme Cerenicimo. Aujourd’hui, il dirige un groupe composé de différentes PME et couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Retour sur ce parcours d’exception avec ce passionné d’immobilier qui nous livre également ses convictions sur un marché en difficulté.
Profession CGP : Il y a trente ans, vous lanciez la plate-forme Cerenicimo. Quelle est l’histoire de cette création ?
Benjamin Nicaise : J’ai conçu le concept de plate-forme de sélection de biens immobiliers, à vingt-trois ans, à l’issue d’un stage chez un promoteur immobilier. A l’époque, dans les années 1990, j’ai fait le constat que le marché immobilier d’investissement était mal structuré et qu’il était beaucoup moins mature que le marché financier en termes d’approche produit. Nous étions alors aux « grandes heures » de la défiscalisation, pas forcément dans le bon sens du terme.
Dans ce temps-là, en 1995, le marché de l’emploi n’était pas au beau fixe et j’avais déjà l’âme d’un entrepreneur. Très jeune, je n’avais rien à perdre. J’ai donc mis à profit ma formation économique dans les méandres de l’investissement immobilier, et défini une méthode de sélection de biens immobiliers pour ne retenir que les supports d’investissement fiables et délivrant aux investisseurs une performance supérieure au marché. Tout de suite, notre approche a convaincu.
Nous étions alors surnommés les « notaires de l’immobilier », car nous apportions au marché une approche technique et rigoureuse (seuls 5 % des biens qui nous sont présentés remplissent nos critères de sélection). Cette approche s’accompagne de notre volonté d’accompagner les clients tout au long de leur investissement ; donc de ne pas faire du « one shot ». Trente années après notre création, avec plus de soixante-dix-sept mille sept cents lots commercialisés pour plus de 12,7 milliards d’euros, je pense pouvoir affirmer que nous avons eu une certaine influence sur notre marché. J’ai eu la chance de commencer jeune ; trente années après, je suis toujours là, et j’ai connu différents cycles immobiliers me permettant de bien ancrer mes convictions. Aujourd’hui, le groupe est toujours basé près de Nantes, à Vertou, à 500 mètres de mon ancien lycée. De façon globale, les maîtres-mots de notre développement ont été : regarder loin, l’indépendance (afin de ne pas avoir la pression pour référencer des programmes), l’accompagnement des investisseurs et la stabilité des équipes. Il est, en effet nécessaire, d’être entouré de collaborateurs engagés car le capital humain constitue le principal actif de notre groupe. Et c’est un défi au quotidien pour une structure qui compte aujourd’hui deux cents salariés.
Et vous vous êtes rapidement spécialisé sur l’immobilier géré. Pour quelles raisons ?
Ma grande conviction initiale reposait sur l’hébergement des personnes âgées, ce qui n’était pas une évidence à l’époque. Mais notre raisonnement s’est construit sur la base des évolutions démographiques et économiques. J’ai alors eu l’occasion de faire les bonnes rencontres, et Cerenicimo a pu rayonner sur ce marché aux côtés d’exploitants de maisons de retraite majeurs. L’immobilier géré fait donc partie de mon ADN et de celui du groupe.
Puis, le groupe s’est construit de façon assez logique, avec comme but d’accompagner nos clients investisseurs et leurs conseillers. Un accompagnement d’autant plus important que la location meublée répond à des impératifs fiscaux et comptables bien plus complexes que le régime des revenus fonciers. Dans ce sens, je me suis rapidement associé avec mon premier expert-comptable, Yves Bernard, qui était à l’époque stagiaire et qui s’est tellement pris au jeu de la location meublée qu’il en avait fait son mémoire de fin d’études.
Le développement du groupe a donc reposé sur cette volonté d’apporter toujours plus de services à vos clients ?
Tout à fait, nous avons construit le groupe Consultim brique par brique, car je reste un entrepreneur extrêmement prudent, avec la volonté de m’entourer des bonnes personnes. Encore une fois, investir dans l’immobilier s’envisage dans la durée. Rapidement, en 2004, nous avons lancé Expertim, notre filiale d’expertise-comptable dédiée à l’immobilier géré, pour accompagner les propriétaires dans leurs obligations comptables et leurs déclarations fiscales : liasse fiscale, récupération de la TVA, déclaration des revenus… Aujourd’hui, plus de vingt mille investisseurs se reposent sur Expertim pour vingt-cinq mille biens suivis, soit 2,3 milliards d’euros d’actifs.
En 2012, alors que les premières reventes commençaient à se matérialiser, nous avons créé LB2S, notre filiale dédiée au marché secondaire de l’immobilier géré, qui reste le leader du marché français. Chaque année, ce sont plus de mille lots qui sont revendus, généralement en quelques semaines via nos partenaires conseillers en gestion de patrimoine.
Toujours dans notre logique d’accompagnement, nous avons créé Propertimo en 2014 dont l’objet est d’être l’intermédiaire entre les propriétaires, les exploitants (notamment lors des renouvellements des baux) et les syndics de copropriété.
En effet, à l’issue d’un bail, les discussions peuvent être compliquées avec, d’un côté, un exploitant et, de l’autre, plusieurs dizaines de propriétaires. Souvent des incompréhensions surviennent et des blocages s’ensuivent. Le meublé est un investissement qui vit. L’objectif est de ne pas laisser l’investisseur seul face aux problèmes ; d’aller même au-devant des éventuelles difficultés, sans se cacher. Nous menons les discussions pour le compte de nos investisseurs avec, au final, très peu de changement d’exploitant dans les résidences que nous avons commercialisées, autour d’une quinzaine pas plus.
Durant la crise sanitaire, Propertimo a également montré tout son intérêt. Aujourd’hui, Propertimo compte neuf mille clients investisseurs pour dix mille biens sous gestion, représentant plus de 65 millions d’euros de loyers encaissés. L’après-vente permet donc d’assurer la rentabilité à long terme de l’investissement, et de fidéliser nos clients et nos partenaires.
Plus récemment, vous avez élargi votre activité sur d’autres supports immobiliers ?
Tout à fait, nous avons diversifié notre activité en 2017, avec la création de l’OPCI LF Cerenicimo+ en compagnie de La Française et qui permet de bénéficier des avantages de l’investissement en résidences de services et de la fiscalité avantageuse du LMNP.
Nous avons ensuite acquis iPlus, en 2019, pour la distribution de produits immobiliers neufs en démembrement de propriété. Il s’agit, ici, d’un marché de niche : notre volonté n’est pas d’inonder le marché, mais de proposer des solutions qui ont du sens sur le plan financier.
En 2020, nous avons acquis Finple, une plate-forme dédiée au Crowdfunding immobilier. Les opérations proposées visent à renforcer le haut de bilan des émetteurs (fonds propres et quasi-fonds propres) afin de leur permettre d’augmenter leurs capacités d’investissement et, le cas échéant, leurs capacités d’emprunt auprès des banques. L’investissement est possible à partir de 1 000 euros pour une durée de six à trente-six mois, et une rentabilité cible de 8 à 12 % selon les projets. Aujourd’hui, Finple a financé plus de deux-cent-vingt projets pour un montant total de près de 250 millions d’euros.
L’année suivante, nous avons créé Consultim Asset Management, une société de gestion agréée par l’AMF, et nous avons lancé la SCPI diversifiée Optimale, labellisée ISR, qui investit principalement en région sur des actifs de petite taille. Si le marché de la pierre-papier s’est retourné, nous restons focalisés sur notre vision à long terme. Nos choix ont d’ailleurs payé car Optimale ne subit pas de retrait et continue de collecter. En 2024, son rendement a atteint 6,50 % et repose sur des actifs de qualité. Toute notre distribution est, depuis 2022, centralisée autour de Consultim Partners.
Au final, notre groupe est organisé de façon horizontale avec différentes filiales, soit autant de PME qui travaillent de façon autonome et en synergie les unes avec les autres.
Votre développement est aussi intimement lié à celui du marché des CGP…
Tout à fait. J’ai pu observer leur développement sur les marchés financiers au travers du parcours de mon père qui était un ancien cadre supérieur chez Generali. C’est pourquoi j’ai souhaité leur apporter les outils et produits pour qu’ils structurent également leur approche de l’investissement immobilier.
Nous restons une plate-forme ouverte à l’ensemble des CGP. Nous n’avons jamais fait partie des acteurs qui les rémunèrent le mieux. Nous préférons d’ailleurs rester éloignés de ceux qui recherchent le produit le mieux commissionné…
Aujourd’hui ce marché se consolide autour de quelques plates-formes financées par des fonds de Private Equity. Cela demande aux dirigeants de ces structures beaucoup d’habilités pour agréger ces professionnels du patrimoine, tout en respectant leur ADN d’indépendant, qui demeure fondamental selon moi. Néanmoins, il existe et existera toujours des CGP qui se lanceront, et je continue de croire aux vertus des modèles de structures composées de deux à trois professionnels.
Vous vous êtes également appuyé sur des capitaux extérieurs pour développer votre structure…
Tout à fait, mais ce n’était pas une nécessité vitale, car nous avons toujours su répondre de façon autonome à nos besoins de financement. Il s’agissait, avant tout de diversifier l’actionnariat du groupe pour en assurer sa pérennité : j’en étais, en effet, le seul actionnaire et cela ne me semblait à l’époque pas souhaitable. Une première opération avait été réalisée en 2007, avec le fond britannique 3i ; ma holding de tête, IBN Gestion, leur a racheté leur participation en 2015. En 2019, c’est le fonds français BlackFin qui est entré à notre capital pour en devenir l’actionnaire majoritaire.
La suite de l’histoire de Consultim reste à écrire et il ne nous faut jamais oublier que ce groupe s’est bâti autour de convictions fortes et différenciantes, voire clivantes. C’est cet ADN qui a fait notre réussite financière et pas l’inverse…
En trente années de parcours, quelles personnes ont plus particulièrement compté pour vous ?
Je citerai, bien évidemment, mon ancien directeur général, Jean-Loup Duvail, et le secrétaire général du groupe, Olivier Trit. Jean-Loup m’a accompagné pendant plus de dix ans chez Consultim et il reste encore associé avec moi dans de nombreux dossiers. A titre d’exemple, nous venons de lancer la réhabilitation d’un bâtiment emblématique de La Baule pour le transformer en hôtel. Ami d’enfance rencontré sur les bancs du lycée, Olivier Trit est demeuré à mes côtés pendant quasiment vingt ans.
Bien que tous deux soient très différents, ils partagent avec moi des convictions fortes que sont la probité et l’engagement à long terme aux côtés de nos partenaires et clients. Cela peut paraître désuet, mais c’est avant tout cela qui a fait Consultim.
Quel regard portez-vous sur les difficultés actuelles du marché de l’immobilier ?
80 % des problèmes du marché sont dus à la hausse des taux. Nous sortons d’un marché où le pricing des différents segments immobiliers avait été construit par des taux d’intérêt proche de zéro.
Aujourd’hui, malgré les baisses récentes, nous restons très au-dessus des taux passés. Les loyers augmentant peu, le seul dénominateur d’ajustement est le prix de vente, et sans cela, le marché va continuer à se gripper.
Pour l’immobilier neuf, un tel repricing est impossible en raison des prix du foncier et des coûts de construction, et explique l’arrêt du marché ; pour l’ancien, la baisse se matérialise peu à peu et s’accompagne d’une réduction du volume des transactions. Je crains que le marché du résidentiel neuf connaisse une année 2025 dramatique avec la fin du dispositif Pinel.
De son côté, l’immobilier géré ralentit car la production est moins importante ; les particuliers continuent d’investir néanmoins, tandis que nous constatons quelques sorties de la part des investisseurs institutionnels, ce qui pourrait offrir de belles opportunités dans l’ancien.
De façon globale, le stock de produits grossit peu, alors que la demande locative continue d’augmenter. Les prix vont donc se maintenir, ce qui est favorable aux investisseurs.
A plus long terme, ce marché de pénurie peut inquiéter… Socialement, la difficulté à se loger s’accroît et vient renforcer un climat assez compliqué dans l’Hexagone.
Ce contexte a-t-il modifié vos critères de sélection ?
L’évolution de l’environnement de taux nous a conduits à adapter nos produits en termes de performance, avec un bon couple rendement-risque et toujours plus de sécurité. Cela demande d’être toujours plus pointu dans le montage des opérations.
Il convient également d’adapter les résidences aux nouveaux usages de l’immobilier, avec une dimension servicielle qui va continuer à se développer dans nos sociétés occidentales. Les résidences proposant des services tout au long de l’année sont de plus en plus plébiscitées, car elles apportent de la simplicité et elles répondent aux besoins d’une population toujours plus mobile.
Chez nous, le concept Mobility a convaincu. Ces résidences n’ont pas une clientèle prédéterminée, mais visent une consommation de l’immobilier de quelques jours à plusieurs mois : hommes d’affaires, étudiants en stage, tourisme, par exemple, donc des personnes allant de dix-huit à plus de soixante ans, même si je ne pense pas que l’intergénérationnel soit une piste d’avenir. En revanche, la spécialisation ne me semble plus être porteuse.
Je considère qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais segments dans l’immobilier géré, mais qu’il y a de bons et des mauvais produits. A chaque fois, c’est la même chose : un segment est à la mode, il se vend facilement et c’est là que les problèmes commencent.
Des opérateurs opportunistes, généralement des promoteurs-exploitants, veulent profiter de ces vagues et se développent à tout-va. Dans les années 2000, la mode était à l’investissement dans le tourisme ; dix ans après, on ne compte plus les opérateurs en cessation de paiements… Dans les années 2010, la vague de l’investissement dans les résidences seniors déferle ; dix ans après, on est en train de découvrir le résultat.
Il y a des fondamentaux à respecter dans l’immobilier géré : emplacement, taux d’effort, conception des bâtiments, stratégie de l’exploitant, etc.
Si on ne les respecte pas, c’est la chute assurée, quel que soit le segment. Il n’y a pas de magie, je le dis et le répète depuis trente ans.
Pourquoi ne vous êtes-vous pas encore lancé dans le coliving, une activité qui se rapproche sensiblement du meublé ?
C’est en effet une typologie d’actifs à la mode : vous comprendrez, au regard de ma réponse précédente, que je fasse preuve de prudence encore une fois. Sur le papier, c’est séduisant, mais la réalité est quelque peu différente : il faut tenir compte de capex beaucoup plus importants que dans l’immobilier résidentiel classique, de l’importante rotation des locataires et des charges spécifiques.
Je détiens avec un associé un important portefeuille en coliving, nous constatons une importante différence entre la rentabilité théorique et la rentabilité réelle pour les raisons citées plus haut. Donc encore une fois, ce n’est pas un mauvais segment, mais attention à la véracité des rendements annoncés !
Nul doute que je mettrais un jour à profit mon expérience d’investisseur dans ce domaine pour bâtir des produits fiabilisés pour le grand public sur ce segment.