En dépit de vents contraires puissants, alimentés par les Banques Centrales, la politique du zéro covid en Chine et par la poursuite de la guerre en Ukraine, l’économie mondiale surprend par sa résilience même si la tendance à la décélération n’est pas contestable.
La réalité d’une récession aux Etats-Unis comme en Europe n’est à ce jour pas confirmée par les dernières statistiques. Le PIB américain est sur une pente légèrement déclinante mais on constate une amélioration en fin de troisième trimestre, constitutif d’une base favorable pour le dernier trimestre de l’année. L’activité industrielle est certes assez peu soutenue, mais la récente remontée des indices par les FED régionales laisse augurer des chiffres plus positifs pour la période à venir. Le niveau bas des stocks, notamment dans le domaine de l’armement, constitue un autre facteur d’amélioration future. La production d’armes va devoir considérablement accélérer pour compenser les exportations vers l’Ukraine. Seul le domaine de la construction demeure à des points bas, ce qui pèse à la fois sur la croissance et sur l’inflation, en raison d’un effet de rareté et de la hausse des loyers.
En Europe la production industrielle a retrouvé son niveau de 2018. C’est plutôt une bonne surprise dans le contexte anxiogène que nous connaissons. Les ventes au détail se sont également stabilisées et semblent marquer un sursaut. Il ne faut pas oublier que l’Europe est une zone à risque sur le plan économique : en attestent sa dépendance énergétique et sa proximité avec la zone de conflit en Ukraine. Le moral des acteurs économiques est dépendant de ces facteurs et peut rapidement varier dans un sens ou dans l’autre. Une récession en 2023 est toujours probable mais elle devrait être modérée. La prudence des ménages se traduit par un taux d’épargne historiquement élevé. C’est une réserve de consommation future en cas d’amélioration de la situation géopolitique.
La Chine s’embourbe quant à elle dans sa folle politique de zéro covid, qui commence à provoquer des réactions sociales inquiétantes. La croissance économique est affectée à court terme malgré les efforts de la Banque Centrale chinoise et du gouvernement pour remettre de l’huile dans les rouages (baisses des taux, relances budgétaires). Il nous parait impossible que le pouvoir en place puisse maintenir longtemps une telle politique sanitaire, et nous espérons des évolutions dans les prochaines semaines. A travers la Chine c’est également tout le problème de la chaîne d’approvisionnement qui est soulevé, avec ses conséquences négatives sur l’inflation mondiale.
Le paradoxe est que cette relative résilience économique pourrait être vue négativement par les Banques Centrales qui sont aujourd’hui « en mission » contre l’inflation. L’économie mondiale a ralenti, mais est-ce suffisant pour calmer les pressions inflationnistes et notamment celles découlant du niveau des salaires ? Ce n’est probablement pas le cas dans l’esprit de nos banquiers centraux, qui alternent entre discours plus conciliants et résolution à combattre la hausse des prix. Une pause dans la montée des taux est encore prématurée à ce stade. Nous considérons pourtant que le pic inflationniste est bien dépassé aux Etats-Unis et qu’on pourra constater une inflexion réelle de l’inflation en 2023. Les taux d’intérêt courts devraient être relevés encore deux ou trois fois par les autorités monétaires avant de se stabiliser. L’inflation n’est pas encore vaincue et reste soumise à des évolutions géopolitiques en Ukraine et sanitaires en Chine. Quoi qu’il en soit, une grande partie de l’ajustement monétaire est déjà fait, et contribuera à la maîtrise future des prix.
Cette fin prochaine de la hausse des taux, avec une économie qui plie mais ne rompt pas, donne des perspectives plus favorables pour 2023, en particulier pour les thématiques les plus attaquées cette année : marchés obligataires, secteurs de croissance et segments des petites et moyennes valeurs pour les actions. A court terme nous maintenons notre biais conservateur dans nos gestions prudentes. Nous renforçons en revanche les actions dans nos gestions dynamiques en achetant des valeurs de croissance décotées. Pendant quelques mois encore, les taux d’intérêt seront le principal moteur à la hausse ou à la baisse des marchés. Cela doit rester à court terme notre point de vigilance.
Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé
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