Assurance-vie : gérer ses vieux contrats

30/09/2024 - source : Investissement Conseils

Faut-il vraiment les conserver ? Y reverser ? Les transférer ? Autant de questions à aborder posément, impacts fiscaux à la clé, et à trancher avec l’appui d’un conseiller aguerri.

Quel client patrimonial ne détient pas aujourd’hui au moins une assurance-vie ? Le cas est sans doute rare. C’est pourquoi se pose toujours la question lors d’un investissement du choix entre reverser sur un contrat existant, parfois souscrit il y a de nombreuses années, ou en ouvrir un nouveau.Vaste problématique, souvent complexe, qu’il faudra traiter à l’aune de plusieurs critères : base technique, fiscalité et performances du contrat possédé, objectifs et situation patrimoniale du client. Avant d’y venir, quelques chiffres pour situer le débat. Selon les données de France assureurs publiées ce printemps, on compterait 55 millions d’assurances-vie en cours sur le territoire pour un total de 19 millions de souscripteurs. Soit près de trois contrats par personne.Un chiffre que corrobore une autre analyse reposant sur le nombre de ménages détenant au moins une assurance-vie en France, estimé à 40,5 % par l’Insee.Avec environ trente millions de ménages recensés par le même institut, on aboutit alors à quatre contrats et demi par ménage. Cette entité étant composée d’une à plusieurs personnes selon les cas, ce chiffre sera in fine réduit.Une moyenne de trois contrats par épargnant semble donc un point d’appui solide pour poser le décor de l’assurance-vie en France. Un constat cohérent pour Eric Muller-Borle, président du cabinet de courtage Asac-Fapes et de la fédération Fapes : « L’assurance-vie, c’est de l’épargne longue, pas de la gestion de trésorerie. Il est logique qu’on retrouve sur le marché un stock de vieux contrats important, ce qui n’est pas en soi une mauvaise nouvelle. » Ajoutons que toute personne, y compris mineure, peut ouvrir autant d’assurances-vie que voulu, quand il est par exemple possible de détenir seulement un seul livret A ou un seul plan d’épargne en actions (une enveloppe réservée aux majeurs). Et que depuis une bonne trentaine d’années, la quasi-totalité des assurances-vie commercialisées sont à durée viagère ou prorogées par tacite reconduction, donc sans terme fixe. Autant d’éléments qui nourrissent cette accumulation de contrats chez les ménages.

Pas de précipitationAssurance vie gérer ses vieux contrats 01Problème, le tout est devenu un maquis difficile à appréhender. Et pour cause, en contre-point, il existe sur le marché des milliers de versions d’assurances-vie différentes empilées au fil des années, ce qu’a confirmé l’ACPR, l’Autorité de contrôle du marché, dans différentes études. Sans doute autour de vingt mille ! Au regard des centaines de lignes de contrats chez certains assureurs, notamment les compagnies traditionnelles ayant opéré des rachats de structures (Allianz, Axa, La Mondiale, etc.), ce n’est guère étonnant.Partant de là, la gestion des vieux contrats – qui regroupent peu ou prou ceux souscrits avant les années 2000, mais aussi ceux sortis des linéaires commerciaux depuis, statistiquement très nombreux –se pose, tant pour les assureurs que pour les assurés et leurs conseillers. Comment aborder ce casse-tête ? Sans précipitation, pour commencer. «Le premier réflexe est de ne surtout pas bouger par une réaction épidermique, poursuit Eric Muller-Borle. Au préalable, il faut étudier posément la situation, avec un expert indépendant si on ne peut le faire seul. Il peut exister de nombreuses raisons de changer d’assurance-vie, mais cette décision ne peut être prise sans un regard global sur le patrimoine de l’épargnant et un questionnement précis de ses objectifs. Cette analyse est principalement de la compétence d’un CGP, qui permet de tout formaliser.»Les objectifs les plus courants ? Capitaliser avec un profil de gestion adapté, tirer des revenus à court ou moyen terme de son contrat, transmettre un capital financier à son décès. Autant de buts à hiérarchiser, même si leur combinaison est possible, pour trancher le sort des vieux contrats. La qualité du (des) contrat possédé entre ensuite en ligne de compte. «Il existe quelques clignotants qui doivent alerter les épargnants, commence Eric Muller-Borle. Les contrats des banques ou ceux des agents généraux d’assureurs ont généralement mal vieilli, avec parfois des phénomènes de contrats désuets, qui n’évoluent plus et ne sont plus attractifs. Inversement, les contrats des CGP sont souvent évolutifs et dynamiques, ce qui est un avantage important pour un placement de long terme comme l’assurance-vie.»C’est un premier point pour sortir du maquis, que de savoir où et quand a été souscrit le contrat. Peu ou prou, les banques réalisent les deux tiers des affaires sur le marché, elles sont donc concernées au premier chef par le traitement des vieux contrats défectueux, souvent dénoncés par les CGP. Aucune généralisation ne peut toutefois être tirée de cette tendance.On trouve aussi dans la case des contrats mal traités quelques offres dédiées aux courtiers ou CGP. Ou des contrats tombés en run-off après un grand battage commercial, à l’instar des produits Prudential dans les années 2000, dont les épargnants arrivent difficilement à sortir aujourd’hui. Pour savoir que faire de son stock d’assurances-vie, chaque cas doit donc être traité… individuellement. Il ne faut toutefois pas se méprendre sur le qualificatif de « vieux » contrat, qui n’est pas qu’une question d’ancienneté. Selon France assureurs, la durée moyenne de conservation d’un contrat est aujourd’hui de treize ans, un élément très variable selon les compagnies (cette durée est presque de vingt ans à l’Afer, par exemple) et, comme toute moyenne, à prendre avec des pincettes, selon l’âge des portefeuilles des assureurs. « Beaucoup de contrats tombent aussi les premières années, c’est-à-dire sont rachetés par l’épargnant, faussant l’analyse, confie un bancassureur sous couvert d’anonymat. La durée moyenne de conservation est à donc à prendre avec des pincettes, et par ricochet le qualificatif de vieux contrat. Des contrats ouverts il y a plus de trente ans et qui ont été enrichis par l’assureur sont aussi jeunes que certains contrats lancés ces deux dernières années. Inversement, des assurances-vie commercialisées voici cinq à six ans sont déjà vieilles, car l’assureur a décidé de ne plus les promouvoir. » Dont acte.

La base technico-financièreIl faut maintenant se concentrer sur certains critères pour décider du sort de son (ses) « vieux » contrat(s). Premier point clé, son contenu. De quoi s’agit-il ? De son offre financière (nombre et diversification des unités de compte, fonds en euros, etc.), de sa grille de frais, des options et garanties éventuellement inclues, des services associés pour gérer son capital, notamment en ligne.Beaucoup de vieux contrats souffrent aujourd’hui d’une base technique moins attractive que les contrats modernes, pas toujours toutefois – par exemple, des vieux contrats commercialisés dans les années 1980-1990 contiennent encore un taux garanti élevé sur le fonds en euros, principalement de 4,50 % net, ou sur la conversion du capital en rente.Notons aussi que certains assureurs font évoluer leurs vieilles assurances-vie pour qu’elles restent compétitives, à l’instar de BNP Paribas avec son contrat Multiplacements 2 lancé en 1990 et toujours distribué par la banque. Et que d’autres – certes rares – jouent la carte du contrat unique depuis plus de trente ans, comme les associations d’épargnants Afer et Agipi.

RendementLe juge de paix reste toutefois, de l’avis de nombreux professionnels, les performances affichées par l’assurance-vie analysée, qu’elle soit ancienne ou non. « C’est la gestion d’actifs qui est décisive quant à la performance d’un contrat, sans oublier d’y intégrer le poids des frais qui impacte le rendement, soutient Eric Muller-Borle. Si un vieux contrat est bien géré, il n’y a aucune raison d’en changer. Attention toutefois à bien prendre en compte les frais du contrat et des supports d’investissement dans la conclusion, cet élément étant souvent passé sous silence par les professionnels. » Et pour cause, l’analyse est cruelle pour de nombreux vieux contrats bancaires fermés à la commercialisation (mais pas aux versements), qui cumulent une offre financière insuffisante (souvent mono-gestionnaire) et des frais d’entrée élevés, 3 à 4 % quand les bons contrats –qui ont aussi de l’ancienneté – prennent de 1 à 2 %. Un élément qui accentue évidemment l’écart de performance entre les assurances-vie, notamment en cas d’épargne régulière.

Performance du fonds en eurosLe fonds en euros est un autre élément important dans la prise de décision. 2,60 % : tel fut le rendement moyen net des fonds en euros en 2023. Tout épargnant possédant un contrat ayant rapporté moins pourrait objectivement se poser la question de sa conservation, même si l’analyse doit être conduite sur plusieurs années pour validation. Sauf cas particuliers, une assurance-vie peu rentable sur son fonds en euros le sera encore demain. C’est souvent le cas des contrats fermés à la commercialisation, donc anciens. Illustration au Crédit agricole:l’assurance-vie Confluence vendue en masse dans les années 1990 affiche depuis de nombreuses années un rendement inférieur de vingt à quarante centimes (hors bonus) à celui servi sur les fonds en euros des contrats commercialisés.Face à un contrat aux rendements décevants, la question de réinvestir sur un meilleur produit est légitime, elle est même salutaire quand on vise à construire ou valoriser au mieux un capital. Prenons un versement de 100 000 euros sur un vieux contrat. Supposons qu’il rapporte 2 % par an sur les dix prochaines années, à l’arrivée, il vaudra 121 899 euros. Cette même somme placée sur un contrat rapportant 4 % donnera 148 024 euros. Dans quinze ans, 134 587 euros contre 180 094 euros, puis dans vingt ans, 148 595 euros versus 219 112 euros. Deux points de rendement en plus par an font donc des écarts significatifs sur la durée. Sur le marché de l’assurance-vie, ces décalages de taux sont légion, notamment entre vieux et nouveaux contrats.

L’impôt, clé du matchL’autre critère décisif tient évidemment dans le traitement fiscal de l’assurance-vie, avec ses différences selon l’ancienneté du contrat et l’âge de l’assuré. « Il faut vraiment regarder la situation fiscale avant toute décision, prévient Olivier Sentis, directeur général de la mutuelle d’épargne MIF. Des dates charnières existent, mais de manière générale, pour tous ceux qui détiennent des contrats sur lesquels des versements ont été réalisés avant 1998, pour ceux souscrits avant 1991, la fiscalité est nettement plus favorable sur les retraits ou la transmission. Il faut aussi prendre en compte son âge : a-t-on dépassé ou non soixante-dix ans ? Si oui, on sera très tenté de maintenir son contrat ou de le transférer, et on évitera toute opération de rachat. Avant soixante-dix ans, en revanche, on a le temps de repartir avec un autre assureur, en regardant ce qui est important dans une assurance-vie, à savoir les frais, la performance financière, les services, etc. » Voyons ce qu’il en est. A première vue, un contrat ouvert il y a plusieurs années jouit en effet d’un sort fiscal plus avantageux en cas de retraits partiels, l’im-position étant dégressive à mesure que le contrat vieillit. De quoi privilégier les versements sur ce dernier plutôt que sur un nouveau contrat. Mais gare aux mauvaises surprises:chaque retrait comprend en effet une part d’intérêts imposable. Or, sur un vieux produit, elle pourrait être bien supérieure à celle d’un contrat jeune. Autrement dit, un taux d’imposition faible sur une assiette élevée pourrait être moins intéressant qu’un taux d’imposition plus élevé sur une assiette réduite.Il faudra aussi faire attention au poids des prélèvements sociaux, quand les capitaux retirés proviennent d’unités de compte – ils n’auront pas été pris annuellement dans ce cas, contrairement à ce qui est pratiqué sur le fonds en euros. « Pour prendre la décision de changer de contrat, la fiscalité est un facteur parmi d’autres, tempère Eric Muller-Borle. Il est souvent utilisé abusivement par certains conseillers ou assureurs pour éviter tout mouvement. Or ce n’est pas parce qu’un vieux contrat a une bonne fiscalité, mais de mauvaises performances, qu’il faut le conserver. ».

Faire les bons choixReste que la souscription d’une assurance-vie a souvent pour objet la protection d’un proche. Au décès, le contrat est clôturé et le capital en compte transmis au(x) bénéficiaire(s) indiqué(s), le tout dans un cadre fiscal avantageux et hors du cadre successoral.Problème : les changements récurrents des règles de taxation ont rendu le tout assez illisible pour les particuliers. Même les professionnels avouent s’y perdre de temps à autre.Sur ce point, identifier la fiscalité applicable à son contrat consiste à se pencher sur sa date de souscription, celle à laquelle les versements ont été effectués et l’âge qu’on avait à ce moment-là. Un vrai chemin de croix sur lesquels les établissements financiers surfent pour vous convaincre de ne pas bouger – ou pour réaliser un transfert de contrat chez eux, sans impact fiscal.A tort ? Possible, tant les cas où le titulaire a intérêt à conserver son vieux contrat, si mauvais soit-il, dans une optique de transmission ne sont pas majoritaires. Et pour cause, faut-il rappeler que dans un couple marié ou pacsé, lors d’un décès, le survivant est exonéré de tout droit à payer. Ce qui revient à dire que l’assurance-vie, qu’elle soit vieille ou pas, qu’elle ait été alimentée avant ou après soixante-dix ans, ne procurera aucun avantage fiscal. Autrement dit, si le conjoint ou partenaire pacsé est seul bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, il faut oublier son cadre fiscal pour se concentrer sur l’aspect technico-financier. Or de l’avis des assureurs, c’est la situation la plus fréquente dans les cinquante-cinq millions de contrats actuellement en cours sur le territoire. Fiscalement inutile aux couples mariés ou pacsés, l’assurance-vie est, en revanche, un outil hors pair pour gratifier ses descendants, mais aussi d’autres héritiers lointains ou des tiers (par exemple, un concubin), fortement taxés dans le droit commun.Premier cas de figure, la détention d’un contrat souscrit avant le 20 novembre 1991. Sa conservation est ici impérative, puisque les capitaux versés dessus et intérêts générés avant cette date seront transmis aux bénéficiaires sans impôt. Et ceux versés après profiteront d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire, même si l’assuré a plus de soixante-dix ans et verse encore dessus. Un véritable eldorado fiscal ! Passé ce cas, ça se complique un peu. Il va falloir analyser la situation en fonction de l’âge, plus ou moins de soixante-dix ans. Tout d’abord, si la personne n’est pas encore septuagénaire, que le contrat soit vieux (après 1991) ou récent, la donne sera identique à conserver un vieux contrat ou à en souscrire un nouveau : exonération de 152 500 euros pour chacun des bénéficiaires désignés, tous contrats confondus, et taxation à 20 % au-delà (31,25 % à partir de 700 000 euros).Conclusion probable : on ne gagne rien à conserver un vieux contrat s’il est financièrement défaillant. Quand on a plus de soixante-dix ans, c’est différent. Le Code général des impôts stipule que les bénéficiaires auront droit à un abattement de 30 500 euros sur les versements bruts effectués (tous contrats confondus si on en a plusieurs). Point clé : les intérêts seront aussi exonérés. Une règle moins favorable, incitant à conserver des contrats – même assez médiocres –souscrits avant cet âge charnière. Passé soixante-dix ans, il sera aussi conseillé de ne pas reverser sur un ancien contrat exposé à l’article 990 I du Code général des impôts, car la traçabilité des fonds n’est pas garantie.Quel que soit le montant du versement, comment l’assureur pourra-t-il vraiment définir l’origine des intérêts générés par cette prime ? Pour éviter tout imbroglio fiscal, mieux vaudra ouvrir un nouveau contrat pour des versements post soixante-dix ans. Nouvelle conclusion : l’appui d’un CGP chevronné sur ces questions sera in fine précieux pour optimiser les choix d’investissement et leurs incidences fiscales.

Ménage et stratégiesAu bout du compte, aucune généralisation ne saurait être faite quant au sort des « vieux » contrats. A chacun sa stratégie selon les différents critères précités. Mais pas seulement : « les objectifs d’un contrat d’assurance-vie évoluent naturellement avec l’âge et les différentes étapes de la vie, explique Eric Muller-Borle. A chaque phase, il est crucial de revoir et d’ajuster le contrat pour qu’il continue à répondre aux besoins spécifiques et aux priorités financières de l’assuré. La flexibilité de l’assurance-vie en fait un outil précieux pour la planification financière à long terme, l’épargne, l’investissement, et la transmission de patrimoine. » Voilà qui est l’occasion de revoir ses contrats et plus globalement la composition de son patrimoine. De « faire le ménage dans ses assurances-vie, selon Olivier Sentis. Un travail qui doit être entrepris régulièrement, par exemple tous les quatre à cinq ans, pour équilibrer les détentions dans le couple, mais aussi pour évaluer l’offre financière, les frais, les résultats. Il faut aussi absolument revoir la clause bénéficiaire de son contrat. C’est là le drame des vieux contrats, dont nombre de clauses bénéficiaires ne sont plus adaptées à la situation de l’assuré et à ses souhaits en cas de décès. Une remise à plat est nécessaire, pour décider des modifications à apporter, des arbitrages à faire, voire davantage avec un rachat ou transfert. Mais il ne faut pas changer d’assurance-vie sur un coup de tête et faire attention que le conseil donné ne soit pas intéressé.Mieux vaut avoir une contre-visite avant de prendre une telle décision car la perte d’avantages fiscaux peut être considérable. » Voilà qui nous amène aux décisions à prendre. Reverser sur son vieux contrat ou le racheter pour investir ailleurs. « Il existe des stratégies ou moyens d’action sur ses vieux contrats, résume Olivier Sentis. Un nouveau versement n’est pas forcément adapté sur un vieux contrat. Et il faut aussi faire attention à la pollution fiscale de produits défiscalisés. Comme on peut ouvrir autant de contrats que voulu, pourquoi s’en priver ? En revanche, si on sait qu’on a besoin de l’argent bientôt, mieux vaut viser l’ancien contrat. Pour un assuré mécontent de sa vieille assurance-vie, il est aussi possible de sortir progressivement de son assurance-vie en utilisant les abattements annuels. » La dernière carte est celle du transfert chez un même assureur sans perdre l’antériorité fiscale du contrat quitté. Depuis 2005 existait la solution du transfert dit Fourgous (du nom d’un député), qui a été complétée par le transfert issu de la loi Pacte depuis 2019.Au vu des statistiques, les assureurs poussent clairement en ce sens. Au premier trimestre 2024, cent-cinq mille contrats ont encore été transformés dans ce cadre Pacte, selon France assureurs.Et autour de 1,5 million en quatre ans et demi. Pour Olivier Sentis, « le transfert Fourgous ou Pacte permet de combiner l’aspect fiscalité et l’aspect frais:on reste chez un même assureur pour avoir un meilleur contrat, mieux rémunéré sur le fonds en euros, moins chargé en frais, le tout sans perte fiscale. Cette possibilité de migration entre contrats est un moyen de mettre la pression sur l’assureur. » Encore faut-il qu’il soit possible, l’assureur étant aux manettes en la matière, et que le contrat proposé soit à la hauteur.Etendu entre assureurs et non plus au sein d’une même compagnie, le transfert mettrait en grande partie fin à la problématique des vieux contrats maltraités. Mais la profession s’y refuse. « Le transfert doit rester intra-compagnie, car en l’élargissant entre les assureurs, on prendrait le risque de déstabiliser le marché, conclut Olivier Sentis. Des actifs pourraient être en moins-value en cas de transfert, et si c’est massif, engendrer des pertes pour les assureurs. Ce n’est évidemment pas souhaitable. Le transfert Pacte pousse déjà les compagnies à mettre leurs contrats à niveau. N’ouvrons pas la boîte de Pandore avec le transfert intégral ! »

Quel encours par contrat ?Dans les 55 millions d’assurances-vie détenues en France, combien le sont avec quelques centaines d’euros ? Impossible à dire, mais de l’avis des pros, ces contrats sont nombreux. Rapporté aux 1 965 milliards d’euros d’encours du placement à fin avril 2024, le niveau d’épargne moyen par contrat serait de 36 000 euros. Cette moyenne est évidemment un trompe-l’œil, puisque nombre de contrats recueillent des dizaines de millions d’euros. La concentration en assurance-vie est en réalité maximale sur le marché : selon la Banque de France (bulletin n° 250/6), plus des deux-tiers (69 % précisément) des sommes placées en assurance-vie ou en épargne-retraite sont détenus par 10 % des ménages. En élargissant aux 20 % des ménages les plus riches, la concentration atteint 83 %. Ce qui donnerait cette fois autour de 270 000 euros par contrat en moyenne. Inversement, les 50 % de ménages les moins fortunés possèdent seulement 4 % des encours de l’assurance-vie et de l’épargne-retraite. Soit autour de 5 000 euros par contrat. De quoi remettre l’assurance-vie à sa place, celle d’un produit de gestion de patrimoine pour les classes moyennes supérieures.

Prendre date sur un bon contratAssurance vie gérer ses vieux contrats 03L’assurance-vie est comme le vin, elle se bonifie avec le temps. Fiscalement du moins. L’imposition sur les intérêts s’allège en effet à mesure que le contrat vieillit, puisque passé huit ans après la date de souscription, le taux d’imposition passe de 12,80 % à 7,50 % (il reste à 12,80 % pour qui détient 150 000 euros ou plus en assurances-vie et contrats de capitalisation). Surtout, le souscripteur profite alors d’un abattement annuel sur les intérêts inclus dans les rachats, de 9 200 euros pour un couple, la moitié pour un célibataire. Le point de départ du compteur fiscal est la date de souscription du contrat, même si des versements complémentaires sont effectués longtemps après. Voilà pourquoi la prise de date est intéressante. Encore faut-il la réaliser sur un contrat appelé à bien vieillir au fil des années…

« Nos produits sont évolutifs, c’est un point capital pour la confiance des épargnants et des conseillers »Assurance vie gérer ses vieux contrats 02Pour Philippe Parguey, directeur général de Nortia, la question clé repose dans la qualité du contrat mais aussi du conseil délivré. Son analyse.

Investissement Conseils : Le marché de l’assurance-vie regorge de millions de vieux contrats. Qu’en faire ?Philippe Parguey : Le contrat est-il bon ou non, c’est davantage la question clé. L’âge du contrat n’est pas si important. Si l’épargnant trouve son compte dans son contrat, même si celui-ci a été souscrit il y a plus de vingt ans, il doit le conserver et y investir. Si ce n’est pas le cas, ce qui est probable, compte tenu du nombre de contrats médiocres commercialisés sur le marché ces quarante dernières années, il faut faire le ménage. Dans les faits, les épargnants bougent peu, pour des questions d’âge ou de méconnaissances souvent, alors qu’il existe des solutions pour redorer une assurance-vie moribonde.

Lesquelles, précisément ?Le rachat de son capital, pour le réinvestir sur une meilleure enveloppe, ou le transfert de son contrat. Mais avant d’agir, il faut évaluer les incidences fiscales, notamment en matière de transmission au décès, ce qui va dépendre de l’âge de l’assuré, plus ou moins de soixante-dix ans, et de la date de souscription et de versement sur le contrat. Partant de là, si l’impact fiscal est nul ou faible, on peut envisager le rachat de son épargne, qui peut se faire en plusieurs étapes pour profiter de l’abattement annuel sur les intérêts (4 600 euros pour une personne seule, 9 200 euros pour un couple). On sort alors de l’argent de son vieux contrat sans impact fiscal majeur et on le réinvestit dans un meilleur produit. L’autre stratégie consiste à transférer son contrat chez le même assureur, si ce dernier le permet, une disposition prévue par la loi Pacte de 2019. L’intérêt est alors d’aller sur une assurance-vie plus moderne, avec de nouvelles conditions de garanties, de frais, etc. Le rôle du conseil est ici primordial pour opérer les bons choix.

Que constatez-vous chez Nortia sur ces problématiques ?Nous sommes peu concernés par la question des mauvais vieux contrats, hormis les situations de contrats que l’assureur ne veut plus faire évoluer. Chez nous, un contrat historique lancé en 1997 a quasiment les mêmes fonctionnalités aujourd’hui, surtout en termes de gestion, que les nouvelles offres. Nos produits sont évolutifs, c’est un point capital pour la confiance des épargnants et des conseillers. En revanche, nous profitons clairement du transfert Pacte pour simplifier la gestion de contrats suite à des ordres de remplacement de courtiers. Avec cette solution, un contrat d’ex-banque privée par exemple qui passe à un CGP, l’assureur restant le même, pourra évoluer selon nos critères et sans nécessiter l’accord de l’ex-banque. Ainsi, le transfert Pacte se fait dans l’intérêt du client, qui obtient un meilleur suivi/conseil en changeant de circuit, du CGP qui gagne un client, et de Nortia qui n’est pas obligé de créer un canal informatique spécifique pour gérer chaque cas. C’est gagnant-gagnant ! Mais cette stratégie n’est pas possible avec les assureurs ayant un circuit de distribution propre et non intermédié par un CGP. Seule la transférabilité des contrats entre les compagnies, que j’appelle de mes voeux, permettrait aux épargnants de sortir de mauvais produits sans y laisser des plumes fiscales. Les compagnies sont contre cette évolution, pointant les risques systémiques, alors qu’il suffirait d’encadrer les règles du transfert pour les éviter.

Vieux contrats et environnement juridique : prudenceCertains contrats d’assurance-vie ont été souscrits dans un cadre juridico-fiscal particulier. Citons les contrats DSK par exemple, pour lesquels tout reversement doit respecter une part de fonds risqués minimale. A défaut, l’avantage fiscal en sortie est perdu. La prise de risque est-elle cohérente avec un nouveau versement ? Pas certain. Souscrits en masse au début des années 2000, ces contrats n’ont pas complètement disparu du marché. On en compterait encore plus de 150 000 en cours détenus par des assurés pour une manne de 5 milliards d’euros. Même constat pour les contrats NSK lancés en 2005, même si le succès commercial fut moindre.Le cas de PEP assurance est aussi symptomatique:on compte encore plus de 850 000 assurances-vie (37 milliards d’euros) reposant dans l’enveloppe juridico-fiscale du PEP (plan d’épargne populaire). Bien que plafonné à 92 000 euros de versement, ce placement profite d’avantages fiscaux importants et est transférable entre établissements gestionnaires. Il faut donc y réfléchir à deux fois avant de s’en séparer.Autre point juridique à mettre à plat avant d’opter pour un ancien contrat : l’origine des fonds à investir, qui doit être cohérente avec la configuration du contrat déjà ouvert. Exemple:Monsieur ne peut pas investir des fonds propres sur un ancien contrat souscrit par Madame, son épouse.Plus généralement, les changements intervenus dans sa famille (mariage, changement de régime matrimonial, divorce, naissances, etc.) doivent être pris en compte avant tout investissement sur un ancien contrat détenu. De quoi éviter les confusions et d’inévitables imbroglios en cas de décès ou de séparation. Pour un changement de régime matrimonial, notamment vers celui de la communauté universelle, les adhésions conjointes sont souvent préconisées plutôt que des reversements sur d’anciens contrats individuels.Citons enfin le cas des contrats nantis envers une banque pour garantir un prêt : y reverser n’y est pas vraiment conseillé. Ou celui des contrats souscrits par démembrement à l’origine, sur lesquels on évitera de placer des fonds détenus en pleine propriété.